Pour Michel Sapin, c'est clair et net. La question du maintien à son poste d'Henri Proglio, PDG d' EDF, se posera en cas de victoire de François Hollande à l'élection présidentielle, a-t-il affirmé lors d'un entretien accordé à Reuters. Chargé du programme présidentiel du candidat socialiste, Michel Sapin a expliqué que la prise de position d'Henri Proglio contre la sortie du "tout-nucléaire" pronée par le PS rendait sa position à la tête de l'entreprise publique délicate. "Est-ce que celui qui a expliqué que l'application du projet de François Hollande coûterait des centaines de milliards, grossissant les chiffres hors de proportion de la réalité, est le mieux placé en terme de crédibilité ?", s'est demandé l'ancien ministre des Finances.
Les arguments développés par Henri Proglio pour défendre le nucléaire en France - dont François Hollande souhaite réduire la part -, ainsi que la reprise par EDF des activités du fabricant français de cellules photovoltaïques Photowatt en pleine campagne électorale, ont placé le patron de l'électricien public dans une position délicate vis-à-vis du candidat socialiste. "La question est, est-ce qu'il faut rendre service à M. Proglio ?" en mettant fin à une situation difficile pour lui, a ironisé Michel Sapin.Ce dernier a toutefois répété que François Hollande n'entendait pas changer les patrons des entreprises publiques à son arrivée au pouvoir mais que le cas d' EDF était une exception.
L'entourage de Proglio soucieux de dissiper la menace
Ces déclarations de Michel Sapin reprennent les propos tenus par Manuel Valls le 23 février sur France Inter. « Le patron d'EDF qui fait campagne aujourd'hui aux côtés de Nicolas Sarkozy est-il tout à fait dans le respect de ce que doit être l'équilibre d'un haut fonctionnaire ou en tout cas d'un haut responsable nommé à la tête d'une grande entreprise ? » s'interrogeait alors le directeur de la communication du candidat socialiste pour la campagne présidentielle. « Non, son attitude me paraît tout à fait anormale », répondait-il.
Sauf qu'entre-temps, l'entourage de Henri Proglio s'était attaché à dissiper la menace. Notamment en faisant un large écho des rencontres prévues entre le PDG d'EDF et des responsables du PS comme Michel Sapin ou Pierre Moscovici. Egalement en rappelant le large soutien de la puissante fédération CGT de l'Energie à la filière nucléaire en général et au patron d'EDF en particulier. Le tout en minimisant le caractère antinucléaire de la politique énergétique de François Hollande. « On a bataillé pour faire passer par pertes et profits l'accord PS-Verts. Nous sommes partis de loin avec le projet initial de fermer 24 réacteurs », se félicite un membre de son équipe, en transpirant encore rétrospectivement. Enfin, l'entourage de Proglio ne se prive pas pour glisser négligemment que certains socialistes, comme Jean-Marie Le Gouen ou Claude Bartolone, « l'aiment bien ».
Anne Lauvergeon à la tête d'un EDF qui absorberait Areva ?
Le résultat de ce lobbying ne semble pas encore probant, à entendre Michel Sapin. Même s'il ne s'agit que de déclarations publiques de proches d'un candidat en pleine campagne présidentielle. « Il ne partira pas », s'exclame un industriel proche de Henri Proglio, « parce qu'il n'y a aucune raison de le virer. Il reste au contraire un rare élément de rationalité sur le sujet du nucléaire, avec un bon bilan industriel et syndical », affirme-t-il. « Henri Proglio ne leur facilitera pas la tâche », ajoute un conseiller du patron d'EDF. « S'il veut le faire partir, François Hollande devra en faire un symbole ou attendre un conflit ». En laissant entendre, qu'il pourrait attendre longtemps.
En attendant, précisément, le petit monde de l'énergie déploie des trésors de créativité pour imaginer tous les scénarios post-présidentiels possibles. Quitte à se faire peur. En commençant par le retour, annoncé avec des frissons, d'Anne Lauvergeon. A la tête d'un ministère de l'industrie, comme elle-même le laisse presque entendre dans une interview accordée cette semaine à L'Express ? A la tête d'EDF ? D'un EDF qui absorberait Areva en délicatesse financière, susurrent certains ? Mais non, croit savoir un habitué des couloirs du gouvernement, « Henri Proglio et François Hollande ont conclu un accord qui prévoit son maintien à la tête d'EDF pour douze ou dix-huit mois ». A suivre.
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