L'aciérie de Florange sous toutes les coutures

Numéro un mondial de la sidérurgie, ArcelorMittal ne souhaite conserver sur le site de Florange que les activités "aval" à forte valeur ajoutée dédiées à la transformation de l'acier. Et céder ses deux hauts-fourneaux, dont la productivité est jugée insuffisante. La Tribune passe au crible ces actifs.
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Le bras de fer se poursuit entre ArcelorMittal et le gouvernement concernant le site sidérurgique de Florange, en Moselle.  Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, a haussé le ton dimanche, allant jusqu'à lâcher qu'il ne "[voulait] plus de Mittal en France". Il  a également affirmé qu'il travaillait à un projet de "nationalisation transitoire" du site de Florange.

Le problème est connu : ArcelorMittal, qui emploie 20.000 personnes en France (30% de ses effectifs en Europe, et 10% au niveau mondial) veut céder l'activité amont, c'est à dire les fours chauds du site mosellan, soit ses deux hauts-fourneaux. Mais il veut absolument garder la main sur les activités "aval", dédiées à la transformation de l'acier. Pour comprendre la stratégie d'ArcelorMittal, La Tribune décortique ces actifs :

  • Des hauts-fourneaux jugés trop coûteux et peu productifs.

Les deux hauts-fourneaux de Florange emploient 550 salariés. A partir de minerai du fer et de coke, ceux-ci permettent de produire des brames d'acier, à partir desquelles on peut par exemple fabriquer des tôles. Or, l'activité de ces hauts-fourneaux est confrontée à plusieurs problèmes. D'une part, ArcelorMittal juge que la production de Florange est trop faible : avec une capacité avoisinant les 2,5 millions de tonnes par an, on est loin des 7,5 millions de tonnes de son site de Dunkerque. D'autre part, contrairement au site nordique, Florange ne se situe pas à proximité d'un port, ce qui ne facilite donc pas l'écoulement de la production.

A cela, et comme l'explique Marc Ivaldi, économiste à l'Ecole d'économie de Toulouse, il faut ajouter "le coût du travail, trop élevé". "Cette activité repose sur une technologie peu complexe et nécessite des ouvriers peu qualifiés", poursuit-il. En clair, il s'agit ici d'une activité facilement délocalisable dans les pays émergents. D'autant qu'avec la crise, "les coûts de transport se sont largement réduits", pointe l'économiste.

"Nous prenons les produits là où ils sont le plus compétitifs"

La situation du marché sur le Vieux Continent pose également problème. En effet,  on y produit plus de brames d'acier qu'on en vend. Le 3 octobre, Henri Blaffart, un des principaux dirigeants d'ArcelorMittal en Europe, soulignait au "Monde" que la demande européenne était aujourd'hui inférieure de 25% à ce qu'elle était avant la crise.

De fait, de 2002 à 2008, la demande mondiale d'acier a connu une forte hausse, stimulée par la fringale des pays émergents, dont la Chine. Mais dès août 2008, la crise économique a entraîné une véritable chute de la demande, qui s'est répercutée sur les prix. Et la crise, qui n'en finit pas, semble avoir douché les espoirs d'ArcelorMittal. Après avoir mis plusieurs hauts-fourneaux à l'arrêt dans l'espoir de les relancer plus tard, le groupe veut maintenant les fermer. C'est notamment le cas de ses deux hauts-fourneaux de Liège dont la fermeture a été annoncée en octobre dernier et qui avaient été mis à l'arrêt en mai 2008.

En d'autres termes, l'Europe semble ne plus constituer un marché stratégique. Henri Blaffart le confirme : ArcelorMittal "n'anticipe pas de remontée [de la demande sur le Vieux Continent] avant des années". Et dans ces conditions, le groupe "[prend] les produits là où ils sont le plus compétitifs", cingle-t-il.

  • Une partie transformation hautement stratégique

Cette partie "aval", qui emploie un peu plus de 2.000 salariés, a en revanche les faveurs d'ArcelorMittal. Et pour cause : le site produit de l'acier transformé (en bobine notamment), destiné pour partie à l'industrie automobile. ArcelorMittal livre de nombreux constructeurs européens, comme PSA, Mercedes, Volkswagen ou Opel. Le groupe sidérurgiste disposerait d'une part de marché de 47% concernant les aciers pour l'automobile... On comprend ainsi mieux sa réticence à se séparer de cet actif hautement stratégique. "Certes, l'industrie automobile est à la peine en ce moment, rappelle Marc Ivaldi. Mais une fois la crise passée, le marché reprendra : les Européens ne vont pas arrêter de fabriquer des voitures du jour au lendemain!" Surtout, cette partie "aval" emploie des ouvriers très qualifiés, souligne l'économiste. Et bien entendu, cette main d'?uvre est pour l'heure moins disponible dans les pays émergents.

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Commentaires 2
à écrit le 26/11/2012 à 15:30
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Bon article qui montre bien les enjeux.

le 26/11/2012 à 17:22
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oui. et permet de comprendre que l?éventuel repreneur est surtout intéressé par la partie transformation : récupérer d'un coup la part de marche de mittal vaut bien de s?embêter un peu avec un haut fourneau. Et tant pis si les 149 autre sites franç...

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