Electricité : il ne faut pas enterrer la concurrence

Par Daniel Fasquelle, député UMP, maire du Touquet, vice-président de la commission des affaires économiques.
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On entend en ce moment beaucoup de bêtises sur la concurrence et ses effets sur le marché de l'électricité. En résumé, beaucoup associent, à tort, ouverture à la concurrence avec augmentation des prix pour l'ensemble des Français. C'est une erreur grossière dans laquelle les opposants à la concurrence, par idéologie ou par intérêt, ont cherché à pousser les Français. Avec, il faut l'avouer, un véritable succès, accéléré par un climat regrettable de surenchère à gauche qui s'est installé sur les programmes économiques de nombreux partis au sortir des élections cantonales. Fin 2010, nous, parlementaires, avons adopté une loi importante : la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l'électricité).

Ce texte a pour vocation première de sortir d'une situation paradoxale : alors que, sous influence européenne, la France a décidé le 1er juillet 2007 d'ouvrir son marché de l'électricité à la concurrence, la coexistence de prix régulés et du maintien du monopole d'accès à l'électricité nucléaire (imbattable sur le plan des tarifs) à l'opérateur historique plaçait les nouveaux entrants en situation structurellement déficitaire.Les GDF Suez, Poweo et autres Direct Énergie ne pouvaient donc matériellement rivaliser avec EDF et proposer ce que la concurrence apporte toujours dès lors que l'égalité des armes est respectée : une baisse des prix, motivée par la volonté de gagner des parts de marché. Ou, à tout le moins, la garantie de la facture la plus basse possible pour le consommateur final, même si des éléments extérieurs impliquent une pression incompressible à l'augmentation globale des prix.

Ayons le courage d'affronter la vérité : nul ne peut ignorer que, aujourd'hui, les prix de l'énergie subissent des pressions exogènes à la hausse en raison, notamment, des demandes d'investissement dans la sécurisation du nucléaire après Fukushima ou des tensions dans les pays producteurs de pétrole. Mais si le prix de l'électricité doit augmenter à court terme, il augmentera d'autant moins et d'autant moins longtemps en situation de véritable concurrence. Surtout, la facture de chaque Français finira même par baisser car les concurrents vont naturellement être incités, pour convaincre les clients de leur faire confiance à eux, et non aux autres, à innover technologiquement, à leur apporter toujours plus de services et à leur proposer de nouveaux moyens d'économiser leur consommation d'énergie. Mais pour en arriver là, il ne faut pas stopper net le processus d'ouverture réelle à la concurrence et, au moment de le mettre en application, lui préférer la politique de l'autruche. Pourtant, on sent monter la tentation de reporter à janvier 2012 l'application de la mesure phare de la loi Nome (contraindre EDF à vendre un tiers de sa production d'électricité nucléaire aux nouveaux entrants à un tarif raisonnable - autour de 40 euros le mégawatheure - afin que leurs clients bénéficient tous des prix avantageux de l'électricité nucléaire). À quelques semaines de l'élection présidentielle, on peut déjà prédire qu'un nouveau report sera, à ce moment-là, décidé.

Reporter l'application de la loi Nome serait une erreur majeure. Ce qu'on verrait, avec une telle mesure, c'est un maintien de tarifs actuels (exagérément bas au regard des circonstances actuelles) pour les Français pendant quelques mois de plus ; mais ce qu'on ne verrait pas, c'est que les Français devront bien, un jour, payer le véritable prix de l'énergie qu'ils consomment et qu'alors, si la concurrence n'a toujours pas été mise en oeuvre et que les comportements des Français comme des opérateurs ne se sont pas adaptés au nouveau contexte de pression sur les prix, plus dure sera la chute.

Le principe de la loi Nome résulte, par ailleurs, d'un compromis - difficile à obtenir - avec Bruxelles. On semble oublier que celui-ci pourrait être remis en cause en cas de non-application immédiate de cette loi, ce qui menacerait directement le maintien du tarif réglementé à la vente d'électricité en France et ferait courir le risque d'une amende de plusieurs milliards d'euros sur la tête de nos industries qui, en ces heures de compétitivité fragile, n'ont pas besoin de cela. Il faut donc, pour tenir nos engagements européens, par respect pour la volonté populaire exprimée par le Parlement, et, surtout, pour permettre aux Français de bénéficier, à terme, de la meilleure facture possible pour leur consommation d'électricité, mettre en oeuvre avant la fin du mois d'avril cette loi et laisser, ensuite, la concurrence déployer ses vertus. Et si, comme c'est le cas aujourd'hui, des peurs collectives et des idées fausses émergent, notre devoir d'élus est de faire la pédagogie de nos réformes, et de les mettre en oeuvre avec conviction, certainement pas de leur tourner le dos.

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