La France blanchie dans l'affaire du nuage radioactif de Tchernobyl

Par latribune.fr  |   |  578  mots
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La seule personne mise en examen dans le dossier, le scientifique spécialisé dans le nucléaire, Pierre Pellerin, 88 ans, poursuivi pour "tromperie aggravée", est donc blanchi.

La justice française estime qu'il est impossible d'établir un lien scientifique entre la catastrophe nucléaire de Tchernobyl de 1986 et les affections constatées en France après le passage du nuage radioactif.

Après dix ans de procédure, la cour d'appel de Paris a ordonné mercredi un non-lieu dans l'enquête sur les possibles retombées de l'explosion du réacteur ukrainien en France du 30 avril au 5 mai 1986, notamment sur l'Est et la Corse.

La cour a suivi le parquet général.

La seule personne mise en examen dans le dossier, le scientifique spécialisé dans le nucléaire, Pierre Pellerin, 88 ans, poursuivi pour "tromperie aggravée", est donc blanchi.

Il était suspecté d'avoir caché des informations qu'il détenait sur la radioactivité amenée par le nuage, mais là encore le parquet, suivi par la cour, a écarté ce soupçon, estimant que l'existence d'un dommage n'est pas démontrée.

Bernard Fau, avocat des parties civiles, plusieurs centaines de personnes souffrant d'affections de la glande thyroïde - classiques en cas de contamination radioactive - a annoncé un pourvoi en cassation, avec très peu de chances d'aboutir.

"C'est une décision qui, du point de vue des victimes et de la société civile, va laisser un goût amer", a-t-il dit.

"On peut regretter qu'on n'ait pas permis au juge d'instruction d'achever elle-même l'instruction qu'elle avait commencé. Beaucoup auront l'impression que c'est une manière de faire sortir un grand dossier par une petite porte", a-t-il déclaré à des journalistes.

LA COÏNCIDENCE AVEC FUKUSHIMA

Fait rare, le parquet général a dépêché une porte-parole pour exprimer sa compassion avec les parties civiles.

"Le parquet général a une pensée pour ceux qui espéraient trouver dans cette procédure judiciaire une explication ou des responsabilités à leurs souffrances", a dit Solène Dubois.

Ella a souligné que dix ans d'enquête n'avaient cependant pas permis d'établir scientifiquement le lien entre les affections et le passage du nuage, ce qui rendait impossible techniquement toute poursuite pénale.

L'Observatoire du nucléaire, organisation écologiste, a dénoncé une décision "honteuse" et annoncé dans un communiqué que des manifestations antinucléaires auraient lieu partout en France le 15 octobre "pour exiger une sortie rapide du nucléaire et dénoncer le non-lieu de ce jour".

Ce litige judiciaire survient en pleine crise nucléaire au Japon, où les autorités sont mises en cause pour la gestion de l'accident en mars de la centrale endommagée par un séisme et un tsunami à Fukushima.

Ce dossier français de Tchernobyl ne s'est jamais apaisé car le gouvernement en place à l'époque de la catastrophe, dirigé par Jacques Chirac, avait été vivement mis en cause pour sa gestion de la crise, et même accusé par l'opposition d'alors d'avoir menti sur les possibles retombées du nuage.

Pierre Pellerin, directeur à l'époque du service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), l'une des administrations chargées de la question nucléaire, se voyait reprocher des déclarations publiques jugées lénifiantes, alors que l'instruction estimait avoir démontré qu'il était beaucoup plus alarmiste en interne.

Jacques Chirac et son ministre de l'Environnement Alain Carignon n'avaient pris aucune mesure préventive, comme l'interdiction de consommer des produits frais ou la distribution de pilules d'iode à la population, des options qui avaient été retenues en Allemagne.