Voitures électriques : le jeu des 97.000 bornes (électriques) est ouvert

Le développement des véhicules électriques dépend largement du nombre d'équipements de recharge disponibles. La Commission européenne va obliger la France à s'équiper de 97 000 bornes publiques d'ici à 2020. Un véritable secteur d'activité est en train de prendre son essor.
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Du point de vue énergétique, parcourir 150 km avec une voiture électrique coûte moins de deux euros. Séduisant, ce mode de transport se heurte toutefois à la difficulté d'avoir des batteries peu encombrantes et dotées d'une grande autonomie. Ou, à défaut, comme c'est le cas aujourd'hui, à la difficulté de trouver des bornes publiques pour recharger la batterie.

Une situation que certaines collectivités locales s'efforcent d'améliorer en installant des infrastructures de recharge publiques (IRP), avec le soutien de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui dispose d'une enveloppe de 50 millions d'euros au titre d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI).

Pourtant, il va quand même falloir mettre les bouchées doubles, car le temps est compté . Un projet de directive européenne va obliger la France à installer 97 000 points de charge accessibles au public d'ici à 2020. De quoi aiguiser l'appétit des opérateurs du marché où de pure players comme DBT-CEV, qui rivalisent avec des géants de l'équipement électrique comme ABB, General Electric, Hager, Legrand ou Schneider Electric.

Siemens s'est retiré du marché public pour se concentrer sur celui des bornes pour maisons et immeubles d'habitation. Tous fournissent des bornes fonctionnant seules ou en réseau, vendues entre 5 000 et 20 000 euros, pose comprise. Voire plus.

« Le prix dépend de l'endroit où elles sont installées et de leurs performances, sachant que les recharges rapides sont les plus onéreuses », commente Joseph Beretta, président d'Avere-France, association pour le développement de la mobilité électrique.

Selon le site français ChargeMap, la France compte aujourd'hui près de 2 239 bornes et points de charge, soit 7 635 prises. Près de 91 % d'entre elles sont dites « normales ». Elles rechargent une batterie en 3 ou 6 heures, selon les modèles. Plus puissantes mais encore rares, les recharges « accélérées » réclament 1 ou 2heures contre une demi-heure environ pour les recharges « rapides ».

Ici, plusieurs versions cohabitent : le modèle allemand, Combo2, annoncé comme le futur standard européen, ainsi que le modèle japonais, ChadeMO, qui fonctionne en courant continu. Ce dernier compte déjà plus de 3 000 bornes dans le monde. Les français ne sont pas en reste. Citons EV Tronic, Schneider Electric et DBT-CEV. Ce dernier propose, tout comme ABB, une borne mixte avec des câbles Combo2 et ChadeMO.

Moins d'une dizaine de professionnels français

« Sur les 800 bornes ChadeMO disponibles en Europe, nous en avons installées 600 », revendique pour sa part Hervé Borgoltz, le directeur général de DBT-CEV, partenaire de Nissan. Installée à Brebières (Pas-de-Calais), l'entreprise prévoit de tripler son chiffre d'affaires qui devrait passer de 7,5 millions d'euros en 2012, à 25 millions l'an prochain, avec notamment l'installation de 1"400 prises rapides supplémentaires. « Nous avons déjà à notre actif5 000 bornes [tous types de recharges confondus, ndlr] dont 4 000 sur la voie publique », détaille le fabricant.

En réponse aux appels d'offres des collectivités, DBT-CEV a élaboré une nouvelle génération de bornes communicantes. À l'instar des offres concurrentes, celles-ci sont pilotables par un système de supervision qui s'interface avec l'informatique des opérateurs d'électromobilité

Le marché français compte actuellement moins d'une dizaine de ces professionnels. Parmi lesquels Autolib', Ineo (GDF Suez), Sodetrel (EDF), Vinci ou Spie. Ces acteurs opèrent des infrastructures de recharge pour le compte de municipalités, de grandes surfaces commerciales (Ikea, Carrefour, Leclerc, etc.) et de gestionnaires de flottes de véhicules électriques.

« Ils fournissent les infrastructures clés en main, les télésurveillent, collectent les données et délivrent même des services de monétique », rapporte Vincent Brunel, le directeur de l'activité véhicules électriques (VE) de Schneider Electric France. L'industriel a d'ailleurs noué un partenariat avec Sodetrel. « Nous proposons ensemble une offre clés en main pour les supermarchés, annonce le directeur. Il s'agit d'une station autoportante, compacte, facile à installer et télésurveillée par Sodetrel qui s'occupera des paiements. »

Pour l'heure, les recharges sont gracieusement offertes. Mais à terme, elles seront facturées aux clients. Même stratégie prévisible du côté des collectivités, régies communales et syndicats intercommunaux d'énergie (SIE). « Depuis un an, nous constatons qu'il y a de plus en plus d'appels d'offres pour des déploiements d'infrastructures publiques de 50 à 300 bornes » , indique Laurent Prades, directeur marketing d'Ensto Building Technology, un groupe industriel finlandais de 1500 salariés (254 millions d'euros de CA en 2012), dont la filiale française est à Nefiach (Pyrénées-Orientales).

Avec l'opérateur d'électromobilité Bouygues Energie & Services, ce fabricant a remporté un appel d'offres de 300 bornes lancé par le SIE d'Indre-et-Loire, dont la gestion sera pilotée par son propre logiciel (Ensto Server). De quoi assurer via Internet le suivi des bornes, le contrôle d'accès, la gestion en temps réel des points de recharge, etc.

Autre tendance émergente, l'arrivée des stations solaires pour recharger les VE. Une solution qui intéresse les collectivités et les supermarchés. Plusieurs acteurs occupent ce créneau. Entre autres, Energies Sol, une TPE qui propose des stations solaires autoportantes, Belectric France, filiale du groupe allemand éponyme, ou encore Advansolar, une start-up niçoise créée il y a quatre ans.

Comme ses concurrents, cette dernière livre des projets prêts à l'emploi. Aspirant à devenir le leader sur le marché, elle a levé près de 1 million d'euros pour développer son offre de stations de recharge solaires Sunpod.

« Nous intégrons dans nos parkings solaires des bornes fabriquées notamment par DBT, Hager, Legrand ou Schneider », précise Raphaël Brière, le directeur des opérations, qui estime que, en 2020, de 3 à 5 % des bornes seront alimentées par le soleil.

À l'instar d'Advansolar, les installations proposées par le groupe allemand Belectric (1750 salariés) permettent d'injecter l'électricité produite par une toiture photovoltaïque soit dans des bornes solaires, soit... dans un bâtiment lorsque les batteries pour la recharge des VE sont pleines.

Grâce à son offre smart grid, les opérateurs peuvent piloter l'installation à distance, arrêter la charge, la redémarrer, choisir d'autoconsommer l'énergie ou de la stocker.

« En outre, comme nos bornes sont Plug and Play, deux minutes suffisent pour les remplacer en cas de problème, indique Maël Lagadec, ingénieur commercial de l'entreprise qui fabrique ses bornes et ses stations solaires outre-Rhin. En Allemagne, nous avons d'ailleurs développé un système de facturation par téléphone qui, à terme, sera aussi utilisé en France. »

En effet, la borne reconnaît le numéro de téléphone du client auquel sont rattachées ses coordonnées bancaires.

Les Allemands, en pointe sur l'interopérabilité

Ce mode de facturation va d'ailleurs se développer partout en Europe grâce à la création, en 2012, de Hubject. Cette joint-venture a été créée à Berlin par les constructeurs BMW et Daimler associés aux équipementiers Bosch et Siemens ainsi qu'aux opérateurs d'électromobilité comme EnBW et RWE.

Ce dernier gère déjà plusieurs milliers de bornes en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas... Il fournit même à ses clients la possibilité de réserver en ligne certaines bornes.

« Nous voulons lever les barrières techniques. Notre idée, c'est de faciliter la recharge des véhicules là où ils se garent », résume Andreas Pfeiffer, directeur général de l'entreprise basée outre-Rhin.

Concrètement, il suffit au conducteur de flasher le tag apposé sur les bornes d'un des membres du réseau de Hubject pour être reconnu et autorisé à accéder au service. En Allemagne comme à l'étranger.

« Pour favoriser l'itinérance des conducteurs de VE, nous fournissons depuis mai dernier une plateforme qui délivre les informations entre les membres du réseau et qui gère les contrats », indique Andreas Pfeiffer.

Résultat, 45 % des transactions en Allemagne et en Autriche passeraient par Hubject. De quoi nourrir l'espoir de s'interfacer avec les autres opérateurs nationaux qui centralisent les données des opérateurs locaux.

À l'instar de Gireve (Groupement pour l'itinérance des recharges électriques de véhicules) créé en France en juillet dernier pour organiser l'interopérabilité entre les acteurs du marché tricolore.

« Les opérateurs de recharge nous fournissent des informations portant sur l'accès aux bornes, les types de prises, la puissance disponible, le coût de la recharge, etc. », indique Gilles Bernard, président du conseil d'administration du Gireve.

Ces données sont récupérées par des opérateurs de mobilité qui délivrent des applications pour PC ou smartphones afin d'aider les conducteurs à trouver une borne adaptée à leur besoin.

À l'instar de ChargeMap, qui met à disposition des internautes son moteur de recherche pour localiser et réserver les prises adaptées à leur véhicule. Un outil indispensable sachant que les constructeurs automobiles imposent huit modèles de prises incompatibles entre elles !

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>>> FOCUS L'autopartage électrique séduit les entreprises

Orange, qui dispose déjà de 23000 véhicules en France, veut faire l'acquisition d'ici à la fin de 2014 de plusieurs centaines de VE. Ces derniers sont destinés à être mis en autopartage. Un premier test va être réalisé.

S'il s'avère concluant, 3000 véhicules (toutes motorisations confondues) seront alors mutualisés. Pour assurer la recharge, trois fournisseurs de bornes ont été retenus (DBT-CEV, G2 Mobility et Schneider Electric).

En complément, Orange va contractualiser avec Autolib' (1800 voitures électriques et 4800 bornes en Île-de-France) pour que ses cadres accèdent à ce service. Son exemple fera sûrement tache d'huile à Lyon où particuliers et entreprises pourront, dès octobre, souscrire au nouveau service d'autopartage de Proxyway.

Un système de gestion développé par Toshiba permettra de piloter et d'optimiser la recharge (normale ou rapide) des véhicules. Et ce, en tenant compte des réservations, des sources de production d'énergie disponibles et de la charge du réseau électrique.

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Commentaires 14
à écrit le 01/10/2013 à 15:35
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Bonjour, Comme Ségolène ROYAL, vous persistez à dire que le coût de l'énergie pour la voiture électrique est de 2 euros pour faire le plein. Vous oubliez de mentionner la location de la batterie qui varie de 79 à 129 euros mensuel ! Actuellement, av...

le 25/06/2014 à 17:07
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@janego : Pourquoi ne parler que du modèle économique de Renault ? Auriez-vous un parti-pris ? Quant à dire que l'autonomie chute la nuit, ça me laisse sans voix... soit on est en hiver et la chute d'autonomie est due à la chaleur, soit vous faites a...

à écrit le 01/10/2013 à 15:18
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Pourquoi une telle précipitation... et complexité..., alors que l'avenir serait plus : - aux voitures électriques à rechargement par induction dans le sol (ou en surface de celui-ci) ; - et même à la voiture à pile à combustible qui n'aura plus besoi...

à écrit le 01/10/2013 à 12:20
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Vous pouvez installer des bornes tous les 100 mètres, moi je vous dis que beaucoup continuerons de faire la mauvaise tête, moi compris ! La voiture électrique c?est du caca cher (encore que les gouts et les couleurs font acheter beaucoup de choses i...

le 01/10/2013 à 14:10
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Concernant la betise pas besoin de bornes de rechargement. Jetez un oeil au cours de TESLA 11000 voitures vendues et ensuite regardait un calendrier vous verrez que nous sommes plus en 1970 mais en 2013, enfin exposez vos arguments a des momes de 20 ...

le 01/10/2013 à 15:39
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Résumé de votre commentaire : "moi je, moi je, moi je". Votre diatribe est bourrée de fautes d'orthographe, de syntaxe et de vulgarités.

le 02/10/2013 à 6:16
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Certes, la prose de "la mauvaise tête" laisse à désirer... mais il touche juste sur plusieurs points. Notamment lorsqu'il évoque la question de la location de la batterie.Les constructeurs n'entendent pas renoncer à la main-mise qu'ils ont désormais ...

à écrit le 01/10/2013 à 11:19
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Pouquoi ,en France,sommes nous toujours les moins réactifs.Comme pour tout ,aucune entreprise française ne fabrique des bornes de recharge et on va donc installer des bornes allemandes On voit que Renault qui avait un peu d'avance sur la voiture élec...

le 01/10/2013 à 11:45
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Y a pas eu une guerre entre PSA et Renault, chacun ayant breveté SA prise (pour collecter les royalties) ? Finalement, c'est un modèle étranger qui sera adopté, faisant l'unanimité (ou imposé ?).

à écrit le 01/10/2013 à 10:13
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La priorite devrait etre les lieux de travail (et non les supermarches), puisque c'est la que les vehicules restent suffisemment longtemps pour etre recharges. Les services et entreprises publiques devraient montrer l'exemple...

à écrit le 01/10/2013 à 9:36
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Pour moi la voiture électrique n'est pas l'avenir radieux que l'on entend. Les batteries utilisées dans ces véhicules peuvent dans des conditions météorologues particulières mettre le feu au véhicule ( des Lexus garés sur les quais de l'Hudson à New ...

le 01/10/2013 à 10:56
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Si on parle de danger,Merçi pour le réservoir d'Hydrogène qui n'attend qu'une éticelle pour exploser!

le 01/10/2013 à 11:50
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L'hydrogène n'a pas besoin d'étincelle (il y a des proportions oxygène/hydrogène qui ne sont pas explosibles, en faibles et hautes proportions) car en cas de décompression soudaine (fuite d'un réservoir ou canalisation haute pression), il s'enflamme ...

le 01/10/2013 à 15:17
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On fait des batteries Na-ion c'est très peu polluant, ressource énorme et très facilement recyclable (voir les véhicules Fagor électriques par exemple). Le lithium est plus polluant à l'extraction notamment, quantités nettement plus limitées mais rec...

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