Automobile : "une prime à la casse coûtera cher et ne sera pas efficace"

Par Propos recueillis par Nabil Bourassi  |   |  941  mots
(Crédits : Hyundai Motor France)
Lionel French-Keogh, directeur général de Hyundai Motor France, se dit très réservé sur l'opportunité d'une prime à la casse au moment où les finances publiques sont très sollicitées par la crise du coronavirus. Il juge qu'un tel dispositif ne répondra ni aux besoins des constructeurs, ni aux exigences environnementales de l'opinion publique qui sortiront renforcées de la crise du coronavirus. Entretien.

LA TRIBUNE - Comment se passe le confinement pour une marque comme Hyundai ?

Lionel French-Keogh - Dans le monde, c'est une période compliquée, puisque tour à tour, les pays contaminés par la crise du coronavirus ont été la Chine, puis la Corée du Sud, l'Europe, et maintenant les Etats-Unis et l'Inde, soit les principaux marchés de Hyundai. En France, le commerce est à l'arrêt depuis mi-mars et probablement jusqu'à la date de fin de confinement annoncée lundi 13 avril. Ce sera une très mauvaise année pour Hyundai. C'est acquis. D'autant qu'on ignore tout du tempo de la reprise, que ce soit la date de reprise effective des activités ou le rythme du rebond du marché. Pour autant cela ne veut pas dire que nous allons rester inactif. Nous préparons d'ores et déjà la reprise, si bien que Hyundai Motor Europe a décidé de ne pas recourir au chômage partiel. Toutes nos équipes travaillent pour la continuité opérationnelle de la marque, et ainsi répondre présent le jour où le marché va se reprendre.

2020, c'était l'année de l'électrification du marché automobile, et Hyundai dispose d'un catalogue riche en produits électrifiés. Est ce que la crise du Coronavirus n'a pas en quelques sortes brisé un élan commercial sur cette technologie ?

L'avantage pour Hyundai c'est que nous avons un agenda commercial très soutenu et qui démarrera en septembre avec l'arrivée de i20, puis Tucson, nouveau Kona et nouveau Santa Fe d'ici le mois de décembre. Nous maintenons tel quel cet agenda, cela doit nous permettre de remettre la marque dans une très forte dynamique commerciale dès le second semestre. Sur les voitures électrifiées, d'une manière générale, je ne pense pas que la crise du coronavirus ait cassé un élan. Au contraire, je pense à titre personnel qu'elle va renforcer la conscience des automobilistes à basculer dans l'électromobilité. Et de ce point de vue là, Hyundai dispose de l'une des gammes les plus larges du marché.

L'Association des constructeurs européens d'automobile a demandé à l'Union européenne de surseoir à la réglementation CO2 entrée en vigueur le 1er janvier et qui doit se traduire par de sévères amendes pour ceux qui ne respecteront pas les objectifs. Est-ce un bon message envoyé à l'opinion publique ?

C'est à nous de prendre cette bascule de l'opinion publique comme un fait inéluctable. Chez Hyundai, nous continuons à travailler sur la base de cette réglementation en baissant nos CO2. Il est vrai néanmoins que nous sommes probablement mieux placés que d'autres avec notre gamme de véhicules électrifiés.

Comment voyez-vous la reprise ?

Nous voyons passer différentes études de cabinet et la question c'est de savoir si la reprise aura lieu avant ou après les vacances. Ces mêmes études évoquent le chiffre d'une année à 1,7 million de véhicules en France... Ce qui, comparé à la crise de 2008, ne serait pas une si mauvaise année que cela. Mais cela signifiera aussi que le gouvernement aura mis en place un dispositif d'aide à l'achat de voitures. Je ne suis pas certain que ce soit la piste qu'empruntera le gouvernement tout simplement parce qu'un tel dispositif coûtera très cher au contribuable. En outre, je ne suis pas favorable à une prime à la casse, car, on le sait, c'est un dispositif qui pousse les consommateurs vers les petites voitures, ce qui revient à encourager l'achat de voitures où il y a très peu de marges, peu de rentrées de TVA et ne sont pas nécessairement les plus vertueuses d'un point de vue environnementale.

Dans ce contexte de visibilité très réduite, vous vous préparez néanmoins à une reprise...

Les premiers clients qui arriveront après le confinement seront ceux qui ont absolument besoin d'une voiture, ce sera une démarche très rationnelle. Pour répondre à ces besoins, la clé du succès sera les stocks disponibles. Chez Hyundai, nous avons décidé de ne pas réduire nos approvisionnements. Il y aura un deuxième sujet à ne pas manquer. Nous travaillons à des actions marketing très ciblées et dirigées pour s'adresser aux consommateurs, afin de dégager le meilleur retour sur investissement marketing. Cette stratégie marketing sera d'autant plus nécessaire compte tenu de l'agenda de nouveautés qui nous attend à la rentrée.

Ne craignez vous pas néanmoins que les ventes cette année soit des ventes très rationnelles, c'est à dire sur les finitions les plus basses et avec des prises d'options parcimonieuses, ce qui impactera votre rentabilité ?

Le deuxième semestre livrera à nos clients pas moins de quatre nouveaux modèles parmi lesquels le nouveau Tucson... Autrement dit, c'est le moment où nous réalisons les meilleures rentabilités dans les ventes. En outre, nous serons également portés par le renouvellement de notre clientèle historique, ce qui est plutôt favorable au mix produit.

N'y a-t-il pas néanmoins un risque de guerre des prix parce qu'il va falloir redémarrer les usines et les faire tourner...

C'est une des questions que tout le monde se pose. Il faut garder en tête que la plupart des constructeurs ont arrêté leurs usines, ils ont donc très peu de stocks. S'il y a un risque, il est plutôt volumétrique que sur le mix produit. Dans des moments comme celui-là, la priorité c'est d'abord le compte de résultat. Il est peu probable que les constructeurs le sacrifient au nom des parts de marché.