Autorisations de médicaments : le système en accusation

La polémique Mediator n'en finit pas d'enfler, éclaboussant autorités de santé, politiques et laboratoires. UFC Que Choisir va porter plainte. Souvent montré en exemple, le circuit français du médicament, non exempt de dysfonctionnements, va devoir se réinventer. A lire dans la Tribune ce jeudi.
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Rien ne va plus dans l'univers feutré du médicament. « L'affaire Mediator balaie une décennie d'efforts pour améliorer nos pratiques et redorer notre image », se désole un industriel. « C'est tout le circuit du médicament qui est mis en cause », déplore Anne Castot, responsable de la gestion des risques à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Deux mois après l'officialisation des décès liés à l'antidiabétique de Servier (500 à 2.000 morts), l'annonce ce mercredi du départ de Jean Marimbert, le patron de l'Afssaps, sonne comme un aveu d'impuissance de la part des autorités de santé. Elle fait aussi ressortir les dysfonctionnements du système d'évaluation et d'autorisation du médicament, trop souvent opaque, y compris pour les experts et les patients, pourtant premiers concernés.

Trois types de dérives peuvent être identifiés. D'abord, les incohérences entre un système d'autorisation de mise sur le marché (AMM) européen et des procédures de pharmacovigilance sur lesquelles les États souhaitent garder la mainmise, ne serait-ce que parce que le médicament est aussi affaire de pratiques culturelles. Les cas d'écoles du Ketum ou du Di-Antalvic (lire ci-contre) en témoignent. Deuxième dérive : l'absence de corrélation entre l'efficacité d'un produit et son taux de remboursement. Elle est poussée à son paroxysme avec le Mediator : le niveau de « service médical rendu » du produit a été déclaré « insuffisant » à au moins deux reprises, sans que jamais un ministre de la Santé ne s'avise de baisser son taux de remboursement, maintenu à 65 % !

Véritable chantage à l'emploi

Cette aberration part d'une bonne intention : en France, on sépare l'intérêt médical et la valeur économique d'un produit. Il faut pouvoir évaluer si un médicament apporte un réel soulagement aux malades avant toute considération sur le prix. Si c'est le cas, il pourra être pris en charge par la collectivité. Mais derrière ce principe, d'autres considérations interviennent, notamment économiques. Pertinentes quand elles ne sont qu'une des composantes de la prise de décision, elles ne le sont plus - c'est la troisième dérive - quand elles en deviennent le moteur.

« Les laboratoires implantés en France peuvent exercer un véritable chantage à l'emploi », assène un ancien cadre de l'industrie devenu consultant. Les laboratoires emploient quelque 100.000 personnes dans l'Hexagone, certains avec de véritables fiefs comme Pierre Fabre dans le Tarn. De là à penser que certaines décisions ont été prises quasi uniquement en fonction du pavillon de leur fabricant, il n'y a qu'un pas... que certains n'hésitent pas à franchir. « En 2006, le remboursement des veinotoniques [parmi lesquels le Daflon de Servier ou le Cyclo 3 de Pierre Fabre, les deux premiers laboratoires indépendants français] a été prolongé de deux ans, malgré un taux réduit de 35 % à 15 % », souligne un bon connaisseur du secteur. Et que dire du Multaq de Sanofi, dont le service médical rendu était considéré comme « modéré » en mars 2010, et aujourd'hui remboursé à 65 % ?

Face à ces constats, les labos rappellent qu'un médicament n'est jamais anodin, que ses effets indésirables sont indissociables de ses pouvoirs guérisseurs, et invoquent le fameux « rapport bénéfice/risque ». À deux jours de la remise du rapport de l'Igas, samedi, sur les dysfonctionnements à l'origine du scandale Mediator, une réforme du système semble inévitable pour restaurer sa crédibilité. Jean Marimbert, dans sa lettre de départ, propose quatre pistes : élargir le système d'évaluation aux associations de patients, être davantage à l'écoute des « positions dissidentes » qui s'expriment sur tel ou tel médicament, mieux encadrer les conflits d'intérêts et améliorer les outils de suivi des risques des médicaments (la pharmacovigilance).

Dossier complet à lire dans la Tribune de ce jeudi 13 janvier 2010.

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