Le grand fiasco du crédit d'impôt rénovation

En Allemagne, le dispositif est 13 fois plus performant qu'en France... où il ne parvient pas à stimuler les travaux de rénovation, alors qu'il contribue à gonfler les prix. Inefficace tant pour les économies des ménages que pour l'environnement, il ne semble ainsi profiter qu'aux professionnels, dénonce l'association UFC Que Choisir.
Giulietta Gamberini
"Par son 'effet plancher', le crédit d'impôt incite à choisir des produits tous juste assez performants pour être éligibles", souligne l'UFC.

Introduit en 2012, le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) semble déjà avoir fait son job, en permettant à la France de rattraper l'Allemagne en termes de hausse du coût du travail. Ce n'est pas le cas en revanche du Crédit d'impôt pour la rénovation énergétique (CITE) qui, en place depuis 2005, est plutôt "un fiasco", selon un rapport publié mercredi 28 octobre par  l'association des consommateurs UFC-Que Choisir.

Le dispositif cumule en effet deux échecs, dénonce l'association. D'une part, bien que la performance énergétique du logement constitue "un gouffre économique pour les ménages", de l'ordre de 1697 euros par an en moyenne, il ne parvient pas véritablement à les inciter à des travaux de rénovation. Alors que le parc de logements est le deuxième consommateur d'énergie de France après les transports, 85% -soit 23,4 millions de logements- affiche encore une performance énergétique "médiocre, voire déplorable", dénonce l'UFC.

Pourtant, ce parc joue un rôle clé dans la lutte contre le changement climatique dans laquelle la France, qui hébergera en décembre la COP 21, affiche un engagement fort: à lui seul, il représente 12% des émissions de CO2 de l'Hexagone. De quoi rendre particulièrement ambitieux l'objectif affiché par le gouvernement socialiste dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de transition énergétique, consistant à réduire de 87% les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel avant 2050.

Les professionnels seuls bénéficiaires?

D'autre part, le crédit d'impôt semble en revanche profiter aux professionnels. Le prix moyen des travaux de rénovation énergétique (de 5200 euros en 2013) suit en effet son évolution entre 2006 et 2013, avec un pic correspondant à un écart de plus de 1500 euros en 2008, lorsque le crédit couvre jusqu'à 50% des sommes investies par les ménages.

Cependant, cela ne se traduit pas forcément en une amélioration de la qualité des travaux: le nombre de rénovations "poussées" a tassé entre 3% et 5% de 2006 à 2013, remarque l'association. Au contraire, le CITE semble même jouer un effet pervers: "Par son 'effet plancher', le crédit d'impôt incite à choisir des produits tous juste assez performants pour être éligibles", souligne l'UFC.

Les ménages insuffisamment informés

Cette inefficacité est expliquée par trois défauts intrinsèques au dispositif, qui a néanmoins déjà coûté à la collectivité pas moins de 15,6 milliards d'euros. Tout d'abord, il manque de transparence: la moitié des ménages découvre seulement après le début de ses travaux  l'existence du crédit d'impôt, dont les règles ont d'ailleurs été changées sept fois en dix ans.

Deuxièmement, seul 1% des biens en location, qui représentent pourtant un logement sur deux et sont les plus énergivores, en ont profité. Ni le propriétaire, qui ne paye pas la facture de l'électricité, ni le locataire, qui n'est pas assuré de passer suffisamment longtemps dans le logement, ne considèrent en effet des travaux de rénovation comme avantageux.

Enfin, le crédit d'impôt présente la faiblesse d'être axé sur l'équipement, et non pas sur la performance atteinte. Il ne parvient ainsi pas à orienter vers les investissements les plus pertinents: preuve en est que 41% des dépenses de rénovation des ménages sont dirigées vers l'installation de nouvelles fenêtres, alors qu'elles sont responsables de 10 à 15% des pertes thermiques d'un logement. Au contraire, l'isolation, à l'origine de quasiment deux tiers des pertes thermiques, capte "seulement" 34% des dépenses.

En Allemagne, le dispositif est 13 fois plus efficace qu'en France...

Ces caractéristiques ne sont pourtant pas une fatalité, selon l'UFC. Le contre-exemple peut être trouvé en Allemagne, où la performance globale de la rénovation est au centre d'un dispositif axé sur un double volet: des prêts très attractifs concédés aux consommateurs sans coûts pour l'Etat, et un accompagnement avant et après la réalisation des travaux. Les résultats sont parlants: "en dépensant plus ou moins les mêmes sommes", l'Allemagne enregistre quasiment 200.000 logements rénovés en "basse consommation" par an, alors que la France peine avec seulement 15.000.

L'UFC invite donc le gouvernement à arrêter de "piloter les yeux fermés" et appelle les parlementaires à se saisir de la loi des finances pour 2016 en cours d'examen pour changer de cap. L'association leur demande notamment d'instaurer un crédit d'impôt progressif basé sur la performance thermique réellement atteinte après travaux, ainsi que de la possibilité de cumuler le crédit d'impôt avec l'Eco-prêt en cas de rénovation énergétique lourde.

Un "effet d'aubaine" dans un secteur "propice au démarchage"

L'UFC Que-Choisir insiste aussi sur la nécessité que les assertions en termes de performance des professionnels soient désormais considérées comme des obligations de résultat, et non plus seulement de moyen. Il s'agit de contrer l'"effet d'aubaine" découlé du crédit d'impôt et dans ce secteur "très propice au démarchage" pas suffisamment contré par la certification "Reconnu garant de l'environnement" (RGE), qui selon un autre étude de la même association se serait révélée "calamiteuse".

"La rénovation énergétique est le moteur de la croissance des litiges des associations locales", souligne Alain Bazot, président de l'UFC. Il met en garde: dans la Sarthe, les litiges engagés depuis 2002 atteignent ainsi  la valeur globale de 9 millions d'euros pour les consommateurs.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 21
à écrit le 31/10/2015 à 9:01
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Une usine à gaz construite probablement par des énarques contre un système simple. S'il n'y avait que pour les travaux d'isolation, .....!

le 31/10/2015 à 18:43
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Un très bon exemple de notre mille-feuilles administratif, avec des structures intermédiaires censées vous aider: une par strate - intercommunalité - département - Etat. A la fin vous n'avez rien sauf perdu votre temps, rempli du papier et entendre ...

à écrit le 31/10/2015 à 7:49
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Vous devriez aussi consulter les conditions imposées par l'ADEME pour accorder des prêts aux particuliers pour améliorer la consomation énergétique : il faut faire 2 travaux de types différents (pourquoi ?), tous les travaux d'isolation ne sont pas p...

à écrit le 30/10/2015 à 9:43
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très bon article. Diable, on cherche des économies budgétaires et d'énergie, on fait parti de l'Europe et on peut tout copier chez nos voisins quand c'est mieux, qu'attendons nous? J'entends l'argument qui fait plus froid en Allemagne, mais 13 fois p...

à écrit le 29/10/2015 à 23:55
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A noter que l'Allemagne a un climat plus froid que la plupart des régions françaises. La différence sur la note de chauffage se voit plus vite. Encore faut-il avoir des isolants qui tiennent dans le temps.

à écrit le 29/10/2015 à 14:36
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Très bon article, il faut en effet simplifier au maximum les aides et viser la performance et les résultats réels avant de verser des fonds aux entreprises qui réalisent les travaux et pouvoir réaliser des tests ponctuels de contrôle de manière indép...

à écrit le 29/10/2015 à 11:35
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Il faut tout simplement, vendre l'immobilier locatif sur-imposé, et ne garder que sa résidence principale, vendre URGEMMENT la secondaire et voyager en France ou ailleurs, en location : impot sur le revenu du loyer locatif ( un loyer locatif, suffit ...

le 30/10/2015 à 23:52
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Bravo Pierre62 pour votre avis que je partage, je rajouterai également la fiscalité sur les plus values, et dans bon nombre de villes l'excès de logements à louer (voir annonces en attente sur Le bon coin), alors que les promoteurs continuent à const...

à écrit le 29/10/2015 à 9:50
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Il n'y a pas eu un amendement déposé pour enlever la responsabilité finale du professionnel quant au résultat, l'efficacité de ses travaux ? On fait faire, paye et si c'est pas efficace, et pas mieux qu'avant, rien à redire. Une sorte d'obligation d...

à écrit le 29/10/2015 à 9:24
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Faites vos calculs : Investissement 10000 Euros pour une économie de 200 Euros par an il faudra attendre 50 ans pour rentabiliser

le 29/10/2015 à 11:01
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Dans les faits, cet investissement ne sera jamais rentabilisé, puisque la durée de vie des chaudières et fenêtres est inférieure et que la performance de la plupart des isolants se dégrade dans le temps.

le 30/10/2015 à 9:35
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c etait tout l'argument d edf dans les années 60/70. vous embêtez pas à isoler correctement, nous vous fournirions des radiateurs grille pain qui coutent pas cher et de l'electricité à gogo mas pas chère, promis juré. Résultat 40ans plus tard des mas...

à écrit le 29/10/2015 à 8:52
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Comme pour les nouvelles régions, qui ne répondent absolument pas au besoin urgent de décentralisation du pays mais vont provoquer la désorganisation des services régionaux de l'Etat, ce dispositif de crédit d'impôt est idiot (les remarques des assoc...

le 29/10/2015 à 11:31
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Cette dépense de l'argent public est certes inefficace, mais bénéficie à certains intérêts privés. Les choix faits résultent de l'absence d'étanchéité suffisante entre public et privé (cf. les énarques passant allègrement de l'un à l'autre). Supprime...

le 29/10/2015 à 11:47
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je vis dans un petit pays que les européens, les français en particuliers, ne mentionnent jamais de peur de devoir revoir leur copie concernant les méchanismes de leurs institutions et des résultats qui en découlent. une chose est sûre: depuis chez ...

à écrit le 29/10/2015 à 8:38
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Merci pour cet article qui a le mérite de resituer les choses. au lieu d'avoir un effet incitatif les aides sont confisquées par les entreprises qui gonflent leurs prix et leurs marges. Quand au label RGE il sert surtout à engraisser les structures ...

à écrit le 29/10/2015 à 8:19
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d'un autre côté, on construit beaucoup plus que la croissance des ménages. cela veut dire qu'il y a un renouvellement du parc. mais comme le laisse entendre l'article, il y a a priori pas mal de baratin de la part de nos "professionnels" du logeme...

à écrit le 29/10/2015 à 8:12
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Avec la notion de "bouquet de travaux" il est devenu quasiment impossible de bénéficier de ce crédit d'impôts. Sauf à engager une rénovation lourde. Si vous voulez étaler l'investissement dans le temps, pas de crédit d'impôts.

le 29/10/2015 à 13:01
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@Antoine Vous avez eu raison, mais ce n'est plus vrai depuis l'an dernier. Une seule action suffit.

à écrit le 29/10/2015 à 7:49
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boh, l'etat va voter une taxe ' sur ceux qui en ont les moyens' pour les forcer a faire des travaux sous peine d'amende, le fruit de l'impot servira a renover gratuitement les logements ' de ceux qui n'en n'ont pas les moyens' comme pour les renovat...

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