Pourquoi la maquette numérique peine à se généraliser (étude)

Une étude du cabinet de conseil Sia Partners sur les freins à lever avant le déploiement massif du BIM pointe le manque de compétences et de transparence entre les acteurs concernés.
César Armand
Une maquette numérique sur tablette.

Manque de formations en interne, recours à des experts externes, outils différents d'un acteur à un autre... La maquette numérique, dite aussi BIM pour Building Information Modeling, devrait accompagner la transformation des entreprises du BTP, mais les freins humains et techniques priment sur le reste.

"C'est une filière qui émerge avec un vrai enjeu de montée en compétences, mais aujourd'hui les acteurs font appel à de la sous-traitance, faute de ressources disponibles", pointe la co-auteure de l'étude chez Sia Partners Charlotte de Lorgeril. "Il y a une pénurie d'experts BIM, et les profils qui correspondent sont soit rares soit extrêmement sollicités".

"Tout le monde rêve aujourd'hui du BIM mais il y a un écart important entre la cible à atteindre et l'éloignement vis-à-vis des enjeux" renchérit Jean-Luc Nectoux, directeur Bâtiment et Génie Civil chez l'organisme de certification Apave. "Le manque de compétences et d'informations sur le BIM est présent à tous les niveaux des acteurs de la chaîne, sans oublier le manque de communication sur le sujet en interne au sein de ses structures", déplore aussi l'expert BIM de MBACity Michel Sigiscar.

Multiplication des logiciels

Ces experts pointent un décalage criant entre la théorie et la pratique, et recommandent aux maîtres d'ouvrage intéressés d'en dialoguer d'abord avec l'ensemble des parties prenantes.

"La réflexion des uns et des autres n'a pas forcément le même niveau d'aboutissement ni les mêmes ambitions. L'équation n'est pas simple à résoudre : il faut une convergence globale", souligne le représentant d'Apave Jean-Luc Nectoux.

Michel Sigiscar, spécialiste de l'outil dans les bâtiments et les infrastructures, complète :

"Dans toute démarche de transition, l'accompagnement au changement de l'ensemble des acteurs est incontournable pour y arriver."

Par ailleurs, la multiplicité des logiciels rend la communication difficile. C'est pourquoi Charlotte de Lorgeril de Sia Partners propose la création d'un "référentiel unique et reproductible sur l'ensemble de la chaîne avec un processus et des outils communs" pour répondre au besoin d'harmonisation.

Très concrètement, "si nous arrivons à imposer une dénomination commune pour les différents niveaux (étages) ou locaux (pièces), nous aurons fait un grand pas qui nous permettra de passer à la vitesse supérieure" estime Jean-Luc Nectoux. "Dans de nombreuses entreprises, certains collaborateurs font l'apprentissage de ces logiciels par eux-mêmes. Malheureusement, ils ne sont pas informés sur le fait qu'il faudrait bien paramétrer leurs outils, effectuer des tests et se former afin de pallier à ce problème d'interopérabilité" regrette Michel Sigiscar.

"Tout est encore assez cloisonné et siloté !"

Pour y parvenir, il sera également nécessaire de définir les responsabilités juridiques de chacun et ce qui relève de la propriété intellectuelle. "Il faut anticiper et dialoguer. Aujourd'hui, tout est encore assez cloisonné et siloté, alors qu'on pourrait gagner en agilité et transparence" plaide la co-auteure du rapport Charlotte de Lorgeril. 

Autre écueil lié : la différence d'appréhension selon l'utilisateur final de la technologie. "Nous observons de grandes disparités chez les donneurs d'ordre privés et publics de même qu'il en existent entre des majors du BTP et des TPE-PME" soulève Jean-Luc Nectoux. "Il existe également deux types de donneurs d'ordre : ceux qui vont construire et qui vont vendre, et ceux qui construisent et qui exploitent."

"J'étais à la CCI de Paris Île-de-France pour partager un retour d'expérience et informer les non-sachant" raconte Michel Sigiscar. "J'ai demandé aux entreprises présentes si elles étaient également intéressées pour donner de leurs temps et faire pareil, mais je n'ai obtenu aucune réponse !"

Généraliser la maquette numérique passe par la transformation des modes de travail et la standardisation des procédés mais il semblerait que cela n'arrive pas dans l'immédiat. Et ce en dépit de tous les avantages économiques et environnementaux qu'elle présente.

César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 01/12/2018 à 21:12
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La maquette numérique est tout à fait généralisée dans certains domaines de l'industrie. Cela fait peut-être 20 ans chez Airbus que les modèles sont numériques. Toutes les revues de projet se font en numérique (merci Dassault Catia, une belle raison ...

à écrit le 30/11/2018 à 19:05
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Excellent choix de sujet, il est vrai qu'une telle évolution devrait être généralisée un peu partout et même être disponible pour tout le monde, un véritable produit de consommation courante qui se vendrait comme des petits pains. Mais du coup ce...

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