Lait : la compétitivité de la filière française fragilisée par les faibles prix payés aux agriculteurs

Par Aline Robert, Euractiv  |   |  565  mots
Le principal problème posé par la forte compétitivité du lait français est qu'elle met en lumière une distorsion de marché. La rentabilité de la filière s'appuie notamment sur la faiblesse des prix payés aux agriculteurs par les trois plus grands acteurs, ce qui remet sérieusement en question la durabilité du modèle. (Crédits : Stephane Mahe)
La concentration de l’industrie laitière, à l’origine de la paupérisation des producteurs de lait, place paradoxalement la France en tête des pays les plus compétitifs du monde selon une étude de France Agrimer.

La filière du lait en France aurait le plus d'avantages compétitifs que tous les autres pays producteurs, selon une nouvelle étude réalisée par le cabinet de conseil Agrex pour France Agri Mer.

Une affirmation qui peut étonner, tant les producteurs de lait sont à la peine. Les prix de vente de la plupart des lait produits en France ne permettent pas aux éleveurs de rentrer dans leurs frais. Leur détresse est telle que les producteurs laitiers sont les plus touchées par le suicide, comme l'a montré l'étude de la Mutualité sociale agricole en septembre dernier.

Et c'est bien tout le paradoxe de cette situation. Car parmi les atouts de la France relevés par l'étude, la concentration de l'offre laitière aux mains de trois industriels, Lactalis, Sodiaal et Eurial, qui ont poids croissant avec plus 52 % du marché en 2018, est une des raisons de cette forte compétitivité. Cette concentration est aussi à l'origine de la paupérisation des producteurs de lait.

Les Français, premiers consommateurs de produits laitiers au monde

L'étude analyse au total sept caractéristiques des 13 principaux pays producteurs, au sein desquels la France n'est pas un acteur si important, puisqu'elle se place au 5e rang mondial  derrière les États-Unis, l'Inde, le Brésil et l'Allemagne. Mais la filière lait en France est organisée de longue date, ce qui a des conséquences directes sur sa solidité.

Les Français sont les premiers consommateurs de produits laitiers au monde par habitant, la recherche est constante, les contrôles sanitaires rigoureux et la capacité à trouver de nouveaux débouchés est aussi un souci constant. Par ailleurs, les trois grands distributeurs totalisent une douzaine d'implantations dans des pays émergents, ce qui facilite les exportations.

Parmi les autres facteurs concurrentiels, le contrôle de la hausse des prix du foncier et la pluviométrie relativement régulière jouent aussi plutôt en faveur de la France. En revanche, le niveau élevé de la monnaie euro par rapport au reste du monde pénalise la France comme les autres pays européens, Allemagne, Irlande, Pays-Bas, Danemark et Pologne.

Compétitivité du lait français et distorsion de marché

Le diagnostic posé soulève néanmoins des questions quant à la structure du marché qui ne prend en effet pas en compte la qualité de l'offre. Or, la moitié des laits offerts à la consommation par les industriels du lait en France sont des laits appauvris : une partie de leurs composants sont retirés (protéines, matière grasse etc) pour augmenter la rentabilité des industriels, aux dépens de la qualité du produit.

Mais le principal problème posé par cette forte compétitivité du lait français est qu'elle met en lumière une distorsion de marché. La rentabilité de la filière s'appuie notamment sur la faiblesse des prix payés aux agriculteurs par les trois plus grands acteurs, ce qui remet sérieusement en question la durabilité du modèle.

Et pose la question de l'objectif de l'agriculture : faire de l'argent et organiser des filières compétitives, ou nourrir les Européens et aménager le territoire. Des objectifs qui peinent visiblement à cohabiter.

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Par Aline Robert, Euractiv.fr

(Article publié le mercredi 8 janvier 2020 à 9:47 (mis à jour:  11:06)

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