Un plan d'épargne urbain pour reconstruire la ville sur la ville

Contrairement aux promoteurs qui livrent des logements en douze à dix-huit mois, Novaxia réunit des investisseurs engagés sur six à huit ans pour reconstruire sur l'existant. Son président-fondateur Joachim Azan propose ainsi la création d'un nouvel instrument financier : le plan d'épargne urbain.
Joachim Azan, président-fondateur de Novaxia.
Joachim Azan, président-fondateur de Novaxia. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) a été promulguée le 24 novembre et le Salon de l'immobilier de l'entreprise (Simi) s'ouvre le 5 décembre. Le « choc d'offres » promis par le gouvernement sera-t-il au rendez-vous ?

JOACHIM AZAN - La Loi Élan va dans le bon sens, notamment avec le bonus de
constructibilité des bureaux vers les logements et l'accélération du traitement des
recours. Mais la majorité des mesures s'adressent aux promoteurs (bail numérique, bail
mobilité) et, nous, nous sommes des investisseurs et des transformateurs. En effet, notre modèle consiste à acheter en amont des immeubles vides, à les financer, puis nous réunissons nos 10.000 investisseurs sur une idée simple : il y a tant d'actifs obsolètes, des friches et des terrains qui méritent d'être transformés au lieu d'être démolis, investissons ensemble. Plutôt que de fabriquer des logements en douze à dix-huit mois, nous nous projetons à six-huit ans. En valorisant ainsi l'épargne des Français, cela nous permet de financer le recyclage de la ville sur la ville en donnant une nouvelle vie à ces sites.

La transformation de bureaux en logements, comme vous le faites à Bagnolet, peut-elle répondre à la pénurie ?
Il est important de rappeler qu'il y a 53 millions de mètres carrés de bureaux en Île-de-France, dont la moitié a été construite dans les années 1980. Le vieillissement de ces immeubles de 40 ans s'accélère. Or, pour des raisons réglementaires, architecturales ou territoriales, ils sont sortis du marché. Cette proportion de bureaux vétustes est même devenue deux fois plus importante entre 2012 et 2018. En revanche, si l'on prend les 500.000 m² transformables, cela peut y contribuer avec un potentiel de 5.000 à 10.000 logements d'ici à 2022. Pourquoi s'en priverait-on alors que 100.000 logements neufs sont produits chaque année en Île-de-France ? Notre transformation avenue Gallieni, à Bagnolet, est en effet un exemple type de ce qui peut être fait pour lutter contre cette pénurie, mais aussi une démonstration de notre action.

Pensez-vous que le bonus de constructibilité, passé de 10% à 30% pendant l'examen du texte gouvernemental, va accélérer les choses ?
Nous serons toujours dépendants de la volonté du maire. Certes, il n'y a plus de coefficient d'occupation des sols, mais la densification n'est pas très à la mode. Quand il est question de logements, l'élu local peut parfois penser qu'il va perdre des emplois et en même temps devoir construire de nouveaux équipements publics. Il faudrait que le maire ait quelque chose à gagner en contrepartie de cette transformation, même si ce bonus va dans le bon sens.

A vous écouter, la métamorphose urbaine apparaît comme une meilleure solution...
La mutation, qui transforme au lieu de démolir, a en effet des vertus écologiques en évitant, notamment, le gaspillage. Reste la question de l'acceptabilité. Les riverains sont habitués à une enveloppe, un gabarit de l'existant, de même que, pour les maires, c'est plus facile à porter politiquement. Acheter un bâti existant reste cependant un peu plus cher qu'un terrain nu et nécessite des grands investissements. C'est pourquoi le portage par l'épargne est une solution.

Vous proposez d'ailleurs la création d'un nouvel instrument financier : le "plan d'épargne urbain". Concrètement, de quoi s'agit-il ? Quelles garanties apporte-t-il ?
Souvent, quand on parle de logement, on parle de financement. Transformer des bureaux vacants en hôtel, en résidence étudiante ou senior, en tout ce qui contient des lits, nous savons faire, cela représente près de 80% de nos transformations. Marier notre point de vue d'investisseur avec celui d'un développeur permet donc d'apporter une solution nouvelle et de financer le portage financier. Le plan d'épargne urbain (PEU) flécherait alors l'épargne vers ces opérations de reconversion. Si notre pays est riche de milliards d'euros, les caisses de l'Etat et des collectivités sont vides. Pourquoi n'essayerait-on pas le PEU, comme il existe le plan d'épargne en actions (PEA) depuis 1992 et le PEA-PME ? Cela permettrait de répondre au manque de logements intermédiaires.

Le ministre du Logement et de la Ville, Julien Denormandie, vient de lancer un nouveau dispositif fiscal pour les rénovations dans le logement ancien. Quelle attention y prêtez-vous ?
Nous avons une démarche d'impact investing. Nos investisseurs nous demandent de développer les hommes, l'économie et les territoires, et notamment de garantir la sobriété énergétique de nos bâtiments en phase d'exploitation et de réduire l'impact environnemental de nos bâtiments via des baux verts. Plus généralement, pour un euro investi dans le recyclage du foncier, des emplois pérennes sont créés. Nos clauses d'insertion sociale sont ainsi deux fois plus élevées que dans les grands groupes. De même, nous accélérons la dépollution des territoires en nous occupant de tout. A Bagnolet, nous avons racheté à EDF le transformateur électrique et excavé 20.000 mètres cubes de terre au cœur d'un quartier en difficulté, la Capsulerie, et y avons installé des logements intermédiaires, sociaux et étudiants. En attendant la mutation de nos actifs, nous louons les locaux pour un euro symbolique à des associations. Notre immeuble rue Lacépède, érigé en 1755, a accueilli artistes et startups et a servi d'hébergement d'urgence sous la houlette d'Aurore et de Plateau urbain. Nous allons y restaurer les portes en bois de 1968 pour les mettre aux normes de 2018 afin de réutiliser les matériaux.

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