
MG, BYD, Lynk&Co... Ces marques de voitures, notamment électriques, sont désormais incontournables en Chine et pourraient s'imposer en Europe, au même titre que les constructeurs européens, japonais ou coréens. C'est d'ailleurs devenu récurrent pour Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, de faire une référence à cette montée en puissance des constructeurs chinois et la possible menace sur le marché automobile européen historique à chacune de ses prises de parole.
Le cabinet de conseils AlixPartners a également tiré la sonnette d'alarme dans une étude parue le 27 juin dernier en estimant que « les entreprises automobiles chinoises sont en passe de devenir la force motrice de l'industrie automobile mondiale dans les années à venir ». Pourtant, pour l'heure, les voitures chinoises ne courent pas les rues et leur arrivée massive semble encore loin. « On ne pénètre jamais un marché en claquant des doigts », rappelle Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC, . C'est pourquoi les constructeurs chinois sont en train de construire leur stratégie petit à petit.
Construire son réseau
Leur arrivée progressive s'explique d'abord par le besoin de satisfaire leur propre marché avant de s'attaquer aux autres. En effet, le marché interne automobile en Chine est le plus important au monde, avec plus de 20 millions de véhicules vendus par an et une croissance qui pourrait aller jusqu'à 50 millions par an en 2050. Une montée en puissance de la demande qui s'accompagne d'une émergence importante d'une multitude de constructeurs automobiles et de production industrielle, tout juste insuffisante pour répondre à tous les besoins internes et envisager un développement à l'international.
L'intérêt pour le marché européen est donc très récent, et il n'est pas si facile de percer un nouveau marché, qui plus est historique. D'abord, il est nécessaire de répondre aux normes européennes, souvent plus drastiques que celles en Chine et qui imposent aux constructeurs chinois de produire de nouveaux véhicules.
Ensuite, il faut réfléchir à la méthode de vente : « Est-ce qu'on va se créer un réseau de concession pour faire comme les Européens ? Est-ce qu'on fait de la vente à distance comme l'américain Tesla ? Est-ce qu'on imagine autre chose ? », questionne Julien Pillot. Les marques chinoises ont commencé à tâter le terrain en apparaissant au Mondial de l'Auto l'année dernière pour discuter de la meilleure stratégie à adapter sur ce marché. Elles devraient être encore plus nombreuses cette année pour convaincre de nouveaux clients.
Comprendre les attentes européennes
Car les attentes européennes sont très différentes des attentes chinoises sur les voitures. Plus petites, plus équipées, peu extravagantes, les voitures européennes sont très codifiées. Le premier à avoir compris cela en proposant un modèle plus adapté est le chinois SAIC avec sa marque MG, anciennement anglaise grâce à la MG4, une berline électrique compacte de 400 kilomètres d'autonomie et un prix débutant à 30.000 euros qui vient en concurrence directe avec la Renault Megane E-Tech et la Volkswagen ID3, 10.000 euros plus chères. La marque chinoise s'est même classée en sixième position des véhicules électriques les plus vendus en Europe cette année en réussissant une percée remarquée au Royaume-Uni.
Son principal rival, la marque BYD ou Build your dreams, s'est quant à elle largement imposée dans les pays du Nord de l'Europe, plus en avance sur l'électrique, comme la Suède ou la Norvège. Elle propose des SUV compacts électriques très adaptés au marché européen, à des prix nettement en dessous de ses concurrents.
En outre, si la Chine s'adapte au marché européen, les consommateurs européens, eux aussi, sont friands de nouveautés proposées par les constructeurs chinois, qui tentent de les écarter des constructeurs historiques.
Le marché européen doit s'inspirer de la Chine
« Les marques chinoises se sont concentrées sur l'intégration des technologies CASE (connectées, autonomes, à mobilité partagée, électriques) dans les véhicules à des prix attractifs et à un rythme plus rapide que les constructeurs automobiles traditionnels », analyse Mark Wakefield, responsable mondial de la pratique automobile et industrielle chez AlixPartners, dans le communiqué de l'étude.
Selon le cabinet, les constructeurs traditionnels mondiaux, notamment européens, se focalisent trop sur la conduite et la maniabilité du véhicule, en particulier la réduction du bruit, des vibrations et de la rudesse (NVH). Or, le prix est devenu l'un des principaux facteurs d'achat, avant le confort et le côté statutaire de la voiture.
Les constructeurs chinois pénètrent le marché européen pas à pas, réalisant de petites percées par le prix et les technologies avancées de leurs véhicules. S'ils parviennent à gagner la confiance des consommateurs sur la fiabilité de leurs produits, les ventes pourraient s'envoler. L'inquiétude des constructeurs européens est légitime : « Une fois que vous avez la force de vente, la force de production et que vous vous êtes mis en conformité avec la législation en vigueur, cela peut aller très vite », résume Julien Pillot.
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