
Qui de l'abeille pollinisatrice ou du pesticide est le plus important à l'agriculture? La firme allemande juge vendredi matin que la décision des députés français d'interdire la gamme des néonicotinoïdes d'ici à septembre 2018 est une "impasse agronomique et économique".
"Cela résonne pour nous comme un très décevant manque de vision long terme dans un contexte de crise agricole", indique le président de Bayer France, Frank Garnier, cité dans un communiqué du groupe.
Jusqu'à 40% de pertes
"Au-delà de nos produits, il s'agit une fois encore d'une véritable atteinte à la compétitivité des agriculteurs français à qui nous supprimons petit à petit leurs outils de production, alors que leurs voisins européens continuent très largement à les utiliser", affirme-t-il.
Bayer explique que certains agriculteurs risquent de "se retrouver dans de véritables impasses pour protéger leurs cultures": il cite le cas de "certaines productions arboricoles comme les noisettes, mais aussi pour certains usages en maïs, céréales et en betterave" qui pourraient selon lui "voir leur récolte chuter de 15% à 40% en fonction des cultures, à la suite du retour de certaines maladies comme la jaunisse virale ou de ravageurs comme les pucerons".
Un argument contre lequel le ministère de l'Agriculture a déjà pris les devants. "L'urgence, est désormais l'évaluation des solutions de substitution au regard de leur efficacité pour la lutte contre les ravageurs et de leurs impacts sur la santé et l'environnement et, en particulier, sur les abeilles", indiquait ce matin Stéphane Le Foll dans un communiqué.
Au moment du vote de cette mesure par les députés jeudi, le président de la commission du Développement durable, Jean-Paul Chanteguet (PS) indiquait la création d'un arrêté qui fournira "des réponses concrètes aux exploitants agricoles, confrontés à la brusque apparition d'un ravageur, qui pourrait compromettre leurs récoltes".
Divergences scientifiques
L'amendement voté jeudi a été soutenu dans la foulée par Ségolène Royal dans un communiqué, qui justifie cette décision par des raisons sanitaires et environnementales.
"Les insecticides de la famille des néonicotinoïdes ont un effet sur le système nerveux des abeilles, et de récentes études scientifiques révèlent un effet possible sur le développement cérébral des êtres humains. Nous connaissons aujourd'hui ces effets et il faut avoir le courage d'appliquer le principe de précaution."
Faux répond Frank Garnier de Bayer, pour qui "aucun nouvel élément scientifique ne démontre que la suppression de ces produits apporterait des réponses efficaces aux causes du dépérissement des abeilles". Franck Garnier dénonce ainsi "une mesure de court terme qui prétend résoudre une question complexe et des enjeux à long terme".
Un débat d'études que les écologistes et certains socialistes français pensent pourtant remporter. Plusieurs centaines d'enquêtes scientifiques ont prouvé selon eux la nocivité des néonicotinoïdes sur les abeilles et pollinisateurs sauvages mais aussi sur les invertébrés aquatiques et terrestres, les poissons, les oiseaux et au final l'être humain. Ces molécules, bien plus puissantes que le DDT, "retiré", ont un mécanisme similaire à la nicotine, a notamment pointé Gérard Bapt (PS), médecin de profession.
En attendant, les céréaliers dénonçaient eux aussi dès vendredi matin une "décision absurde" provoquant "une distorsion de concurrence" avec le reste de l'Union Européenne.
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