Pourquoi et comment Renault veut maintenir ses activités en Russie à tout prix

Le groupe automobile français qui contrôle Lada cherche de nouvelles solutions d'approvisionnement pour rouvrir ses usines dont la production est suspendue. Renault craint de perdre son deuxième marché mondial au moment où il s'apprêtait à lancer une nouvelle gamme de produits, et une nouvelle stratégie produit.
Nabil Bourassi
Vladimir Poutine garde en grande estime Renault pour avoir su redresser le fabricant de Lada et lui avoir permis de passer de l'ère soviétique au 21ème siècle. Mais Renault sait à quel point le président russe est imprévisible. Le gouvernement russe a déjà mis en garde les entreprises étrangères dans des allusions à peine voilées sur des nationalisations.
Vladimir Poutine garde en grande estime Renault pour avoir su redresser le fabricant de Lada et lui avoir permis de passer de l'ère soviétique au 21ème siècle. Mais Renault sait à quel point le président russe est imprévisible. Le gouvernement russe a déjà mis en garde les entreprises étrangères dans des allusions à peine voilées sur des nationalisations. (Crédits : Reuters)

"Nous restons et resterons en conformité"... Pas un mot de plus. Chez Renault, la communication joue plus que jamais la prudence alors que la guerre en Ukraine fait planer un risque considérable sur les activités du constructeur automobile français en Russie. Pas des moindres, puisque depuis le rachat d'Avtovaz, Renault contrôle pas moins d'un tiers du marché local.

Renault isolé...

Oui mais en entrant en guerre avec l'Ukraine, Vladimir Poutine s'est attiré les foudres de l'Occident et de nombreuses multinationales ont décidé de quitter le pays, surenchérissant souvent les sanctions mises en place. Étrangement, Renault n'a pas moufté alors même que son premier actionnaire, l'Etat français, est engagé urbi et orbi dans le bras de fer avec le maître du Kremlin, lui promettant une cascade de sanctions économiques.

Officiellement, le constructeur automobile français a fait de la sécurité de sa cinquantaine d'expatriés en Russie, sa première priorité. Les deux usines d'Avtovaz sont pour le moment à l'arrêt, faute d'approvisionnements. Le groupe espère reprendre la production le 26 mars. Surtout, Renault est bien décidé à poursuivre ses activités en Russie. "Le pire serait de quitter le pays... Nous ne pourrions plus jamais y revenir", explique sous couvert d'anonymat, une source interne.

Ce serait une catastrophe pour le Français qui a investi pas moins de deux milliards d'euros dans le redressement d'Avtovaz et qui s'apprêtait à enclencher une nouvelle phase dans sa stratégie avec l'arrivée de trois nouveaux modèles.

Pour Luca de Meo qui dirige Renault depuis juillet 2020, la Russie devait passer du statut de marché à forts volumes, à un marché à forts profits. Avec 500.000 voitures par an, la Russie constituait le deuxième marché à volume de Renault, mais était loin derrière, en termes de profits (250 millions en 2021). Avec l'arrivée d'une nouvelle gamme, Luca de Meo voulait mettre en application sa stratégie de "pricing power" (capacité à monter les prix) et ainsi augmenter la rentabilité par voiture vendue. Au vu des volumes vendus, le potentiel s'annonçait prometteur.

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Le déclenchement de l'opération d'invasion de l'Ukraine s'est décidée à seulement quelques semaines de la présentation des nouveaux modèles. Une chance pour Renault qui évite ainsi le désastre d'une opération de communication qui aurait été éclipsée par la guerre.

Les Russes menacent indirectement Renault

Mais que faire maintenant que la Russie est désormais vouée aux gémonies par les puissances occidentales ? Combien de temps Renault peut-il éluder la question de sa mise en conformité morale face au régime belliqueux de Moscou ? Combien de temps le gouvernement français préservera l'ex-régie d'une telle obligation ? Il existe en réalité un autre risque : celui que les autorités russes reprennent elles-mêmes Avtovaz par représailles.

Chez Renault, on assure que les Russes manquent de compétences pour poursuivre l'activité. Même dans l'hypothèse d'un recours auprès de l'allié chinois qui dispose de toutes les compétences en matière d'ingénierie industrielle, le temps de passation fait courir un risque trop important pour la continuité opérationnelle.

En outre, Vladimir Poutine garde en grande estime Renault pour avoir su redresser le fabricant de Lada et lui avoir permis de passer de l'ère soviétique au 21ème siècle. Mais Renault sait à quel point le président russe est imprévisible. D'ailleurs, le gouvernement russe a déjà mis en garde les entreprises étrangères dans des allusions à peine voilées sur des nationalisations.

Le patron de Renault Russie joue la diplomatie

Nicolas Maure est l'une des pièces maîtresses de Luca de Meo sur place. Le patron de Renault Russie, arrivé en 2016, avait été adoubé, au contraire de son prédécesseur, par l'entourage de Vladimir Poutine à commencer par Serguei Chemezov, le patron de Rostec, ancien du KGB et très proche du président russe. Rostec détient 32% du capital du principal holding d'Avtovaz et joue le garant de la mainmise poutinienne sur le constructeur automobile national. Nicolas Maure doit jouer les diplomates tout en se creusant la tête pour résoudre les difficultés d'approvisionnement de ses usines.

Pour Renault, l'objectif est de poursuivre les opérations, malgré la guerre, les sanctions, les contradictions de son propre actionnaire, et la pression de l'opinion publique afin de ne pas perdre pied sur un marché majeur. Alors que le groupe sort d'une profonde crise autant managériale, que financière et stratégique, et que le plan de redressement lancé par Luca de Meo commence à produire ses premiers effets vertueux, nul au siège à Boulogne-Billancourt n'envisage que cette "campagne de Russie" s'achève sur une Bérézina...

Nabil Bourassi

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Commentaires 18
à écrit le 22/03/2022 à 12:53
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Bonjour, Car lorsque cette guerre sera terminé, et que Mr Poutine sera partis ( 5 a 10 ans ) . Le monde existera encore, et seul le commerce et les échanges rapprocher les hommes.. Donc voilà une raison importante...

à écrit le 22/03/2022 à 11:20
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Parce que c'était une bonne idée de racheter LADA et qu'il est dommage qu'elle soit pulvérisée.

à écrit le 21/03/2022 à 19:08
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Il suffit que poutine demande de le boycotter , ce qui va arriver, et ce sera la même chose, alors qu'il ferme de suite.

à écrit le 21/03/2022 à 18:41
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A rester ils risquent la nationalisation... C'est vous qui voyez !

le 22/03/2022 à 1:20
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Les oligarques du CAC 40 se fichent bien des deniers publics des entreprises pseudo-privée telle que Renault car l'essentiel c'est qu'ils puissent profiter de la "générosité" (cf. "accident" d'avion de Christophe de Margerie) de Vlad le conquérant...

à écrit le 21/03/2022 à 18:27
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J'ai comme l'impression que seuls les particuliers vont être les dindons de la farce et que l'on est plus dans de la communication que dans le réel en ce qui concerne les "représailles" vis à vis de la Russie ... Rappelez moi le nombre exact et la v...

à écrit le 21/03/2022 à 18:26
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J'ai comme l'impression que seuls les particuliers vont être les dindons de la farce et que l'on est plus dans de la communication que dans le réel en ce qui concerne les "représailles" vis à vis de la Russie ... Rappeler moi le nombre exact et la v...

à écrit le 21/03/2022 à 15:11
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Et les Allemands qui continuent à acheter du gaz Russe pour faire tourner leur industrie automobile , on en dit quoi ? Ils auraient même augmenté fortement leurs importations depuis l'invasion Russe de l'Ukraine ..... Renault a donc bien raison, dans...

à écrit le 21/03/2022 à 14:56
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renault doit comme dautre multinationale cesser de investir et trenferer des enplois a l etrenger

à écrit le 21/03/2022 à 13:54
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Jours après jours , on découvre la perversité de ceux qui ont tout fait pour détruire l'Europe en faisant croire aux ukrainiens qu'ils rentreraient dans l'OTAN. La pensée unique masque toute réflexion sur les prétextes qu'on a donné à la Russie pour ...

à écrit le 21/03/2022 à 11:18
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Il faut continuer les activités en Russie puisque 1) plus on isole la Russie plus on renforce le nationalisme russe et on réduit les chances d'une évolution vers une société plus ouverte qui se fera lentement 2) si nos entreprises abandonnent ce pa...

le 21/03/2022 à 12:58
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Donc un revival du Petain?

à écrit le 21/03/2022 à 11:03
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Grotesque. A un moment, le pathos et l'émotionnel doivent céder le pas à la raison. Les entreprises françaises seraient remplacées de manière irrémédiables par leurs concurrents chinois ou asiatiques. Comme en Iran après le départ précipité des entre...

à écrit le 21/03/2022 à 10:41
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Ma prochaine voiture sera une LADA NIVA en soutien à la dénazification de l'Ukraine par la Russie!!!

à écrit le 21/03/2022 à 10:14
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L'une des plus grande fortune de France, la famille française Mulliez qui vis de l'autre côté de la frontière belge à quelques mètres de la France pour éviter les impôts français qui détient Auchan, Décathlon, Boulanger, Leroy Merlin, Saint-Maclou, N...

le 21/03/2022 à 14:43
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Nous sommes dans un enfer, vous n'avez pas envie de déménager juste derrière la frontière ? En Belgique l'impôt sur le revenu est plus fort que chez nous, parait-il, mais sur la fortune (succession) là c'est très doux, les "pauvres" ne migrent donc p...

à écrit le 21/03/2022 à 10:14
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L'une des plus grande fortune de France, la famille française Mulliez qui vis de l'autre côté de la frontière belge à quelques mètres de la France pour éviter les impôts français qui détient Auchan, Décathlon, Boulanger, Leroy Merlin, Saint-Maclou, N...

à écrit le 21/03/2022 à 9:30
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vu que les russes vont etre sinon ruinés au moins tres appauvris par les sanctions, penser augmenter les prix des voitures afin de gonfler la marge me parait ... osé

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