Ce qui a plombé l'emploi dans le secteur pharmaceutique

Le nombre de salariés dans les entreprises du médicament en France a reculé de 0,1% seulement en 2015. Mais entre 2007 et cette année-là, la chute de la masse salariale atteint les 10%. En cause, la suppression massive des postes de visiteurs médicaux, et dans une moindre mesure, une diminution du nombre de postes en R et D.
Jean-Yves Paillé
Les effectifs en R&D (temps pleins) atteignaient un pic en 2007 avec 23.586 salariés. Ils ont régulièrement baissé depuis passant à 20.500 personnes employés en 2013.

Souvent alarmiste dans ses déclarations sur la situation de l'industrie du médicament, le principal lobby pharmaceutique français (le Leem) a légèrement changé de ton, lors de la publication de l'enquête "Emploi annuel des entreprises du médicament". Le document publié jeudi 16 février évoque une "érosion des effectifs qui marque le pas" pour "la première fois depuis dix ans". Selon le Leem, la France employait 98.690 salariés au 31 décembre 2015, en recul de 0,1% sur un an.

Mais en 2007, le Leem en comptait 108.668, soit 10% de salariés en plus. En 2015, le nombre dd'employés dans l'industrie pharmaceutique française était quasi-équivalent à celui de 2001 (98.700).

11.500 visiteurs médicaux de moins depuis 2004

La principale cause de cette diminution est la suppression de postes de visiteurs médicaux. Patrick Errard, président du Leem, expliquait il ya quelques mois que "les trois-quarts des suppressions d'emplois concernaient des visiteurs médicaux en 2015". Entre 2004 et 2011, ils sont passés de 24.000 à 18.000. Et 2015, ils étaient 11.500 de moins qu'en 2004, précise le lobby pharmaceutique. De grands laboratoires français ont fait le "ménage" ces dernières années. Chez Servier en 2015, plus de 600 emplois concernant des visiteurs médicaux ont été supprimés. Le laboratoire s'est dit amené à "repenser le périmètre des activités de la visite et de promotion médicale".

Pour le Leem, c'est la conséquence de "la vaste réforme des métiers de la visite médicale initiée en 2004". Cette année-là, une charte de la visite médicale a été créée pour remettre en cause certaines pratiques des visiteurs médicaux. Une nouvelle version a été signée en 2014, entre le Leem et le Comité économique des produits de santé (CEPS). La réglementation s'était déjà durcie depuis le 4 mars 2002, en réduisant les possibilités données aux visiteurs médicaux. À partir de cette année-là, ils ne pouvaient plus remettre à un médecin un présent d'une valeur supérieure à 30 euros instaurée. Et dès 2008, ils n'étaient plus autorisés à remettre le moindre objet à un praticien, même de très faibles valeurs ni des échantillons de médicaments, sans que cela empêcher toutefois la signature de contrats dans le domaine de la recherche ou dans le cadre de colloques.

Les suites de l'affaire Mediator semblent aussi avoir une nouvelle fois poussé les labos pharmaceutiques à réduire la voilure dans cette profession. En 2011, la réforme du système de médicaments de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé a effectué une petite remise à plat du fonctionnement des visiteurs médicaux. Elle a abouti en 2013 à un décret poussant à rendre public les cadeaux des labos pharmaceutiques aux professionnels de santé, en diffusant le nom de ces derniers. Par ailleurs, les visites médicales dans les établissements de santé ont été de plus en plus encadrées. Elles doivent désormais se faire collectivement, avec traçabilité et prise de rendez-vous, des règles spécifiques concernant les contacts avec les internes.

Comme l'analysait en 2015 Quentin Ravelli, membre du Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société, l'affaire Mediator a accru la défiance de nombreux médecins qui pour beaucoup ont fermé leurs portes aux visiteurs médicaux. Il estime également que les labos pharmaceutiques visent en priorité les meneurs d'opinions du monde médical. Autre point: le virage numérique, et le développement de la visite numérique à distance. Des sociétés comme Direct Medica ou Kadrige iDetailing se développent dans ce secteur. Ainsi, ce métier a aussi tendance à s'externaliser

Quelques baisses d'effectifs dans la recherche

On note également quelques diminutions du nombre de postes dans la R et D ces dernières années, une autre cause de la baisse des effectifs des sociétés pharmaceutiques dans l'Hexagone. Le Leem estime que la recherche a été peu impactée par des suppressions d'emplois, mais reconnait toutefois "un transfert des activités de R et D vers des pays plus attractifs".

Les effectifs en R et D (temps pleins) atteignaient un pic en 2007 avec 23.586 salariés. Ils ont régulièrement baissé depuis tombant à 20.500 personnes employées en 2013, rapporte le Leem en septembre.

Cela s'explique par des restructurations, comme celle de Sanofi en 2012 qui a  entrainé la suppression de 900 postes en R et D. Deux ans plus tard, le groupe a choisi de renforcer sa R et D en Chine, en ouvrant un centre de recherche à Shanghai.

Jean-Yves Paillé

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