Immobilier : les gagnants et les perdants de la vente garantie

Nouveau record dans l'immobilier européen: le e-buyer italien Casavo, spécialiste de la vente directe et garantie d'appartements et de maisons, annonce lever 400 millions d'euros. Sur ce marché, la jeune pousse transalpine compte au moins deux concurrentes en France. Toutes n'ont pu réussir leur levée de fonds et certaines se retrouvent en difficulté financière. Analyse.
César Armand
(Crédits : DR)

Malgré la remontée des taux d'intérêt et la récession annoncée, les investisseurs continuent de plébisciter les jeunes pousses de l'immobilier. Dernière en date : l'italienne Casavo qui annonce, ce 19 juillet, lever 100 millions d'euros en série D - 4è tour de table - et obtenir 300 millions d'euros de dette. Soit 400 millions d'euros, un record pour cet écosystème en Europe.

Sa spécialité : le e-buying, c'est-à-dire garantir l'achat d'appartements et de maisons pour propriétaires soucieux de vendre au prix le plus juste et dans les meilleurs délais. Sa promesse : donner une estimation en ligne entre 95% et 105% du prix réel. Reste ensuite au vendeur à choisir entre deux options : soit vendre à 95% à la plateforme, soit vendre à 105% au marché.

« Après Milan, Rome, Milan, Turin, Florence, Bologne et Vérone, puis Madrid, Barcelone et Malaga, et le Portugal, nous voilà à Paris et en Île-de-France où se trouve une forte concentration de valeur. Nous allons nous concentrer sur quelques arrondissements avant de développer d'autres zones géographiques », explique, à La Tribune, son PDG-fondateur, Giorgio Tinacci.

« Depuis l'arrivée des sites de petites annonces immobilières au début des années 2000, rien n'est venu bousculer le marché. A terme, Casavo va s'imposer comme la place de marché européenne de l'immobilier entre particuliers », abonde son investisseur historique Emanuele Levi, general partner chez 360 Capital.

Casavo compte au moins deux concurrentes en France

Pour autant, la startup transalpine n'est pas la seule à se positionner sur ce marché de la vente garantie. Dans l'Hexagone, elle compte au moins deux concurrents, dont Zefir qui avait levé, en février dernier, elle aussi la somme record - pour l'immobilier français - de... 20 millions d'euros.

« L'écosystème va beaucoup changer en 2022 à tel point que nous devrions assister à une concentration en 2023 », prédit aujourd'hui son Pdg Rémy Fabre.

Présent à Lille, Lyon, Nantes et Paris, ce dernier vient de réaliser, en juin, un volume de reventes de 20 millions d'euros. Après avoir tout misé sur une stratégie de volume tournée vers la croissance, il a pivoté vers une stratégie de profitabilité et fait encore plus attention à ses estimations ainsi qu'à l'ouverture de nouvelles villes.

D'autant qu'à la différence de Casavo qui achète les biens dès le premier jour et paye donc les frais de notaire, Zefir préfère parapher des compromis d'une durée d'un an et s'acquitter des intérêts des crédits-relais de ses vendeurs avant de débloquer les liquidités.

Réaliser les bonnes estimations et trouver les bons acheteurs qui paient au bon prix

Autrement dit, Rémy Fabre fait attention à ses coûts, mais tout comme son homologue Giorgio Tinacci, il doit réaliser la bonne estimation et trouver les bons acheteurs qui paient au bon prix. Le cas échéant, cela ne fonctionne pas. Aux Etats-Unis, Opendoor a perdu 80% de sa capitalisation boursière depuis l'automne 2021, et Zillow des centaines de millions de dollars avec son service d'e-buying avant de l'arrêter.

« Les marchés immobiliers résidentiels sont moins en croissance en matière de prix. De facto, cela abîme le modèle », décrypte Vincent Pavanello, cofondateur de l'association Real Estech, qui rassemble les jeunes pousses de l'immobilier. « Sachant qu'il y a besoin de fluidité sur ce marché, la solution connaîtra peut-être des heures meilleures dans un futur où la macroéconomie sera plus propice », ajoute-t-il.

Certains acteurs en font déjà les frais

Certains acteurs en font déjà les frais. Le français Homeloop, fondé en 2016, est en redressement judiciaire depuis le 12 juillet. Après avoir été soutenue par son actionnaire majoritaire Crescendix et réalisé près de 150 millions d'euros de volumes d'affaires en 2021, la jeune pousse est allée chercher de nouveaux partenaires financiers début 2022.

« Malheureusement, nous avons subi un resserrement des conditions sur le marché et nous n'avons pas pu clôturer une levée de fonds le 30 juin », affirme, à La Tribune, son président-fondateur Aurélien Gouttefarde. « Nous n'allons pas tout arrêter du jour au lendemain car nous sommes convaincus que ce modèle d'affaires a du sens, la demande pour ce service n'ayant jamais été aussi forte », poursuit-il.

Outre l'écoulement de son stock de logements, il va se recentrer sur Paris et la première couronne, limiter ses volumes, plafonner ses acquisitions entre 400.000 et 1 million d'euros et « évaluer des options sur la partie estimation ». « Avec tout notre savoir-faire depuis six ans, nous pouvons nous développer autour de cette activité », dit encore Aurélien Gouttefarde.

Le marché de la vente garantie fait donc des gagnants et des perdants, mais le dernier arrivé - Casavo - est confiant pour la suite.

« C'est un marché très large qui apporte de l'innovation. Plus nous sommes de joueurs, mieux c'est », insiste Giorgio Tinacci.

« Un certain nombre d'éléments typiques du marché européen rend son modèle intéressant : l'absence de transparence totale sur la valeur des biens, des coûts de transaction qui restent élevés, une forte majorité de propriétaires et une volatilité des prix plus faible qu'aux Etats-Unis », appuie son actionnaire Emanuele Levi.

César Armand

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