Après la crise sanitaire, ira-t-on vers une crise du logement ?

Lors de la reprise, assistera-t-on à un encombrement de l'activité immobilière ou le secteur aura-t-il réussi à contenir l'impact du Covid-19 ?
César Armand
(Crédits : Regis Duvignau)

L'activité immobilière est à l'image des Français: confinée. "Elle n'est pas à l'arrêt, mais fonctionne au ralenti en termes d'offres, de demandes et d'intermédiation", relève Richard Malle, directeur du département Recherche de BNP Paribas Real Estate.  "Les annonces des Etats et de la BCE sont massives et à la hauteur des enjeux: ce sera une capacité déterminante pour enregistrer une reprise forte de l'activité des entreprises et de la consommation des ménages" croit-il savoir.

Vers "un encombrement" au moment de la reprise ?

"Compte tenu de ce ralentissement, les taux d'intérêt devraient rester bas", renchérit Philippe Buyens, directeur général de Capifrance (11.000 transactions en 2019). "La seule alerte, c'est la courbe du chômage. Si elle remonte, la demande va diminuer, mais les prix se stabiliseront voire baisseront car l'offre sera supérieure", estime-t-il encore.

Avocate associée et responsable du pôle immobilier chez Jeantet, Catherine Saint-Geniest considère au contraire que "cela risque de prendre du temps avant de se remettre en route": "il y va y avoir un blanc et un encombrement au moment de la reprise. Evidemment, le retard ne pourra pas être comblé", insiste-t-elle.

Le marché du logement obéit en effet à deux logiques temporelles qu'il est difficile de contrecarrer. Les deux parties signent d'abord une promesse de vente qui a une validité de dix jours et pendant laquelle chacun peut se rétracter. Suivent trois mois pendant lesquels les notaires rassemblent les pièces avant la signature d'un acte authentique.

Les notaires jouent toujours les intermédiaires

"Les délais ne sont pas automatiquement prorogés au seul motif des mesures de confinement", martèle la juriste. "La force majeure, c'est-à-dire un événement imprévu et irrésistible qui entrave la réalisation du contrat, peut être invoquée mais doit être démontrée ; les promesses ne prévoient pas ce motif de prorogation des délais."

Pour pallier ces difficultés, Yann Jéhanno, président du groupe Laforêt (30.000 ventes et 40.000 biens en gestion locative en 2019), déclare, lui, avoir mobilisé "une task force pluridisciplinaire" qui répond à un numéro de téléphonique et à une adresse mail uniques. "Nous continuons à faire tourner le moteur pour suivre nos clients en cas d'achat ou de vente", poursuit-il.

Les notaires continuent d'ailleurs à jouer les intermédiaires entre les différentes parties prenantes. Dès le 18 mars, le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Jean-François Humbert a fait savoir qu'ils "ne [renonçaient] pas à leur mission de service public", la profession étant "dotée depuis plusieurs années des outils permettant dans la plupart des cas un travail à distance".

Ou un impact économique et financier limité ?

A condition que les taux d'intérêt restent bas et que les ménages continuent à avoir cette capacité, l'impact économique et financier demeurera limité, espèrent ces acteurs. "Si un repas au restaurant, ça s'annule, un projet immobilier, cela peut se différer" remarque Philippe Buyens de Capifrance. "Nous connaîtrons peut-être une période de surchauffe au début de l'été, mais nous en serons très heureux." Chez Laforêt, Yann Jéhanno tient peu ou prou le même discours: "Nous avons eu des signatures début mars, mais nous restons dépendants des mesures qui seront décidées dans les prochaines semaines".

"Avec un rebond de croissance qui pourrait approcher 6 % dans la zone euro en 2021, consécutive à une récession attendue sévère en 2020, proche de -4 % comme en 2009, nous pouvons tabler sur une poursuite presque à l'identique de ces fondamentaux", se met même à rêver Richard Malle de BNP Paribas Real Estate. "Lors de la crise des subprimes, les prix ont reculé de 10 % pendant un an avant de croître dans les mêmes proportions, ce qui montre la résilience du marché du logement lors des cycles économiques."

D'aucuns encore, à l'image des agences immobilières dématérialisées comme Flatlooker ou Liberkeys, jugent que cela va accélérer la numérisation d'une industrie encore trop immobile.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 24/03/2020 à 19:54
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si on garde une certaine logique, cette crise ne pourra passer que gràce à une dévaluation et comme les taux d'intérêts sont ultra bas, c'est le moment d'acheter pour revendre dans 10/15 ans

à écrit le 23/03/2020 à 17:29
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"Avec un rebond de croissance qui pourrait approcher 6 % dans la zone euro en 2021, consécutive à une récession attendue sévère en 2020" Les croyants à savoir ceux qui pensaient que le RU ne sortirait jamais de l'UE, ceux qui pensaient que le pro...

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