En janvier dernier, un nouveau pictogramme coloré faisait son apparition sur l'emballage de plusieurs équipements : l'indice de réparabilité, apposé sur les ordinateurs portables, lave-linges, smartphones, téléviseurs et autres tondeuses électriques commercialisés dans les rayons des grandes enseignes de vente. Grâce à une note de 1 à 10, cet indice devait indiquer au consommateur au premier coup d'oeil, si l'objet sera facile (10) ou non (1) à remettre en état en cas de panne.
Cinq mois plus tard, le gouvernement entend faire mieux connaître le nouvel affichage : fin mai, il a lancé une campagne de sensibilisation « pour aider les Français à se l'approprier ». L'enjeu : « guider les consommateurs, tout en poussant les fabricants à revoir la conception de leurs produits ».
Car dans l'Hexagone, le geste de l'auto-réparation est encore loin d'être un réflexe : aujourd'hui, plus d'une personne sur deux se débarrasse d'un produit tombé en panne, tandis que 36% seulement tentent une réparation, avance le ministère de la Transition écologique.
« Avant de changer un équipement en panne, 85% des Français déclarent avoir envisagé de le réparer. Cependant, la panne reste pour 63% d'entre eux un motif suffisant pour le remplacer. Seule la moitié des Français a demandé un devis de réparation au cours des deux dernières années. Le manque d'information et de visibilité des réparateurs est invoqué par 25% des personnes interrogées », note le gouvernement.
Un bilan carbone non négligeable
Pourtant, les effets sur l'environnement sont conséquents : chacun des appareils utilisés dans un foyer possède une empreinte carbone qui s'étend sur l'ensemble de son cycle de vie. Extraction, transport, fabrication, commercialisation, et enfin traitement des déchets... Un réfrigérateur d'une cinquantaine de kilos, par exemple, mobilisera en tout l'utilisation d'1,75 tonne de matières premières et rejettera l'équivalent en CO2 d'un aller-retour en voiture Paris-Marseille, estime l'Ademe.
Autant de retombées négatives pour le climat qui pourraient, la plupart du temps, être évitées : « dans 80% des cas, un appareil électroménager en panne est réparable », souligne l'agence publique dans un rapport. Et les économies ne seraient pas négligeables pour la planète : retaper un lave-linge défectueux, par exemple, permettrait de réaliser, en moyenne, une économie de 100 kg CO2-eq - soit l'équivalent de 390 kilomètres de trajet en voiture.
Pièces détachées de 250.000 modèles
Mais encore faut-il comprendre la source de la panne, et disposer des pièces et des compétences nécessaires pour la réparer. Une problématique prise à bras-le-corps par Olivier de Montlivaut dès 2008, lorsqu'il lance la société SOS Accessoire. Aujourd'hui devenue leader de l'auto-réparation en ligne des appareils électroménagers, elle propose à chacun, bricoleurs comme novices, des outils d'accompagnement en la matière.
« On aide à remonter la pelote avec des tutoriels et des vidéos en ligne gratuits, accessibles à tous. Dans quelques cas, ça peut aller jusqu'à une assistance technique par le biais d'une visioconférence, si nécessaire », explique le président-fondateur.
Une fois le diagnostic posé, l'entreprise vend les pièces détachées de près de 250.000 modèles d'appareils, de l'aspirateur au réfrigérateur, en passant par le lave-linge et le robot ménager. « On s'équipe auprès des marques, mais aussi directement auprès des fabricants de pièces qui fournissent ces marques, et les vendent parfois moins cher », précise Olivier de Montlivault. Le panier moyen s'élève à 25 euros, frais de ports inclus - soit bien moins qu'un appareil neuf. Et dans un cas sur deux, la réparation ne nécessite « même pas d'acheter de nouvelle pièce ».
Surtout, le PDG l'assure, chacun y arrive - du moins « dans la grande majorité des cas » : SOS Accessoire enregistre un taux de retour des pièce détachées de moins de 4%. Ceux qui ne seraient pas parvenus à réparer leur équipement bénéficient d'un renvoi gratuit, frais de port pris en charge par l'entreprise.
Un manque d'information
Mais des barrières subsistent : la conception de certains appareils ne facilite pas la tâche, et conduit encore à une obsolescence trop rapide, regrette Olivier de Montlivaut. « Il existe toujours des lave-linges dont les paniers à roulement sont moulés dans la cuve. Il suffit que l'un d'eux soit défectueux pour devoir changer la cuve complète - dont le prix est aussi élevé qu'un lave-linge neuf ! », illustre-t-il.
Des problématiques pas forcément « orchestrées » par les marques, considère-t-il néanmoins. « Ce sont parfois des choix économiques en réponse à une concurrence de plus en plus forte », souligne le président. Et de donner l'exemple des balconnets de frigo, souvent construits en plastique facilement cassable, plutôt qu'en métal, pour des raisons de coûts.
Cependant, si la fabrication joue, le frein le plus criant reste le manque d'information des consommateurs, avance Olivier de Montlivault. « On a souvent l'impression que la réparation est trop compliquée, que l'on n'y connaît rien, et que l'appel à un professionnel sera long et cher. Le client préfère parfois un remplacement intégral dans les meilleures conditions de sécurité et de délais », note-t-il.
Levée de fonds de 10 millions d'euros
A cet égard, l'indice de réparabilité devrait « faire bouger les lignes », parmi d'autres mécanismes d'incitation. « Cette question est sous le feu roulant d'un certain nombre d'acteurs : entreprises privées mais aussi autorités nationales et européennes, qui poussent fortement les fabricants et distributeurs à adopter des pratiques vertueuses », se félicite Olivier de Montlivault.
« Leur objectif numéro un est toujours de vendre. Mais sous pression et en présence d'alternatives au remplacement des appareils, ils sont obligés de s'adapter, donc d'assurer la démontabilité des appareils et la disponibilité des pièces », ajoute-t-il.
D'autant que la demande des consommateurs change, et pèse encore un peu plus sur les exigences : près de la moitié des Français souhaitent aujourd'hui « consommer mieux et autrement », dans une démarche « plus responsable », affirment l'Ademe et le ministère de la Transition écologique. « Le profil de nos clients évolue, avec de plus en plus de personnes éloignées du bricolages, jeunes, de genre féminin. Ce n'était pas le cas au début : on constate un intérêt grandissant », appuie Olivier de Montlivault. Pour continuer sur cette lancée, l'entreprise vient de lever 10 millions d'euros. Elle entend s'accroître en Europe et optimiser ses outils IT et logistiques, avec toujours un but en tête : « démocratiser l'autoréparation ».
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