C'est un document de planification prévu par les Codes de l'environnement et de l'urbanisme qui vise à « corriger les disparités spatiales, sociales et économiques », « coordonner l'offre de déplacement » et « préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable » : le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF). Réélue en juin 2021, la présidente (LR) du conseil régional, Valérie Pécresse y a adjoint un « E » pour « environnemental » et en a confié, depuis novembre 2021, la révision à son vice-président (UDI) chargé du Logement et de l'Aménagement durable du territoire, Jean-Philippe Dugoin-Clément.
Mais ce dernier doit répondre à des injonctions contradictoires : concilier la maîtrise de la croissance urbaine et démographique - 50.000 habitants supplémentaires chaque année en Île-de-France - avec le rayonnement international de la région-capitale tout en garantissant un cadre de vie de qualité. Autrement dit, en développant logements, activités et équipements, en adaptant les territoires au dérèglement climatique, en promouvant une sobriété foncière et en préservant la biodiversité...
Après s'être déroulée de mi-septembre à mi-décembre 2022 auprès des acteurs économiques, des habitants et des décideurs politiques, la concertation réglementaire au titre du Code de l'environnement vient de faire l'objet d'une publication, ce 15 janvier, de deux garants de la Commission nationale du débat public (CNDP). La concertation au titre du Code de l'urbanisme a, elle, débuté plus tôt - en décembre 2021 - mais s'achèvera plus tard - fin mars 2023 -. Dans l'intervalle, le conseil régional doit publier en mars un bilan des actions conduites lors de cette période mais son vice-président Jean-Philippe Dugoin-Clément a accepté d'en dire un peu plus à La Tribune.
Rapprocher les emplois et les logements via des politiques de transport
Au premier chef, apparaît la question du logement, sachant que d'après la Fondation Abbé Pierre, 1,2 million de Franciliens sont mal-logés et 2,5 millions vivent en suroccupation. Un sujet directement lié aux crises énergétiques - notamment depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine - et climatique - elle-même liée à la production de carbone, à l'étalement urbain et à l'érosion de la biodiversité. Des thèmes rapprochés par les participants de celui de l'emploi - lors des réunions départementales - et de la limitation des temps des transports - pointée par les usagers de grande couronne -. « Nous devons aller vers des polycentralités renforcées », affirme Jean-Philippe Dugoin-Clément.
Sur ce point, les garants de la CNDP l'appellent d'ailleurs à « préciser les modalités d'incitation et de contrôle du déploiement d'un polycentrisme responsable assurant des logements, des lieux de travail et des lieux de loisirs à proximité » et à « arrêter, dans la décision finale, le nombre et le périmètre des bassins de vie autour desquels doit s'organiser le polycentrisme de la région » « C'est toute la difficulté : nous devons produire un document d'urbanisme qui a une valeur normative en faisant la somme des contraintes », répond le vice-président.
Une obligation de non-artificialisation des sols
Les principaux enjeux sont au nombre de trois, ajoute-t-il : la région doit rester la plus faible productrice de carbone par habitant, la moins consommatrice d'énergie et la moins artificialisée, mais elle a aussi le devoir de maintenir 31% du PIB du pays - « sinon le pays se casse la figure » - et « l'obligation sociale » de « permettre aux classes les plus fragilisées de mieux vivre ». Cela passe par la construction de logements, le développement de transports en commun et la production d'énergies renouvelables, autant d'éléments qui consomment de l'espace, poursuit Jean-Philippe Dugoin-Clément.
Là encore, les deux porte-paroles de la Commission nationale du débat public l'invitent à « préciser et assurer les conditions de non propagation et de non-artificialisation des sols par la multiplication des zones d'entrepôts ou de la spéculation immobilière » ainsi que « les dispositions et les actions envisagées pour renforcer les transports publics ».
Des sujets parfois « très polémiques » sur la table
Des sujets qui font controverse par exemple dans le Val-d'Oise. S'estimant « maltraités politiquement » depuis l'abandon d'Europacity - et malgré le plan Castex de mai 2021 -, les responsables privés et publics appellent à « sauver le triangle de Gonesse ». Dans le même temps, les associations environnementales demandent, elles, d'y geler tout aménagement, de réduire le trafic de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ou d'arrêter la ligne 17 du Grand Paris Express.
Les décharges contenant les terres excavées de ce « chantier du siècle » ne sont plus les bienvenues non plus en Seine-et-Marne. De même que le débat continue de faire rage entre les partisans et les adversaires de l'aménagement du plateau de Saclay. Ou encore sur des projets de l'Etat sur des éoliennes ou en matière d'équipements publics. Cinq prisons sont ainsi prévues en Île-de-France, mais les locaux n'en veulent pas nécessairement. « Cela peut être des sujets très polémiques », relève le vice-président du conseil régional.
« Un avis ne vaut pas moins qu'un autre. C'est le propre d'une concertation : il faut écouter l'ensemble des acteurs et permettre le maximum d'expressions », insiste Jean-Philippe Dugoin-Clément.
Une première étape qui appelle d'autres marches à franchir
Toujours est-il qu'après cette première étape, une concertation, cette fois au titre du Code de l'urbanisme, qui a, elle, démarré plus tôt - en décembre 2021 - se terminera plus tard, fin mars 2023. Tant est si bien que ce n'est qu'après cette double phase de recueil que la collectivité francilienne arrêtera à l'été un projet de document avec ses choix. « Nous satisferons, totalement, à moitié ou pas du tout », résume l'élu.
Pour autant, le processus ne sera pas terminé. Le document du conseil régional devra en effet être soumis à enquête publique à l'hiver 2023-2024 à l'issue de laquelle des commissaires-enquêteurs préconiseront des conseils et des remarques. Ce n'est donc qu'à l'été 2024 que le schéma directeur de la région sera voté, avec l'intégration de « tout ou partie » des demandes.
Ultime marche à franchir : la validation par le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative du pays. « Des territoires ne veulent plus de logement social, mais si nous produisons un SDRIFE contraire à la loi, il peut être cassé ». D'autant que ce dernier s'impose, ensuite en cascade, aux schémas de cohérence territoriale (SCoT), sortes de plans d'urbanisme élaborés et adoptés par la métropole du Grand Paris et l'ensemble des intercommunalités...
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