Le désastre PIP prend une dimension internationale

Partie de France, l'affaire des prothèses mammaires défectueuses prend une dimension mondiale tandis que l'étau se resserre autour des dirigeants de l'entreprise à l'origine des implants incriminés, portés par des centaines de milliers de femmes.
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Le nombre de personnes concernées par les produits fabriqués par la société française Poly Implant Prothèse (PIP) est estimé à 30.000 en France, 30.000 à 40.000 en Grande-Bretagne et environ 300.000 dans le monde, dont beaucoup en Amérique latine.

Le gouvernement français a reconnu vendredi le caractère inflammatoire des prothèses et recommandé aux femmes qui en portent de les faire retirer à titre préventif.

L'opération sera remboursée par la Sécurité sociale, qui limitera en revanche la prise en charge d'une nouvelle chirurgie réparatrice aux femmes ayant souffert d'un cancer.

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a dit samedi son intention de porter plainte, sans doute contre X, pour "tromperie aggravée et escroquerie", estimant avoir été abusée quant au caractère non conforme des prothèses incriminées.

"Nous demandons au juge de clarifier l'étendue de la tromperie. Nous pensons qu'il y a tromperie dès la première opération", a déclaré à France Info le directeur de la Cnam, Frédéric Van Roekeghem.

"Le gel n'était pas conforme, d'après les premières enquêtes effectuées par l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé-NDLR), aux spécifications des produits sur la base desquels nous nous sommes fondés pour assurer le remboursement", a-t-il expliqué.

AFFAIRE DE GROS SOUS

Le ministre français de la Santé, Xavier Bertrand, a insisté sur le volet judiciaire de cette affaire et l'importance de poursuivre le fondateur de la société, Jean-Claude Mas.

"Il est évident qu'il faut le retrouver, lui, et celles et ceux qui ont eu un intérêt dans cette société. Il faut qu'ils répondent de leurs actes", a dit le ministre sur Europe 1.

"Derrière, il y a une sombre affaire de gros sous", a-t-il ajouté. "En ne mettant pas le produit prévu, ils ont cherché à se faire de l'argent, c'est la pire des choses, sur la santé des femmes."

Les prothèses incriminées étaient fabriquées avec du "gel maison", a rapporté Eric Mariaccia, ancien délégué CFDT de l'entreprise PIP, qui employait quelque 120 personnes avant sa mise en liquidation l'an dernier.

"Le gel silicone incriminé a été créé et fabriqué chez nous, à PIP. C'était un gel maison", a-t-il dit à Reuters.

Il était selon lui difficile de savoir que les prothèses étaient potentiellement dangereuses pour la santé. "Il aurait fallu être chimiste pour s'apercevoir de quelque chose", dit-il.

Un avis que ne partage pas un ancien technicien de PIP cité en août dernier par le quotidien Var Matin, selon qui le "faux gel" était fabriqué à partir d'une "huile de silicone alimentaire et industrielle" bon marché.

Un fût de 200 kg de gel médical coûte "60 dollars, contre 10 dollars pour la même quantité d'huile industrielle", expliquait-il. "Le gel médical ne coule pas, il reste sur lui-même. Au contraire, le 'faux gel' était comme de l'eau savonneuse."

Les yeux se tournent désormais vers Jean-Claude Mas, 72 ans, l'ancien président du conseil de surveillance de PIP.

"Les principaux responsables ne sont pas les salariés mais les dirigeants, notamment les quatre qui étaient liés à la production des prothèses et donc responsables de leur qualité. Même eux aujourd'hui doivent être dépassés", dit Eric Mariaccia.

INTERPOL

"Les locaux ont été saccagés après la liquidation de la société, mais c'était ciblé. Des documents ont par exemple disparu dans certains bureaux, pas dans d'autres", raconte-t-il.

Selon leur avocat, les anciens cadres de PIP ne sont pas en fuite et répondront à une éventuelle convocation de la justice.

"Ni M. Mas, ni M. Couty (l'ex-président du directoire-NDLR), que j'ai eus tous deux ces derniers jours au téléphone, ne sont en fuite en Amérique du Sud ou au Luxembourg. Il sont et resteront dans le département du Var", a dit à Reuters Me Yves Haddad.

Interpol a précisé samedi avoir reçu une demande du Costa Rica concernant Jean-Claude Mas, mais dans une affaire totalement distincte, liée à une conduite en état d'ivresse présumée en 2010.

Sur le site internet de l'organisation internationale, on peut voir une photographie de l'homme barbu aux cheveux blancs, portant des lunettes.

"M. Mas était officiellement en retraite. Il était quand même très présent, c'était lui qui donnait les directives et M. Couty s'occupait du fonctionnel. Plus personne ne les a croisés depuis la liquidation de la société", raconte Eric Mariaccia.

Selon l'ancien délégué syndical, Jean-Claude Mas n'a pas commencé sa carrière dans la charcuterie, comme l'ont laissé entendre certains médias.

"A ma connaissance, M. Mas n'a pas été charcutier. Il a été représentant en vins et a aussi travaillé dans le milieu de la pharmacie. Cela faisait trente ans qu'il s'occupait de prothèses."

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Commentaires 4
à écrit le 27/12/2011 à 17:53
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Moi je voudrais savoir comment l'on peut fabriquer des prothèses pour humain sans le controle d'un pharmacien ou d'un medecin duement inscrit à l'ordre, et juridiquement responsable? Quant-à l'AFSSAPS, la situation de collusion politique, laboratoir...

à écrit le 27/12/2011 à 14:21
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"Il aurait fallu être chimiste pour s'apercevoir de quelque chose". Il n'y a pas de chimiste à l'Afssaps ? C'est normal de ne jamais contrôler une production et la qualité de ses matières premières (ne serait-ce qu'en présentant les factures) ? Que f...

le 27/12/2011 à 22:10
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a

à écrit le 25/12/2011 à 12:45
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Il y a longtemps que je pense qu'il n'y a pire gangsters que ceux qui transigent avec la santé des gens.

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