Pourquoi BP a -t-il doté une filiale belge de 26 milliards d'euros de capital ?

Par Michel Lauwers (L'Echo - Bruxelles)  |   |  621  mots
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Le groupe pétrolier BP vient d'injecter 26,14 milliards d'euros dans sa filiale BP Services, un holding basé à Anvers. Pour BP, il s'agit d'un simple transfert de capital au sein du groupe et cela n'aurait rien à voir les intérêts notionnels. A vous de juger. Une exclusivité de notre partenaire belge, le quotidien l'Echo.

Le groupe pétrolier BP vient de procéder à une réorganisation de ses filiales de financement en Belgique. L'aspect le plus spectaculaire de cette opération qu'on nous assure purement interne est l'augmentation de capital qui a été effectuée chez BP Services, une filiale de type holding basée à Anvers: le 22 décembre, son capital a été porté de 793 millions à 26,93 milliards d'euros. Vous avez bien lu, il n'y a pas d'erreur de chiffre, l'augmentation porte bien sur 26,14 milliards d'euros. Elle a été réalisée par apport d'actions d'une autre filiale financière du groupe, BP Arobel. C'est une troisième filiale du géant britannique, BP Caplux, sise au grand-duché de Luxembourg, qui a apporté cette participation à BP Services en échange de nouvelles actions de cette dernière.

Pourquoi avoir procédé à cette très grosse opération financière? Au siège londonien du groupe, on nous renvoie au siège belge, où un porte-parole nous explique qu'il s'agit d'une réorganisation et d'un transfert de capital au sein du groupe. Pas moyen d'en savoir plus sur les raisons pour lesquelles il a été procédé à cette mesure. En tout cas, ajoute le porte-parole, "ceci n'a rien à voir avec les intérêts notionnels". On en prendra bonne note, tout en relevant quelques éléments interpellants...

BP Services a des activités de société holding, telles que la détention d'intérêts stratégiques du groupe BP, la gestion de participations et investissements de filiales, l'octroi de crédits à toute entreprise liée... Elle n'a pour ainsi dire pas de personnel et pas de chiffre d'affaires.

L'autre filiale belge impliquée, BP Arobel, a un profil comparable. Si elle était une filiale opérationnelle jadis, aujourd'hui elle a également des activités de type holding: services financiers, etc. Elle n'a pas non plus de personnel ni de chiffre de ventes.

Pour mieux comprendre ce qu'il se passe, il faut reculer un peu dans le temps. Le groupe BP a apporté un portefeuille de prêts à sa filiale BP Caplux, et cette dernière a elle-même relogé ce portefeuille dans BP Arobel en décembre 2010. Avec à la clé, déjà, une augmentation de capital correspondant à la valeur de ce portefeuille, c'est-à-dire à l'époque de 23,77 milliards d'euros.

C'est ce même portefeuille qui constitue l'essentiel de la valeur désormais relogée dans BP Services.

Du coup, cette dernière a pour 26,93 milliards d'euros de capital, ce qui lui donnera automatiquement droit (vraisemblablement via sa nouvelle filiale belge Arobel) à déduire un montant important en intérêts notionnels: au taux actuel de 3%, cela représente un potentiel de 808 millions d'euros, excusez du peu.

holding européen

Mais, encore une fois, "ce n'est pas l'objectif", affirme BP qui insiste sur sa réorganisation. Il est vrai que le groupe a aussi considérablement réaménagé ses filiales en Belgique et en Europe en 2010 et 2011. Ainsi la société belge BP Belgium, qui était l'actionnaire à 99% de BP Services, a été absorbée par la filiale allemande du groupe Deutsche BP AG il y a un an et demi. Les organisations nationales du groupe aux Pays-Bas, en Autriche et en Pologne ont été elles aussi absorbées par Deutsche BP la même année, puis BP Switzerland a suivi le même chemin l'an dernier. Et le nouvel ensemble ainsi fusionné a constitué BP Europa SE, une nouvelle société anonyme de droit européen. Objectif: "simplifier les structures juridiques, les activités de gouvernance d'entreprise et les procédures financières et fiscales internes", selon le site du groupe. Le "deal" BP Services s'inscrit donc dans ce contexte.

A retrouver sur le site l'Echo