Le Téléthon va fabriquer des médicaments

Cas unique au monde, l'Association française contre les myopathies a obtenu l'autorisation de fabriquer des médicaments. GSK et Mérieux sont intéressés.
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C'est un laboratoire pharmaceutique dont on ne parle pas, et pourtant, il vient d'investir 28 millions d'euros à Évry (Essonne) dans des locaux flambant neufs, et entame pas moins de cinq essais cliniques sur des maladies rares. Généthon Bioprod est le "bras armé" de l'Association française contre les myopathies (AFM), plus connue, elle, grâce au Téléthon qu'elle organise chaque année en décembre. "Nous sommes la première association à but non lucratif à avoir obtenu le statut d'établissement pharmaceutique, en février dernier" se félicite la présidente de l'AFM, Laurence Tiennot-Herment.

À Évry seront produits dès 2012 des lots de médicaments pour des essais cliniques de phase I et II, pour des pathologies neuromusculaires comme la myopathie de Duchenne, mais aussi des maladies rares du système immunitaire, de la rétine ou du foie. "Nous visons une vingtaine de lots par an pour des essais de 15 à 20 personnes chacun, en Europe et aux États-Unis", détaille Frédéric Revah, directeur général de Généthon. Cette initiative, unique au monde, est l'aboutissement d'un marathon de vingt-quatre ans pour l'AFM.

Marchés de niche

"Les 6.000 maladies rares touchent 3 millions de personnes en France et 30 millions en Europe, des marchés souvent trop petits pour les laboratoires traditionnels", indique Frédéric Revah.

Contrairement à Genzyme, la biotech rachetée par Sanofi, dont les traitements (protéines recombinantes) doivent être administrés pendant des années au patient, le Généthon pratiquera une "chirurgie du gène", dans le but de remplacer le gène déficient. Une technique complexe et donc très coûteuse : de 400.000 à 500.000 euros par lot clinique.

C'est bien là que le bât blesse. "Nos besoins financiers s'élèvent à un milliard d'euros pour les six prochaines années, a chiffré le cabinet Bionest", explique Laurence Tiennot-Herment. Pour l'heure, le Généthon est doté d'un budget de 30 millions d'euros par an, financé à 90% par les fonds récoltés lors du Téléthon (90 millions d'euros au total en 2010). "Mais le besoin de relais de croissance des grands laboratoires joue en notre faveur" veut croire Frédéric Revah.

Le britannique GSK l'a compris : il a créé depuis février 2010 une unité maladies rares et commercialise plusieurs médicaments orphelins (Revolade contre un trouble hémorragique, Atriance dans la leucémie...). La filiale française du groupe vient de commencer un essai de phase I/II pour la myopathie de Duchenne en partenariat avec le Généthon. "Se rapprocher de l'AFM aurait un sens. Un second contact est maintenant en cours au niveau de notre maison mère", indique Soizic Courcier, directrice médicale et des affaires réglementaires.

Même intérêt à l'Institut Mérieux, avec lequel le Généthon participe depuis 2006 au programme Adna, un consortium financé par Oséo (à hauteur de 2-3 millions pour le Généthon) qui implique aussi Biomérieux et Transgène. Objectif : identifier des biomarqueurs, des outils de diagnostic des maladies rares. "Nous n'excluons pas des accords plus poussés dans le futur", avoue Philippe Cleuziat, directeur des programmes d'innovation à l'Institut Mérieux.

L'AFM, elle, se veut vigilante. "Notre but est que les médicaments aillent au patient le plus vite possible. Mais nous souhaitons rester un outil d'intérêt général au service de la France" souligne Laurence Tiennot-Herment. Un appel auquel le premier laboratoire tricolore, Sanofi-Aventis, ne semble guère réceptif. "Nous n'avons pas de partenariat avec l'AFM et pas de projets pour en nouer" se contente-t-on de répondre au siège parisien du groupe.

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