Renault et PSA face au défi de la croissance organique

Les constructeurs automobiles français ont totalement assaini leur bilan et sont parés pour être plus offensifs. Ils ont néanmoins opté pour des stratégies différentes face à la problématique de la croissance organique. Historiquement, les marques tricolores ne sont jamais parvenues à changer de dimension en termes de volumes de ventes...
Nabil Bourassi
La marque Renault vend à peine 3.000 voitures de plus aujourd'hui par rapport à 2006, mais c'est sans compter les 600.000 immatriculations de Dacia, sa filiale d'entrée de gamme.

Y a-t-il un plafond de verre pour les constructeurs automobiles français ? C'est historique, nos champions nationaux ne sont jamais parvenus à changer de dimension en termes de volumes, contrairement à leurs concurrents allemands, ou même sud-coréens.

Certes Renault affiche des ventes record en 2016 avec 3,18 millions de voitures vendues en hausse de 13,3%. Mais dans le détail, on voit que la marque Renault, seule, n'a quasiment pas bougé d'un iota. En 2007, elle avait immatriculé 2.484.472 voitures, et en 2016, elle a posé son losange sur 2.487.309 voitures, soit moins de 3.000 voitures de plus en neuf ans. La différence étant surtout le fait de Dacia (presque 600.000 voitures).

La promesse ratée de Folz

Chez PSA, même constat. En 2010, son année record, la marque avait vendu 3,6 millions de voitures dans le monde. En 2016, les ventes ont péniblement atteint les 3,15 millions de voitures. Autrement dit, PSA n'a jamais tenu l'engagement de Jean-Martin Folz (PDG entre 1997 et 2007) d'atteindre les 4 millions de voitures en 2006...

En attendant, les concurrents n'ont cessé de grossir. L'exemple le plus criant est celui de Hyundai qui vendait 2,5 millions de voitures en 2005 et près du double aujourd'hui. Pour les analystes, cette faiblesse des volumes a toujours été considérée comme une faiblesse de compétitivité puisqu'elle ne permettait pas les économies d'échelles. Renault a, certes, noué une alliance avec Nissan ce qui lui permet de profiter de synergies conséquentes. Tandis que PSA a réussi, sous la houlette de Carlos Tavares, son PDG depuis juin 2014, à dégager d'importants gains de productivité.

Pour Alessandro Roggero analyste spécialiste de l'Automobile chez Groupama AM, « les constructeurs automobiles français ont assaini leur situation bilancielle et leur trésorerie de façon significative, si bien qu'en cas de retournement de marché, ils pourraient rester solides ». Autrement dit, sans faire de volumes, les constructeurs français ont prouvé qu'ils pouvaient être aussi rentables que les plus gros.

Rentables, mais leur taille reste encore un frein à la compétitivité des investissements comme l'a montré l'abandon par PSA de l'hybride air, une technologie révolutionnaire, par manque de taille critique. D'où la nécessité impérieuse pour ces groupes de passer par des partenariats. C'est donc vrai pour Renault avec Nissan, mais également pour PSA qui produit ses voitures de segment A et ses utilitaires avec Toyota, mais qui a fini par racheter Opel...

Renault vise une hausse de 40% de ses volumes

Mais ce temps semble révolu, au moins chez Renault. Le plan stratégique Drive the Future dévoilé par Carlos Ghosn le 6 octobre dernier montre la ferme volonté du groupe français à mettre le turbo dans les volumes. Il vise les 5 millions de ventes à horizon 2022 soit une hausse de 40% !

« Renault est bien positionné pour enclencher des leviers à forts volumes. Le groupe est bien placé en Russie et en Inde avec des produits adaptés au marché, mais également en Amérique latine. Renault peut aussi compter sur son portefeuille de marque », juge Alessandro Roggero.

Bertrand Rakoto, analyste indépendant spécialiste de l'industrie automobile, est plus sceptique :

« Augmenter ses volumes de 40% parait ambitieux dans un contexte plutôt incertain, il faudra voir les solutions que Renault souhaite mettre en place pour cela. Si tous les constructeurs réalisaient ses objectifs de vente, on aurait une croissance de la production automobile à deux chiffres... »

Renault compte sur son levier produit pour s'installer durablement sur tous les marchés : plus de SUV, plus de pick-ups, plus de produits adaptés comme en Inde avec le Kwid... « Renault a fait le choix de faire coïncider l'ensemble de ses lancements produits. Le risque c'est que l'ensemble de la gamme arrive en fin de cycle, et se retrouver sans nouveautés pour animer le réseau  commercial », met toutefois en garde Bertrand Rakoto.

La Chine, un atout devenu un handicap pour PSA

Chez PSA, l'offensive internationale a du plomb dans l'aile... Les ventes patinent en Amérique latine, le groupe n'envisage pas de retour en Inde avant 2020, et les ventes ne cessent de s'effondrer en Chine qui était pourtant devenu son premier marché mondial.

« Le principal foyer de croissance organique des volumes sur le long terme de PSA devrait être l'Asie et notamment la Chine, mais compte tenu des conditions difficiles des coentreprises il lui faudra du temps pour redresser la dynamique commerciale », explique Alessandro Roggero de Groupama AM.

Avec la reprise du marché européen, PSA est redevenu un groupe domestique. Certaines marques comme Citroën réalisent encore 75% de leurs ventes en Europe, dont 25% dans l'Hexagone... Avec le rachat d'Opel, PSA a encore conforté son centre de gravité en Europe puisque la marque allemande n'est présente nulle part ailleurs. Or, le marché européen serait d'ores et déjà installé sur un plateau.

Lire aussi: En Chine, la descente aux enfers de PSA s'accélère

Pour Bertrand Rakoto, les difficultés de PSA sont plus structurelles : « la croissance de PSA dans les pays émergents pourrait être lourdement handicapée par la faiblesse de l'offre moteur. Ces marchés veulent des moteurs simples, abordables et parfois plus gros, or PSA, est limité en taille de moteur et ne propose que des hybrides ».

« PSA a pris du retard dans cette course aux volumes parce que jusqu'en 2016, le groupe n'avait pas de produits sur les gammes les plus porteuses », rappelle Alessandro Roggero.

En réalité, les volumes, PSA n'en a cure. « La stratégie de PSA est davantage tournée vers la profitabilité que sur une stratégie de volumes », souligne Alessandro Roggero. « PSA s'est imposé une discipline de prix et une image de marque meilleure qu'avant. Le groupe a prouvé qu'il préférait renoncer aux volumes que baisser ses prix comme récemment au Royaume-Uni. À l'inverse, Opel est la marque qui casse les prix pour faire des volumes », ajoute-t-il.

Le pricing power, le vrai mantra de Carlos Tavares

Cette stratégie de pricing power est fondamentale pour comprendre la vision de Carlos Tavares. Le succès du 3008 illustre parfaitement la pertinence de ce modèle. Le SUV, élu voiture de l'année par un jury européen, affiche un taux de finition 3 et 4, c'est-à-dire les plus hauts de gamme, de 86%. Selon certains analystes, le taux de marge de ce SUV culminerait même à 12% soit une rentabilité digne d'une voiture premium !

Carlos Tavares ne cesse d'ailleurs de répéter que son plan Back to the race qui a fait baisser le point mort de la production d'un million de voitures permet au groupe d'être suffisamment agile pour s'affranchir des contraintes de volumes... C'était vrai jusqu'au rachat d'Opel à General Motors, finalisé cet été. Ce rachat a certes permis d'ajouter 1,6 million de voitures dans l'escarcelle du groupe aux désormais quatre marques, et 6 points de parts de marché en Europe. Mais il pose un problème en termes de ventilation des investissements qui auraient pu être consacré à l'offensive internationale.

« Les marchés vont attendre le groupe dans sa capacité à intégrer Opel dans les standards de profitabilité que Carlos Tavares a réussi à imposer dans l'ensemble du groupe », estime Alessandro. Tant pis pour les investissements, notamment dans les moteurs et dont le groupe a cruellement besoin...

Une industrie en pleine transformation

L'évolution de l'industrie automobile pourrait néanmoins bousculer les principes historiques qui ont jusqu'ici commandé les constructeurs. Avec l'explosion des nouveaux usages de mobilité, les géants aux 10 millions de voitures pourraient être contraints de réajuster leur production à la baisse.

« Tout dépend de quelle croissance on parle... General Motors par exemple, parle d'une croissance, mais par de nouvelles activités autour des services », rappelle ainsi Bertrand Rakoto.

De même, l'essor des nouveaux process de production dits de l'usine du futur relativise la sempiternelle équation des « rendements croissants ».

« La problématique de la taille critique est beaucoup moins tactique que tout le monde l'annonçait », conclut l'analyste indépendant.

D'ailleurs pour Alessandro Roggero, la comparaison entre les deux groupes est éloquente :

« Ces deux stratégies ont des avantages et des inconvénients, ainsi Renault affiche des hausses en volumes à deux chiffres, mais sa rentabilité est inférieure à celle de PSA ».

Nabil Bourassi

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Commentaires 5
à écrit le 19/10/2017 à 21:31
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Ben Peugeot garde une très très forte notoriété en Afrique du Nord et sub saharienne, la grosse connerie c'est la fin de la 404/504 pick'up une merveille technique apte à tout subir sans casser, il m'est arrivé de frôler 3 tonnes de chargement sans p...

à écrit le 19/10/2017 à 11:00
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Pourquoi minimiser les performances diverses de nos constructeurs. Ceux-ci ont eu le culot de racheter NISSAN et OPEL en pleine déconfiture et ont grossi par croissance externe seulement. La course à la croissance organique des constructeurs européen...

à écrit le 18/10/2017 à 19:56
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Ce n'est pas une fin en soi de fabriquer plus de voitures, encore faut-il les vendre.

le 18/10/2017 à 22:25
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Pas de lézard camarade, eux les vendent au juste prix mais celui qui souffre c' est VW qui perd de grosses parts de marché en Europe..

à écrit le 18/10/2017 à 13:02
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Erreur : PSA fabrique AVEC TOYOTA le segment A mais fabrique POUR TOYOTA des utilitaires .

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