Nouveaux gisements pétroliers en France : NKM menace de bloquer les forages

Par latribune.fr  |   |  931  mots
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La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, veut suspendre tous les travaux d'exploration de gaz et de pétrole non conventionnels. Elle demande une étude sur l'impact environnemental avant tout forage.

Encore embryonnaire, l'exploration de pétrole et de gaz de schistes en France vient de subir un important revers. Dans un contexte de fronde croissante contre ce type d'exploitation, la ministre de l'Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet s'est en effet dit prête à mettre en oeuvre tous les "moyens légaux" pour qu'aucun forage ne débute avant qu'une mission interministérielle n'en évalue les enjeux environnementaux.

Inspirées par l'exemple américain, où les gaz de schistes pourraient représenter jusqu'à la moitié de la demande en 2030, selon Exxon, de nombreuses sociétés, souvent petites, ont demandé depuis quelques années en France de plus en plus de permis d'exploration pour y tester les technologies américaines. La française Toreador et son partenaire américain Hess, les plus avancés dans leurs projets, avaient obtenu l'autorisation de commencer leur exploration en forant le Bassin parisien au premier trimestre pour chercher du pétrole de schistes. Les autres sociétés détentrices de permis, comme Total à Montélimar, n'ont pour leur part pas encore demandé ou obtenu leurs autorisations de travaux.

Acceptable ou non ?

Mais les techniques de fracturation hydraulique, popularisées par la publicité négative qui leur a été donnée par le film américain "Gasland", nominé aux oscars, font peur. Présents de manière diffuse dans les roches peu perméables, gaz et pétrole de schistes sont en effet produits par injection à très haute pression d'eau, de sable et de produits chimiques le long de forages horizontaux qui peuvent mesurer deux ou trois kilomètres. L'opération, si elle est fructueuse, est répétée à quelques centaines de mètres, laissant un paysage hérissé de puits.

Début 2010 alors que le sujet des gaz non conventionnels échappait aux spécialistes, le vice-président de GDF Suez, Jean-François Cirelli, avait posé une question qui résumait bien cette problématique d'acceptabilité. "En arrivant à Dallas, vous pouvez voir des puits de gaz non conventionnels partout autour de l'aéroport. Pensez-vous qu'il soit possible de les voir près de Roissy ou d'Orly ?"

INTERVIEW Nathalie Kosciusko-Morizet : "Si on ne veut pas l'autoriser, on ne le fera pas"

La Tribune : Comment réagissez-vous face à l'inquiétude croissante autour des projets d'exploration d'hydrocarbures non conventionnels en France ?

NKM : L'exploitation des gaz de schistes a vu en Amérique du Nord des développements manifestement dégradants pour l'environnement en termes de paysage et parfois dangereux à d'autres titres. Vu leurs forts développements dans le monde, il y a donc lieu d'en faire une évaluation stricte. C'est pourquoi nous allons, avec Éric Besson, lancer une mission conjointe entre le conseil général de l'environnement et du développement durable et le conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies pour évaluer les enjeux autour des gaz et des huiles de schistes.

Les deux ingénieurs (sur les quatre) que je vais nommer au sein de cette mission sont un hydrogéologue et un spécialiste de la qualité de l'air et de la lutte contre le changement climatique, en écho aux deux enjeux local et global de ce sujet. J'ai demandé que la mission rende un rapport intermédiaire en avril et un rapport définitif en juin.

Des forages d'exploration de pétrole de schistes doivent bientôt débuter dans le Bassin parisien...

Nous allons réunir les industriels et utiliser tous les moyens légaux pour faire en sorte que les forages ne commencent pas avant que le travail environnemental tel que je le conçois, c'est-à-dire allant au-delà des procédures existantes, ait été mené. Sur les huiles de schistes, les contraintes légales sont fortes car des autorisations administratives de travaux (nécessaires après la délivrance du permis d'exploration, Ndlr) ont déjà été données.

Le précédent ministère a pourtant donné les autorisations d'exploration...

Ce qui a été fait l'a été dans les règles, la procédure du code minier a été respectée. Mais je pense qu'il y a eu une sous-évaluation des inquiétudes environnementales. Je trouve que le sujet a été insuffisamment exploré au moment où ces permis ont été attribués. Je rappelle qu'il ne s'agit aujourd'hui que d'exploration, pas d'exploitation. L'exploitation [qui requiert nouveau permis et enquête publique, Ndlr] n'est cependant aujourd'hui pas autorisée, rien ne nous y oblige, et si on ne veut pas l'autoriser, on ne le fera pas.

L'exploitation des gaz et pétrole non conventionnels repose sur une succession de forages, proches les uns des autres. Si l'on souhaite, à terme, les exploiter, il faudra bien en passer par là ?

C'est la façon dont cela a été fait aux États-Unis et c'est extrêmement contesté. Si on ne trouve pas d'autres solutions et que le seul moyen est de couvrir la terre d'un manteau de forage, ça ne sera pas possible chez nous. "No way."

Aux États-Unis, l'exploitation de gaz non conventionnels a permis de faire baisser le prix du gaz, de réduire la dépendance aux importations...

Les promoteurs du gaz de schistes avancent des arguments dont certains sont percutants. Par exemple, le fait que cela modifie l'équilibre géostratégique des producteurs de gaz et plutôt d'une façon positive. L'essentiel de notre consommation de gaz est importé. Si on parvient à exploiter cette production nationale dans des conditions environnementales satisfaisantes, alors pourquoi pas ? En revanche, s'il s'agit d'encourager l'augmentation de la consommation de gaz sur la durée, je m'interroge...