Boudé par l’Europe, le bioéthanol français a le vent en poupe

Forts d’un succès qui se confirme sur fond de désamour pour le diesel, les professionnels français du bioéthanol jugent d’autant plus infondé le projet de directive européenne visant à réduire le recours aux biocarburants de première génération.
Dominique Pialot
Le bioéthanol français est fabriqué à partir de betteraves, de blé et de maïs

Accusé d'être responsable d'une part importante de la pollution aux particules fines et au centre du scandale déclenché par Volkswagen, le diesel, carburant favori des Français depuis plus de dix ans, a de moins en moins la cote. L'amenuisement du différentiel de fiscalité avec l'essence, qui lui est historiquement très favorable, ne risque pas d'arranger les choses. Résultat, alors que les ventes de véhicules diesel ont atteint un plafond en 2008, celles de gazoil commencent à baisser. A l'inverse, après une dégringolade de 40% entre 2004 et 2014, l'essence rebondit, avec une hausse de 2,7% en 2016.

Croissance dans toutes les catégories

Et ce n'est probablement qu'un début, car d'autres mesures fiscales devraient accentuer le mouvement, telles que la récupération de la TVA sur les véhicules d'entreprise à motorisation essence, qui doit en cinq ans passer de zéro à 80%.

Cette évolution profite aux carburants à base de bioéthanol, se réjouissent les professionnels de la filière. Le SP 95-E10, une essence qui en contient jusqu'à 10%, plus économique que le sans plomb standard et compatible avec 97% du parc essence en circulation, devrait devenir en 2017 l'essence la vendue. Sa part de marché est déjà de 35,5%. Le superéthanol E85 (qui contient 85% de biotéhanol et nécessite une motorisation particulière) a connu une croissance de 11% en 2016 et un déploiement de son réseau de distribution, qui compte aujourd'hui près de 900 stations. L'homologation de boîtiers « flexfuels » devrait permettre d'accroître encore le parc compatible avec l'E85, qui s'établit aujourd'hui à 31 000 véhicules. Quant au ED95, composé de 95% de bioéthanol et autorisé à la vente depuis janvier 2016, il est réservé aujourd'hui aux autobus, autocars et autres camions de transport, et reconnu « véhicule à faibles émissions » par la loi pour la transition énergétique.

La France premier producteur européen

Premier producteur européen, la France exporte 30% de ses 19 millions d'hectolitres annuels à partir de betteraves (50%), maïs (17%) et blé (33%), dont les coproduits servent à fabriquer de la nourriture animale. Ces cultures occupent environ 1% des surfaces agricoles hexagonales, une proportion stable depuis dix ans.

« Les Français sont 73% à plébisciter les biocarburants », se réjouit Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA), membre de la Collective du bioéthanol.

Mais sans doute ne sont-ils pas au fait des différents types de biocarburants.

Car ceux dont il est question ici sont des biocarburants dits "de première génération", produits à partir de denrées alimentaires. Sujets à débat depuis des années, ils ne sont plus en odeur de sainteté à Bruxelles, comme en témoigne le dernier projet de directive 2 sur les énergies renouvelables. En 2003, une directive de promotion des biocarburants leur avait fixé un objectif indicatif d'incorporation aux carburants fossiles de 5,75% pour 2010. La première directive sur les énergies renouvelables de 2009 prévoyait 10% d'énergies renouvelables dans les transports en 2020, un objectif que les professionnels avaient tôt fait de traduire par 10% de biocarburants intégrés à l'essence. Or ce dernier projet dévoilé début décembre, propose de ramener ce taux à 3,8% en 2030.

Le sujet du changement d'affectation des sols indirect (CASI), qui selon plusieurs études rendrait les carburants de première génération plus émetteurs de gaz à effet de serre que les énergies fossiles, a suscité un long débat entre les professionnels et la Commission. Un compromis avait finalement été trouvé au printemps 2015 autour de l'objectif de 7% d'incorporation à l'horizon 2020. La moyenne française s'établit déjà à 7,5%, la différence provenant de produits non concernés par le plafonnement tels que les résidus viniques ou l'amidon résiduel du blé.

Deux milliards d'euros investis dans la première génération

Mais la filière, qui a investi deux milliards d'euros dans ses installations industrielles, ne l'entend pas de cette oreille. « Nous ne comprenons pas cet acharnement alors qu'un compromis avait été trouvé, et en l'absence de tout nouvel élément », s'offusque Nicolas Riallaud, de la CGB (Confédération Générale des planteurs de Betteraves). Pointant la maturité technologique insuffisante des biocarburants de deuxième génération (fabriqués à partir de produits non alimentaires) et donc leur incapacité à prendre la relève dans les prochaines années, il dénonce ce qui serait selon lui un signal envoyé aux carburants fossiles, contradictoire avec les objectifs européen du paquet climat-énergie. Surtout, les professionnels souligne le poids de la filière en termes d'emplois et d'impact sur l'agriculture, des arguments dont ils sont persuadés qu'ils convaincront le Parlement et le Conseil de faire reculer la Commission européenne.

Dominique Pialot

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Commentaires 7
à écrit le 30/01/2017 à 1:07
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jusqu a s qu on dise un jour que l essence est aussi dangereux que le diesel voir plus...mais au fait avez déjà ressenti des nausées en roulant derrière une vieille voiture essence ou un scooter?

à écrit le 29/01/2017 à 17:23
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Ben ça les embête de ne pas pouvoir taxer les carburants bio alors que c'est un débouché pour les agriculteurs incapables de se sortir de l'agro-industrie comme cela existera toujours. Puis ça concurrence le pétrole et quand on connaît la puissan...

à écrit le 29/01/2017 à 7:52
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Un lobby qui râle, encore un...il existe déjà les biocarburants de deuxième génération fabriquée à partir de la bio masse non alimentaire (les déchets verts et le bois pour faire simple) et on recherche la troisième (algue , levure, bactérie). Faut v...

à écrit le 29/01/2017 à 0:02
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Il faut être sérieux et l'Union européenne a raison contrairement aux lobbies : 1) Le rendement de la photosynthèse est dérisoire à peine quelques % 2) ensuite les étapes de la transformation en agrocarburants font encore baisser le bilan 3)...

à écrit le 28/01/2017 à 23:27
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Ce que l'on oublie de dire c'est que le bioéthanol est polluant au même titre que les autres carburants et de plus l'on va polluer des champs aux pesticides, fongicides,et désherbants sélectifs, et en addition les boues d'épurations chargées de métau...

le 29/01/2017 à 22:15
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Le vrai problème reste surtout qu'on produira moins de nourriture pour produire plus d'essence bio... Alors que la récupération des gaz au dessus des étables et des silos n'est même pas pensé... Demain les riches rouleront en payant de l'essence très...

à écrit le 28/01/2017 à 16:36
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" Nous ne comprenons pas cet acharnement..." C'est pourtant simple, il n'y a rien à comprendre, sauf que l'UE est une dictature !

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