Résistance aux antibiotiques : l'ONU mobilise "les gouvernements à tous les niveaux" (OMS)

L'Assemblée générale des Nations unies se réunit le 21 septembre afin de discuter des mesures à prendre pour lutter contre la menace grandissante de l'antibiorésistance. Marie-Paule Kieny, sous-directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les systèmes de santé et l'innovation, revient sur l'importance de ce meeting et égrène les mesures à mettre en place pour éviter une catastrophe sanitaire mondiale. Interview.
Jean-Yves Paillé
"Nous prônons également un moratoire sur la diminution de l'utilisation d'antibiotiques dans l'élevage", explique Marie-Paule Kieny.

LA TRIBUNE - Pourquoi est-il urgent de s'attaquer à la résistance aux antibiotiques ?

MARIE-PAULE KIENY - Nous nous apercevons que la résistance des microbes aux antibiotiques est en train d'augmenter dans le monde. Elle avait été prédite par les inventeurs des premiers antibiotiques. Aujourd'hui, nous faisons face à une accélération de ce phénomène. La plupart des gens peuvent vous dire qu'ils connaissent quelqu'un ayant eu des problèmes d'infections, une personne qui dû être traitée avec plusieurs couches d'antibiotiques, car les premiers n'avaient plus l'effet escompté.

De plus en plus d'infections deviennent intraitables, on doit isoler les gens. Cela devient de plus en plus visible, quel que soit le pays. C'est le cas en particulier des infections urinaires, des pneumonies, des infections du sang, des gonorrhées (infection sexuellement transmissible, NDLR). Nous faisons face à des bactéries résistantes ou multirésistantes.

Si nous laissons cette situation continuer son cours, nous compterons jusqu'à dix millions de morts de maladies infectieuses à horizon 2050. Il y a également des conséquences économiques. En 2050, les coûts directs et indirects de la résistance aux agents antimicrobiens pourraient grimper à 100.000 milliards de dollars, soit 2 à 3,5% du PIB au niveau mondial.


L'Assemblée générale des Nations unies convoque une réunion sur la résistance aux agents microbiens le 21 septembre. Quelles avancées attendez-vous à l'issue de cette réunion ?

Le but de cette réunion à New York est de mobiliser d'autres secteurs que la santé. Elle est censée sensibiliser les autres ministères dans le gouvernement, en particulier celui qui s'occupe de l'agriculture. L'utilisation d'antibiotiques dans la médecine vétérinaire ou comme facteur de croissance pour l'élevage est excessive et doit être réduite. La volonté de l'ONU est de mobiliser les gouvernements à tous les niveaux.

Nous espérons un accord pour la réduction de l'utilisation des antibiotiques, un engagement de chaque pays pour mettre en place un plan national sur la résistance microbienne. Il faut prendre des mesures de conservation de certains antibiotiques, et voir de quelle façon nous pouvons parvenir à une utilisation différenciée en médecine animal et en médecine humaine.

Nous prônons également un moratoire sur la diminution de l'utilisation d'antibiotiques dans l'élevage. La Norvège, par exemple, vaccine les saumons et évite ainsi de les traiter aux antibiotiques. Ce type de comportement doit se développer dans autres pays pour les porcs, les poulets, etc.


Le modèle de l'élevage qui prévaut actuellement serait fortement chamboulé...

Oui, le rendement des élevages sera moins important avec la diminution de l'utilisation des antibiotiques. C'est pour cela qu'il faut accompagner ce changement par une prise de conscience des populations de manger moins de viande. Cette démarche s'associe à la lutte contre l'obésité en primant le choix de la qualité de l'alimentation sur la quantité.


Les laboratoires pharmaceutiques ont-ils un rôle à jouer ? Ces derniers sont peu actifs dans le développement de nouveaux traitements...

Il y a un «désert» de nouvelles découvertes depuis des décennies. D'une part, parce qu'il est de plus en plus difficile techniquement et scientifiquement d'en faire. Beaucoup de cibles pour les antibiotiques ont déjà été identifiées, beaucoup de molécules ont été développées pour les cibler. Il faut donc trouver de nouvelles voies de recherche de cibles et ce n'est pas évident.

D'autre part, il n'y a pas beaucoup d'intérêt financier pour l'industrie de se focaliser sur les antibiotiques : ils sont vus par la population et le gouvernement comme des médicaments peu chers, beaucoup moins onéreux que les anticancéreux par exemple. Nous avons vu dans le passé, et encore aujourd'hui, que les nouveaux antibiotiques développés ont une durée d'activité faible. Dès qu'un nouvel antibiotique apparait, il est utilisé de façon abusive ; la résistance se développe ; la molécule n'est plus utile ; l'industrie ne peut donc plus le vendre.


L'OMS évoque une prime pour "récompenser les efforts de mise au point de nouveaux traitements"...

Pour encourager l'industrie à investir, l'OMS sera chargée de travailler avec le secteur vétérinaire et le secteur de l'agriculture pour proposer un cadre de préservation des antibiotiques et des futures molécules afin de stimuler la recherche.

Cela pourrait être un cadre amenant à de nouveaux investissements financiers dans la recherche, avec des engagements des pays riches à payer celle-ci et aider les pays pauvres à accéder à ces molécules en cas de besoin.

En contrepartie, les pays les plus pauvres s'engageraient à ne pas produire ces médicaments sous forme générique. Ils pourraient également interdire la vente de ces traitements sur les marchés, confiner la distribution d'antibiotiques à des cadres hospitaliers, interdire la vente d'antibiotiques au détail. Un autre engagement potentiel serait la non-application d'antibiotiques vétérinaires ou agricoles.

La résistance aux antibiotiques est un problème mondial, ce n'est pas juste un problème de l'OCDE. Si l'Europe parvient à réduire la consommation d'antibiotiques et l'éliminer dans l'alimentation, ce sera très bien. Mais si le mouvement n'est pas suivi dans les autres pays, la résistance continuera. Aujourd'hui, dans certaines maternités en Inde les antibiotiques sont utilisés de façon massive, par exemple...


Les nouvelles technologies peuvent-elles un moteur de la lutte contre la résistance microbienne ?

Le big data a beaucoup d'avenir, mais il est fonctionne là où il y a des données, ce qui est d'abord le cas des pays riches  Il peut servir à analyser les changements de comportements alimentaires sur la consommations des quantités de viande, à déterminer la fréquence des discussions avec certains mots-clés pour mesurer le degré de la sensibilisation de la population à la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Il est important de savoir ce qu'il se passe pour déceler les renversements de tendance, savoir où cela se passe et pour quelle raison.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 3
à écrit le 21/09/2016 à 18:40
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Mais bien sûr, les bactéries résistantes ne sortent jamais de l’hôpital. Ça c'est de la chance. Cette histoire de bactéries résistantes, on nous la sort depuis 30 ans maintenant. Il est clair que c'est complètement bidon. Ça (ainsi que le concept ...

le 21/09/2016 à 22:24
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Hé non malheureusement, c'est vrai, les bactéries sont de plus en plus résistantes aux antibiotiques. Ca se voit tu n'y connais rien en biologie. Tu avais combien de moyenne en Terminale en biologie qu'on rigole un peu ici ? Sais-tu que maintenant, i...

à écrit le 21/09/2016 à 13:50
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et cette brave ONU elle va se mobiliser quand contre l'obscurantisme atroce qui freine toute l'humanité ?

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