Au bord du gouffre, Uniper, plus gros client allemand de Gazprom, active son ultime ligne de crédit public

Par latribune.fr  |   |  644  mots
Klaus-Dieter Maubach, patron de géant allemand de l'énergie Uniper, lors de la conférence de 8 juillet dernier, lors de laquelle il appelait à l'aide l'État, réclamant un plan de sauvetage pour sauver l'entreprise et ses quelque 11.000 employés. (Crédits : Reuters)
Alors qu'il est privé de gaz russe, l'énergéticien allemand doit, pour honorer ses contrats, acheter du gaz sur le marché au comptant où les prix ont explosé. L'État allemand, qui juge l'entreprise de niveau systémique et veut à tout prix éviter un "Lehman Brothers de l'énergie", a annoncé un plan de sauvetage. Mais celui-ci se faisant attendre, le premier importateur de gaz russe est asphyxié par sa dette. Pire, l'opérateur doit puiser dans ses stocks d'hiver, considérés aujourd'hui comme des réserves stratégiques...

C'est sa dernière cartouche. Ne voyant toujours pas venir le plan de sauvetage de l'État qu'il a réclamé il y a dix jours, l'énergéticien allemand, asphyxié par l'arrêt des livraisons de gaz russe, a dû activer lundi une ligne de crédit de 2 milliards d'euros octroyée par la banque publique allemande KfW. Sa dernière ligne de crédit...

« Uniper a utilisé aujourd'hui la facilité de crédit existante de la KfW d'un montant de 2 milliards d'euros, et (en) a ainsi épuisé la totalité », a indiqué dans un communiqué l'entreprise. "Avec cette mesure, Uniper réagit aux interruptions continues de l'approvisionnement en gaz russe et aux évolutions qui en découlent sur les marchés de l'énergie", a-t-elle ajouté.

Privé de gaz russe, l'énergéticien perd "des dizaines de millions" par jour

En Allemagne, Uniper est le premier importeur de gaz russe : il est aussi de manière assez évidente, le premier client du producteur russe Gazprom. Frappé de plein fouet par la réduction depuis mi-juin des livraisons russes, l'énergéticien allemand a un besoin urgent de liquidités.

En effet, pour servir ses clients et honorer ses contrats, le premier importateur et stockeur de gaz en Allemagne est obligé de se procurer du gaz sur le marché comptant où les prix ont explosé. Le groupe perd par conséquent des "dizaines de millions d'euros" chaque jour, selon son PDG, Klaus-Dieter Maubach.

Le premier importateur et stockeur de gaz en Allemagne, s'était vu accorder cette facilité de crédit en janvier, avant la guerre en Ukraine, mais ne l'avait pas encore utilisée.

C'est désormais chose faite et l'entreprise réclame désormais une "nouvelle ligne de crédit KfW" et une prise de "participation importante" de l'Etat dans son capital, a détaillé Uniper lundi dans un communiqué. Autre mesure réclamée par Uniper :  pouvoir "répercuter la hausse des coûts d'approvisionnement" sur ses clients, afin de "compenser (ses) pertes".

Le gouvernement allemand, qui s'est engagé à sauver l'entreprise, a entrepris des négociations avec l'énergéticien... qui tardent à aboutir.

Uniper puise dans ses stocks d'hiver, des réserves aujourd'hui stratégiques

Car il y a urgence : pour faire face, l'entreprise a même commencé la semaine dernière à puiser dans ses stocks de gaz, initialement prévus pour l'hiver. Des stocks désormais considérés comme des réserves stratégiques

Conséquence : le taux de remplissage des cuves allemandes baisse depuis quelques jours de 64,9% le 12 juillet à 64,6% lundi, alors que le pays est censé au contraire reconstituer ses réserves.

Epineuses discussions avec l'actionnaire étatique finlandais

Le gouvernement assure qu'il ne "laissera pas" Uniper faire faillite craignant des effets en cascade comparables à un "Lehman Brothers" de l'énergie.

Les médias allemands évoquent une entrée de l'Etat à hauteur de 25% voire 30% du capital.

Mais les discussions coincent entre Berlin et l'actionnaire majoritaire de Uniper, le finlandais Fortum, détenu à environs 51% par l'Etat finlandais.

Berlin souhaiterait que le groupe scandinave participe lui aussi au plan de sauvetage. Fortum demande quant à lui à ce que le groupe soit restructuré, regroupant les activités à risque dans une "société d'approvisionnement sous la propriété du gouvernement allemand".

Une rencontre a eu lieu jeudi entre la ministre finlandaise des affaires européennes Tytti Tuppurainen et le vice-chancelier Robert Habeck à Berlin pour débloquer la situation.

Les Verts sourcilleux sur l'usage de l'argent des contribuables

Une prise de participation de Berlin fait également grincer des dents au sein de la coalition au pouvoir, notamment chez les Verts, alors que Fortum est actif dans le nucléaire.

L'argent des contribuables allemands ne doit pas être "mal utilisé", a ainsi déclaré le député écologiste Anton Hofreiter.

Une décision est attendue avant la fin du mois, selon le ministère de l'Economie.