Procès Pérol : les deux visages de l’Elysée

Ce lundi 29 juin a débuté la deuxième semaine du procès de François Pérol, accusé de prise illégale d’intérêts dans le cadre de sa nomination à la tête du groupe bancaire BPCE, en 2009. François Pérol continue de dépeindre ses fonctions à l’Elysée comme celles d’un simple informateur, alors que des pièces du dossier présentent la présidence de la République comme un organe décisionnel.
Christine Lejoux
Le procès de François Pérol doit s'achever le 2 juillet.

Changement de ton au procès de François Pérol, accusé de prise illégale d'intérêts dans le cadre de sa nomination à la tête de BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne), en 2009. Le président du tribunal, Peimane Ghaleh-Marzban, ne s'est pas départi de sa courtoisie à l'égard du prévenu, mais ses questions se sont faites plus pressantes en ce lundi 29 juin, qui a marqué l'entrée du procès dans sa deuxième semaine. Pour rappel, les syndicats Sud et CGT des Caisses d'Epargne reprochent à François Pérol d'avoir accepté la présidence de BPCE début 2009, alors qu'il avait travaillé sur la naissance de ce groupe bancaire, issu du rapprochement entre les Caisses d'Epargne et les Banques Populaires, de 2008 à 2009, lorsqu'il était secrétaire général adjoint de l'Elysée, du temps de Nicolas Sarkozy. Or la loi impose aux hauts fonctionnaires d'attendre au moins trois ans avant de rejoindre une entreprise privée qu'ils ont surveillée, contrôlée ou sur laquelle ils ont émis des avis auprès des autorités compétentes.

Voilà donc une semaine que le tribunal s'efforce d'évaluer le degré d'implication des pouvoirs publics en général, et de François Pérol en particulier, dans le processus de fusion qui a abouti à la création de BPCE. Et voilà une semaine que François Pérol persiste à dépeindre la présidence de la République comme un lieu où rien ne se décide, où rien n'est validé, brossant ainsi le portrait d'un Elysée qui ne serait rien d'autre qu'une agence de communication chargée de relayer les décisions du ministère de l'Economie. « Monsieur Pérol, depuis lundi dernier, vous nous affirmez que l'Elysée ne décidait pas. Dans ce cas, pourquoi cette redondance de rendez-vous entre l'Elysée et le patron des Banques Populaires, en janvier 2009 ? Il devait bien s'imaginer que c'était L'Elysée qui décidait», s'étonne Peimane Ghaleh-Marzban.

Bercy et la Banque de France à la manœuvre?

De fait, le 10 janvier 2009, Philippe Dupont, alors à la tête des Banques Populaires, rencontre Claude Géant, qui était à l'époque secrétaire général adjoint de l'Elysée, autrement dit le deuxième homme de France après Nicolas Sarkozy. Le dirigeant vient confesser les très lourdes pertes de Natixis, la filiale de banque de marchés des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne. Ces pertes, qui doivent être publiées le 26 février, risquent de faire sombrer l'Ecureuil et les Banques Pop'. Trois jours plus tard, le 13 janvier 2009, Philippe Dupont, de nouveau, et Bernard Comolet, patron des Caisses d'Epargne, ont rendez-vous 55, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, cette fois avec François Pérol, secrétaire général adjoint de la Présidence de la République. Ils lui précisent que Natixis, en butte à un portefeuille d'actifs toxiques de 60 milliards d'euros, s'apprête à accuser 10 milliards de pertes et que « les Caisses d'Epargne vont sauter. » Comolet et Dupont suggèrent alors une nationalisation de Natixis.

François Pérol assure s'être borné à leur répondre que c'était « bien ennuyeux » et à leur conseiller de prendre langue avec le ministère de l'Economie et la Banque de France. Incrédulité du président du tribunal : « Vous êtes un spécialiste du secteur bancaire et vous ne leur dites rien d'autre ? » Non, François Pérol ne dit rien d'autre, tout au plus informe-t-il Xavier Musca, directeur du Trésor, et Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, de la situation. « A ce moment-là, vous avez bien dû évoquer ensemble ce qu'il fallait faire ? En pleine crise financière, cela [les difficultés de Natixis ; Ndlr] risquait de devenir une catastrophe nationale ! Il n'aurait pas été choquant que le plus proche collaborateur du Président de la République prenne ce sujet en mains », estime le président du tribunal. Réponse de François Pérol : « Xavier Musca n'avait pas besoin de moi, il connaissait cela par cœur. Je ne connaissais pas la solution, je ne savais pas s'il fallait une nationalisation de Natixis. »

L'Elysée, le numéro 10 qui distribue le ballon

Trop facile, selon le président Peimane Ghaleh-Marzban, qui extirpe de ses dossiers un courriel adressé à la mi-février 2009 par Bernard Delpit, l'un des collaborateurs de François Pérol à l'Elysée, à Antoine Gosset-Grainville, directeur de cabinet du Premier ministre François Fillon. « Je pense que le Président de la République doit mettre les pieds dans le plat au sujet de Natixis [à l'occasion d'une prochaine réunion prévue avec les banques françaises ; Ndlr]. » « Ce mail montre que l'Elysée s'était emparé du sujet, comme Claude Guéant nous l'a d'ailleurs confirmé lors de son audition jeudi dernier. On a bien là l'apparence d'une présidence active, décisionnelle, d'un Elysée qui serait le numéro 10 dans une équipe de football, c'est-à-dire celui qui distribue le ballon!», s'exclame le président du tribunal.

Pas du tout selon François Pérol, qui affirme que Delpit et Gosset-Grainville ne faisaient rien d'autre que préparer un communiqué de presse. Cette fois, Peimane Ghaleh-Marzban s'agace franchement : « Mais la parole du président de la République, ce n'est pas que de la communication ! Ce message montre un Elysée qui assume ses responsabilités, qui n'est pas dans la simple communication de quelque chose qui aurait été décidé par quelqu'un d'autre ! On a bien l'impression d'une équipe en action. » « Non, c'est simplement de l'information qui circule », insiste François Pérol. Et la réunion du 21 février 2009 à l'Elysée, au cours de laquelle Bernard Comolet et Philippe Dupont ont appris de la bouche de Nicolas Sarkozy que François Pérol présiderait le futur BPCE, ce n'est pas une preuve, ça, de la position de l'Elysée comme organe de décision et de validation dans ce dossier ? « Non, il n'y avait rien de neuf », soutient François Pérol. « Cela m'interroge, qu'une réunion ait lieu à l'Elysée simplement pour dire ce que le ministère des Finances a validé », répond Peimane Ghlaleh-Marzban. Surtout à l'époque d'un Nicolas Sarkozy qualifié d'hyperprésident.

Christine Lejoux

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