Liverpool met le turbo grâce à Jaguar Land Rover

Après des décennies de déclin, l'estuaire de la Mersey revit grâce au renouveau de l'industrie automobile britannique, porté par le constructeur Jaguar Land Rover, racheté et relancé par l'indien Tata avec l'aide de Sa Très Gracieuse Majesté.
La Jaguar XFR, au salon de l'automobile de Genève. / Reuters

Le nord de l'Angleterre reprend le goût à la vie. Meurtri par la disparition brutale des industries lourdes et de l'extraction minière au cours des années 1970 et 1980, il profite aujourd'hui de la renaissance de l'industrie automobile britannique. En héraut de ce surprenant retournement, Jaguar Land Rover (JLR) et son usine de Halewood, située à quelques encablures de Liverpool. Lorsqu'en mars 2009 le gouvernement britannique accorde au groupe - qui vient alors d'être racheté par l'indien Tata - une aide de 32 millions d'euros pour le développement d'une voiture moins polluante, il met comme condition que celle-ci soit fabriquée dans cette usine de la banlieue de Liverpool, jusqu'alors réservée à la production du Freelander. Le gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté n'imagine sans doute pas à ce moment-là l'étendue des bouleversements à venir pour toute cette région. Jusqu'au début des années 2000, les constructeurs Ford à Halewood et Vauxhall (Opel) à Ellesmere fournissaient des emplois à des dizaines de milliers d'ouvriers. Ford notamment, avec Jaguar Land Rover, revendu à Tata Motors, crise oblige, en mars 2008. Les usines étaient installées sur les berges de la Mersey, le fleuve qui traverse Liverpool avant de s'infiltrer dans les terres et d'effleurer les communes de Halewood et de Speke.
« J'ai commencé à y travailler il y a plus de trente-cinq ans et, à l'époque, nous étions bien 50000 ouvriers », se souvient l'un des anciens « fordistes ». La robotisation du métier et la baisse des commandes ont fait plonger le nombre d'ouvriers à 1300 au pire de la crise de 2008.

Victoria Beckham et le méga-succès d'Evoque

« Aujourd'hui, JLR a réussi à accroître la production et la productivité de l'usine grâce au succès de son modèle Evoque, une Range Rover 4x4 compact de luxe, et cela s'est directement répercuté en termes d'emplois sur tout le bassin de la Mersey, se félicite Nick Small, le conseiller municipal de Liverpool en charge de l'emploi, des aptitudes et des entreprises. Il existe en effet un important réseau de sous-traitants automobiles, qui ont bénéficié des 3 milliards de livres [3,5 milliards d'euros, ndlr] de commandes que leur a passées JLR depuis trois ans. »Pour le lancement de l'Evoque, l'usine a même doublé le nombre de ses employés lors de la première moitié de 2011, avant sa commercialisation en septembre. Il faut dire que les critiques des magazines automobiles britanniques se révèlent dithyrambiques, avant même le lancement de la voiture.

Avec un effet immédiat : 18000 préventes enregistrées. Lors du dernier trimestre 2011, 22710 unités trouvent preneurs. Le lancement en avril 2012 d'une série limitée dessinée par Victoria Beckham ne fait qu'accentuer l'hystérie autour de l'Evoque : l'année dernière, 108598 Evoque sont écoulées, soit 30,3% des ventes unitaires de l'ensemble du groupe. Un incroyable succès. Le rythme des commandes, qui oblige dans un premier temps les clients à attendre six mois pour obtenir leur véhicule, force la direction à accélérer les cadences : en plus de fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant cinq jours, et quelques heures de plus pendant le week-end pour certaines activités de la ligne de production, 1000 ouvriers renforcent les 3000 déjà en place durant l'été 2012.

82% des ventes du modèle réalisées à l'export

« Preuve de l'intérêt autour de l'entreprise, nous avons reçu 35000 candidatures, indique Richard Else, le responsable de l'usine. Nous donnons une formation technique à nos ouvriers pendant neuf mois, ce qui leur permet d'obtenir un diplôme reconnu par l'État. Au final, nous sommes aujourd'hui sans doute le plus gros employeur privé de la région et... l'un de ceux qui paient le mieux! »À l'international, le succès de l'Evoque s'avère tout aussi considérable : 82% de ses ventes y sont réalisées. « C'est un peu le rêve pour un constructeur : 80% des acheteurs européens sont des nouveaux clients! », s'enthousiasme Bernard Kuhnt, le responsable Europe du groupe. Mieux, l'Evoque semble tirer les ventes des autres modèles de Land Rover. En France, les ventes de la marque ont ainsi progressé en 2012 de 45,7% sur un an, à 9521 véhicules.
Dans l'usine JLR de Halewood, les regards sont désormais tournés vers la Chine. Absent du top cinq des ventes du groupe en 2005, l'empire du Milieu réalise aujourd'hui 19% de l'ensemble des ventes de JLR, contre 22% à l'Europe et 18% au Royaume-Uni. Une percée évidemment favorisée par l'Evoque, mais à laquelle la municipalité de Liverpool n'est pas totalement étrangère. « Nous étions la seule ville britannique à être présente à l'Exposition universelle de Shanghai, en 2010, et nous en avons profité pour faire la promotion de nos industries et notamment de JLR, ce qui a sans doute profité à l'image de la marque », souligne Nick Small. Les deux villes sont par ailleurs jumelées depuis 1999.

Même si JLR arme être l'un des meilleurs payeurs de la région, le constructeur a quand même obtenu la mise en place de nouveaux contrats bien moins avantageux pour les nouveaux employés de l'ensemble de ses usines. Ainsi, lors des deux premières années, ces salariés sont d'abord sous contrat avec une société de placement, puis ils passent sous contrat temporaire avec le constructeur. Dans un premier temps, leur rémunération correspond à 70% du salaire de base en vigueur dans l'usine. Ensuite, ils pourront recevoir 92,5% de ce salaire de base.
« En 2010, ils ont parlé de fermer l'une des trois usines du groupe », se souvient Ken Smith, le responsable du syndicat Unite au sein de Halewood, où il travaille lui-même depuis trente-huit ans. « Accepter des salaires moindres pour les nouveaux employés n'a évidemment pas été approuvé de bon cœur. Mais cela a permis d'empêcher la fermeture et de s'assurer le maintien des emplois ici. »Le prix à payer, pour les ouvriers, de décennies de délocalisations décidées par les industriels britanniques...

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Commentaires 2
à écrit le 17/04/2013 à 14:46
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Espérons qu'ils n'aient pas le très mauvais goût d'adjoindre à cette très belle voiture un moteur à fuel mais un beau 6 cylindres en ligne 24 soupapes ou un sympathique v8 ou v12.

à écrit le 17/04/2013 à 12:18
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Comme quoi faire de belles voitures (Evoque), ça paye. Clin d'oeil à Renault et son insipide Koleos....

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