Bouygues nie toute corruption sur le "Pentagone" français

Par latribune.fr avec Thierry Lévêque (Reuters)  |   |  569  mots
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Le géant français du bâtiment Bouygues Construction a assuré mercredi qu'aucun fait délictueux n'avait marqué à sa connaissance la procédure de consultation sur le projet de nouveau ministère de la Défense qu'il a emporté en mai dernier.

C'est la première réaction du groupe après la divulgation par le Canard enchaîné de l'existence d'une information judiciaire pour corruption et favoritisme ouverte en février dernier sur ce projet-phare du gouvernement, surnommé le "Pentagone" français.

"Bouygues Construction tient à préciser qu'à sa connaissance, aucun fait délictueux n'a marqué le déroulement de cette consultation qui a été conduite avec beaucoup de rigueur", dit la société dans un communiqué.

"Bouygues Construction s'étonne des allégations figurant dans certains articles de presse, aucune mesure d'enquête ou d'instruction n'ayant été diligentée à son encontre, aucun de ses collaborateurs n'ayant fait l'objet d'une convocation, audition ou notification", ajoute-t-elle.

Le groupe assure avoir appris par le Canard enchaîné que ce contrat d'un montant de 3,5 milliards d'euros devant regrouper d'ici 2015 l'ensemble des états-majors et services centraux de la Défense dans un complexe neuf du XVe arrondissement faisait l'objet d'une enquête.

Deux juges d'instruction, Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, sont en effet saisis depuis février. Ils devront déterminer s'il y a bien eu corruption et éventuellement au profit de qui, a confirmé une source judiciaire.

Dès octobre 2010, le parquet de Paris avait confié à la police financière une enquête préliminaire à la suite d'une information anonyme.

La police financière a découvert qu'un cadre dirigeant de Bouygues avait obtenu d'un haut fonctionnaire le cahier des charges du projet, écrit le Canard enchaîné.

Ce document détaillant les exigences du commanditaire permet, s'il est obtenu de manière prématurée, de présenter un projet qui a plus de chances de l'emporter. Aucune mise en examen n'a cependant été prononcée à ce jour.

LE GOUVERNEMENT N'EST AU COURANT DE RIEN

Le gouvernement a également assuré avoir appris l'existence de cette procédure dans la presse. Or, toutes les procédures sensibles font systématiquement l'objet de signalements du parquet au ministère de la Justice.

Interrogé mardi soir en marge d'une convention du parti du président Nicolas Sarkozy, l'UMP, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, s'est dit serein.

"Je crois qu'il y a une dizaine de commissions rassemblant une centaine de personnes qui ont travaillé sur ce projet, tout est connu, tout est sur la table et je pense que le ministère est d'une sérénité totale", a-t-il ajouté. "Pas de souci."

Le contrat a été signé le 31 mai 2011 mais le projet fait l'objet d'une bataille de procédure entre l'Etat et la ville de Paris.

Le contrat a été conclu dans un cadre juridique devenu habituel pour les chantiers d'Etat ces dernières années, un partenariat public-privé.

Il prévoit que la société finance la construction, l'équipement et l'entretien du bâtiment pendant une longue période moyennant une redevance, avant de le rétrocéder à l'Etat.

En l'espèce, selon le Canard enchaîné, l'Etat payera 132 millions par an pendant 27 ans. Les conditions seraient en fait légèrement différentes, le prix final pour l'Etat pouvant être plus ou moins cher suivant le montant final de la redevance.

Cette formule a été critiquée concernant par exemple les prisons les plus récemment construites, les syndicats estimant qu'elle encourageait une construction à l'économie et alourdissait in fine la charge de l'Etat, qui hérite d'un bâtiment au moment où il est dégradé.