Pétrole : Greenpeace met la pression sur Total qui renonce à forer le Récif de l'Amazone (Brésil)

Le géant pétrolier français déclare ne plus être opérateur de ce projet écologiquement controversé mais il en reste actionnaire aux côtés de BP et Petrobras
Le 27 mars 2017, des militants de Greenpeace accrochent une banderole qui dit Total, menace officielle du récif amazonien lors d'une manifestation devant le siège du géant pétrolier français Total à La Défense, près de Paris.
Le 27 mars 2017, des militants de Greenpeace accrochent une banderole qui dit "Total, menace officielle du récif amazonien" lors d'une manifestation devant le siège du géant pétrolier français Total à La Défense, près de Paris. (Crédits : Reuters)

Le groupe pétrolier français Total a annoncé lundi 7 septembre 2020 mettre fin à son rôle "d'opérateur" pour cinq secteurs d'exploration au Brésil, dans l'embouchure de l'Amazone, où ses projets de forages menés avec plusieurs partenaires étaient contestés par des organisations de défense de l'environnement.

Dans un communiqué, Total "annonce avoir notifié le 19 août 2020 à ses partenaires sa démission de son rôle d'opérateur de cinq blocs d'exploration situés dans le bassin de Foz do Amazonas, à 120 kilomètres au large du Brésil", sans donner aucun détail sur les raisons et les effets de cette décision.

Pas de commentaire

Contacté par l'AFP, le groupe n'a pas souhaité faire de commentaires supplémentaires.

Le groupe indique dans son communiqué que les blocs d'exploration concernés "sont référencés FZAM- 57, FZA-M-86, FZA-M-88, FZA-M-125 et FZA-M-127", et sont situés dans le bassin de Foz do Amazonas, à 120 km au large du Brésil.

Il indique avoir informé l'Agence nationale du pétrole, du gaz naturel et des biocarburants (ANP) "de cette décision, qui ouvre une période de 6 mois durant laquelle un nouvel opérateur sera désigné et à qui les activités d'opérateur seront transférées. Durant cette période, Total a l'obligation de continuer de mener les processus administratifs pour le compte de ses partenaires Petrobras et BP".

Total s'est associé en 2013 avec le britannique BP et le brésilien Petrobras pour acquérir des blocs d'exploration dans l'embouchure de l'Amazone.

Dans la zone, selon un communiqué de Greenpeace publié le 4 septembre, le groupe français a "relancé le processus d'acquisition des licences environnementales pour forer près du Récif de l'Amazone, un écosystème unique et vulnérable, encore méconnu".

Une "zone d'exploration dangereuse" et un "écosystème unique"

Pour mémoire, voici comment l'association de défense environnementale décrivait le problème en mai 2018 :

"Il faut l'avoir vécu pour vraiment s'en rendre compte : les courants dans la zone du Récif de l'Amazone sont parmi les plus forts au monde. Les conditions d'exploration étaient extrêmement difficiles et nous avons dû renoncer à plusieurs reprises à envoyer notre petit robot sous-marin. Dans de telles conditions, une fuite de pétrole ou une marée noire serait catastrophique pour les mangroves brésiliennes et guyanaises.

L'ONG poursuivait alors :

"Autre confirmation majeure de cette expédition : nous avons pu prouver que le Récif de l'Amazone se trouve dans un des blocs de la concession pétrolière de Total au Brésil. Forer dans les environs aurait donc, avec certitude, un impact sur cet écosystème unique."

Récif de l'Amazone, forage, Amazon Reef Greenpeace

[Capture d'écran d'une vidéo de l'ONG Greenpeace - voir en pied d'article]

Total ne sera plus "opérateur" mais restera "actionnaire"

Aujourd'hui, l'association environnementale rappelle également que "l'agence environnementale brésilienne Ibama avait pourtant rejeté ce projet en décembre 2018, en raison d'un trop grand nombre de problèmes techniques et de risques environnementaux".

En décembre 2018, Total s'était en effet vu refuser la licence environnementale pour effectuer des forages dans les blocs d'exploration en question, en raison d'"importantes incertitudes" lors de situations d'urgence, la presse locale ayant à l'époque notamment évoqué "la possibilité d'une fuite de pétrole qui pourrait affecter les récifs coraliens présents dans la région et par extension la biodiversité marine".

Lundi, Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace France, a estimé auprès de l'AFP que "ce n'est pas parce que Total renonce à son rôle d'opérateur qu'il se retire du projet: à ce stade il reste actionnaire et ne renonce pas à ses parts".

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ANNEXE

Le communiqué de Greenpeace du vendredi 4 septembre 2020:

Récif de l'Amazone : Total mise sur Bolsonaro pour relancer ses projets de forages au large du Brésil

Publié le 4 septembre 2020

En toute discrétion, et malgré une mobilisation mondiale contre ce projet, le pétrolier Total relance le processus d'acquisition des licences environnementales pour forer près du Récif de l'Amazone, un écosystème unique et vulnérable, encore méconnu (1). Cette information a été rapportée par le média de référence brésilien epbr, sans communication de la part de Total. L'agence environnementale brésilienne Ibama avait pourtant rejeté ce projet en décembre 2018, en raison d'un trop grand nombre de problèmes techniques et de risques environnementaux, notamment un manque de garanties apportées par le pétrolier en cas d'accident ou de marée noire, s'inquiétant des risques pour le Récif de l'Amazone et la biodiversité marine. Cette marée noire aurait de plus un impact direct sur les côtes françaises de Guyane.

Le pétrolier décide donc de passer outre et de relancer son projet climaticide, dans un contexte qui lui est dangereusement favorable ; le Brésil est désormais dirigé par Jair Bolsonaro, président d'extrême-droite, climato-sceptique notoire qui a, entre autres, grandement affaibli les mandats et l'autorité de l'agence environnementale Ibama, et allégé le processus d'acquisition des licences environnementales. Cette annonce est d'autant plus sinistre que le Brésil est toujours fortement impacté par une marée noire qui a ravagé le nord du pays l'an dernier.

"L'obstination de Total pour ce projet ne fait que confirmer le cynisme de cette entreprise et de son PDG, Patrick Pouyanné, déclare Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace France. D'un côté, Total communique à tout-va avec des annonces soi-disant en faveur du climat et des investissements en réalité minoritaires dans les énergies renouvelables ; de l'autre, Total cherche à tirer profit de la complaisance de dirigeants climato-sceptiques pour relancer en catimini des projets climaticides et destructeurs pour la biodiversité, comme celui à proximité du Récif de l'Amazone ou encore le projet gazier d'Arctic LNG. La défense du climat, la protection de la biodiversité ou des peuples autochtones, Total n'en a cure, tant que l'entreprise peut perpétuer son modèle passéiste, basé encore et toujours sur l'exploitation des énergies fossiles, et continuer à amasser du profit".

"Greenpeace va évidemment se mobiliser à nouveau contre ce projet de Total, jusqu'à obtenir une annulation définitive de forer dans la zone du récif", conclut Edina Ifticène.

(1) Le Récif de l'Amazone est un écosystème unique composé notamment de coraux, d'éponges et d'algues découvert au large de l'embouchure de l'Amazone. Documenté pour la première fois en avril 2016, sa superficie était alors estimée à 56 000 km². Depuis, de nombreuses expéditions ont prouvé qu'il est bien plus étendu et abrite une importante biodiversité ainsi que de nombreuses espèces menacées. En avril 2018, Greenpeace a permis d'établir que le Récif de l'Amazone est présent à l'intérieur d'au moins un des blocs de Total au Brésil et se prolonge jusque dans les eaux guyanaises.

(avec AFP)

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ANNEXE 2/2

[VIDÉO] Greenpeace explique sa lutte contre l'exploitation pétrolière sur le récif de l'Amazone. (Durée 14 min. Langue : français. Mis en ligne le 22 mai 2018)

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