Comment le Grand Paris finance sa transition énergétique

Le Grand Paris, première région économique française, doit accélérer sa transition énergétique tout en faisant face à la croissance de ses besoins.
Les besoins en énergie de la Métropole pourraient atteindre prochainement 4.000 mégawatts, l'équivalent de la production de trois centrales nucléaires !

La région Île-de-France ne produit que 11% de l'énergie qu'elle consomme, dont seulement 6 % est d'origine renouvelable : « Notre objectif est d'aller vers, a minima, 25 % de production régionale à l'horizon 2030. Agriculture, transport, formation professionnelle : tous les axes de la politique régionale sont concernés. Nous avons un travail colossal de coordination et de transversalité à réaliser », explique Jean-Philippe Dugoin-Clément, nommé le 18 octobre dernier vice-président chargé de l'Écologie et du Développement durable. La Région, qui organisera des Assises de l'Énergie le 27 novembre en présence de Valérie Pécresse et des élus, va donc présenter un nouveau plan régional de l'énergie (PRE) afin d'accélérer la transition de la première région économique française : « Nous voulons sortir des idées préconçues et entrer dans des logiques pragmatiques pour que la région soit exemplaire en la matière. Le plan climat mettra en cohérence notre action pour réduire massivement les gaz à effet de serre et augmenter la production régionale », assure Jean-Philippe Dugoin-Clément, qui est aussi maire (UDI) de Mennecy (Essonne). La région « veut innover : on a un tissu qui le permet. Des entreprises, des startups, des pôles d'excellence... Nous avons tout pour être la région de l'expérimentation. »

Mise en cohérence des réseaux de distribution

Un travail colossal, qui devra être coordonné avec le Plan climat énergie métropolitain (PCAEM) que la Métropole du Grand Paris (MGP) doit élaborer de son côté en cohérence avec ceux des douze établissements publics territoriaux de son périmètre, avant le conseil métropolitain du 8 décembre. « Les choses avancent bien », assure le maire (PS) des Lilas Daniel Guiraud, vice-président de la MGP chargé de la Stratégie environnementale et du Développement des réseaux énergétiques. L'un des enjeux est de mettre en cohérence les réseaux de distribution d'électricité, de gaz, de chaleur et de froid : « La stratégie de développement des réseaux énergétiques est à venir ». Le fonds d'investissement métropolitain est déjà utilisé pour apporter des financements « notamment dans la rénovation du bâti, en liaison avec l'Ademe ».

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Île-de-France a lancé un appel à projets « chaleur renouvelable » dont le dépôt des candidatures doit être effectué le 15 décembre prochain. En 2018-2019, l'Ademe francilienne misera sur la géothermie et la biomasse profonde ainsi que sur les réseaux de chaleur et la récupération d'énergie fatale, via des appels à projets annuels. Également prévu, trois fois par an, un appel à projet accompagnera le solaire thermique et la géothermie minime.

« Depuis 2009, nous avons mis 184 millions d'euros pour soutenir ces projets, suscitant un investissement global de 1,8 milliard d'euros. Sur le bâti, on travaille avec des plateformes de rénovation qui visent le particulier et qui couvrent les besoins des ménages en s'appuyant sur les points relais info service qui orientent les clients », précise Michel Gioria, directeur régional de l'agence publique. Un autre appel à projet pour les bâtiments bas carbone doit aboutir au premier semestre 2018 ainsi qu'un autre pour le tertiaire public avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Le recours à l'épargne réglementée

« Le bilan énergétique de l'Île-de-France est très négatif, avec une forte croissance de la consommation » mais « la transition énergétique est stratégique au même titre que la révolution numérique », explique-t-on à la CDC. « Grâce à la transformation d'une partie de l'épargne réglementée en prêts à très long terme, nous avons toute une gamme de prêts dédiés, que ce soient les éco-prêts à destination des bailleurs sociaux ou les prêts Croissance verte pour les collectivités. » La Caisse des dépôts a aussi investi dans des sociétés d'économie mixte ou dans des startups franciliennes spécialisées dans la ville intelligente : « Nous regardons comment construire différemment dans une logique smart city, c'est-à-dire avec des bâtiments réversibles, sobres, avec l'économie circulaire ou avec la blockchain, qui permettra une gestion interopérable, avec plusieurs opérateurs, des boucles de chaleur. La révolution numérique va nous permettre des marges de progrès considérables dans la fabrication urbaine. » À la différence des autres acteurs, Bpifrance ne se mêle pas, du moins dans l'immédiat, du financement de la rénovation des bâtiments privés ou des établissements recevant du public, mais travaille avec les entreprises, son coeur de métier :

« Notre axe prioritaire pour accompagner la transition écologique et énergétique (TEE) dans le Grand Paris est de favoriser la rénovation des bâtiments commerciaux et industriels, pour lesquels nous avons acquis un savoir-faire grâce à nos équipes très professionnelles dans ce domaine d'intervention », précise Dominique Caignart, directeur du réseau Île-de-France.

Des besoins équivalents à la production de 3 centrales nucléaires

À la manière de l'Ademe, qui analyse certains projets avant l'intervention financière de la Caisse des dépôts, la Banque publique d'investissement jongle effectivement avec sa double compétence : « Quand un projet immobilier nous est proposé, on le fait évaluer pour suggérer, voire financer, des améliorations. Nous jugeons qu'il est de notre devoir, en tant que prêteur ou actionnaire d'une entreprise, de l'accompagner dans sa prise en compte de la TEE et nous leur proposons systématiquement des audits à 360 degrés sur la RSE [responsabilité sociale des entreprises, Ndlr]. » Bpifrance s'est en outre dotée, le 3 juillet, d'un fonds France investissement énergie environnement (FIEE) qui consacrera 100 millions aux énergies renouvelables, à l'efficacité énergétique et à l'économie circulaire afin, selon son représentant francilien Dominique Caignart, d'« épauler plus facilement les PME et les ETI en leur apportant, de préférence aux côtés d'autres investisseurs, entre 500 000 et 6 millions d'euros chacune sur les trois à quatre prochaines années ». Environ 30 % du fond de l'ensemble de l'Hexagone sera dédié à la région capitale.

Si l'Île-de-France ne dispose que de très peu d'éoliennes ou d'installations photovoltaïques sur son territoire, elle doit, en revanche, compter sur les partenaires privés, et pas seulement se reposer sur les décideurs publics. Dès 2011, le Cercle Grand Paris de l'Investissement Durable a donc vu le jour avec des acteurs de tous bords : Schneider Electric, Rexel, General Electric, Suez, RTE, Veolia, Vinci, ou encore l'ITE Efficacity, Urban'Act, l'Agence parisienne du climat, Franck Boutté Consultants... Son président fondateur Nicolas Buchoud dit « examiner les problématiques liées à la transition énergétique dans le Grand Paris d'un point de vue pratique avec la société civile, des entreprises et des institutionnels ». Selon lui, « avec la métropole telle qu'elle est dimensionnée actuellement, difficile d'agir efficacement ». D'autant que les besoins en énergie ne vont que croître, de l'ordre de 4 000 mégawatts selon lui : « C'est l'équivalent de trois centrales nucléaires ! On est face à une équation qu'on ne sait pas encore résoudre. On postule une transition énergétique qui, dans les faits, est beaucoup plus touffue et plus compliquée à réaliser qu'on ne l'imagine ».

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Commentaires 2
à écrit le 30/11/2017 à 0:36
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Quid de l'isolation dans l'haussmannien? Si protection des sites? Quid de travaux collatéraux, comme les pâtisseries à refaire?

à écrit le 29/11/2017 à 10:47
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Qu'ils commencent par exploiter réellement la géothermie, qu'ils fassent installer des panneaux solaires sur les toits des bâtiments, et, qu'ils installent les éoliennes qui leurs plaisent tant en plein Paris.

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