Vente de médicaments : Leclerc perd une manche

Par Pierre Kupferman  |   |  520  mots
La deuxième grande campagne de l'enseigne qui appelle à une libéralisation de la vente des médicaments non remboursées a été interdite de diffusion par le Tribunal de Grande Instance de Colmar. Leclerc va faire appel.

Comme elle l'avait déjà fait en mai 2008 lors d'un procès similaire, la 1ère chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Colmar a exigé ce jeudi de Leclerc qu'il interrompe une campagne de communication jugée dénigrante par les pharmaciens. Le groupe de distribution est également condamné à verser 100.000 euros aux plaignants, Udgpo, Univers Pharmacie et Directlabo qui représentent près de 7500 officines.

"Cette publicité (pour voir le spot cliquez ici) est dénigrante et de nature à induire en erreur car elle parle de la santé", avait notamment plaidé le 18 décembre l'avocat des groupements de pharmaciens, Me Hubert Bensoussan. "Ils affirment qu'en tant qu'enseigne de parapharmacie nous ne pouvons pas vendre de médicaments et que donc il s'agit d'une publicité mensongère. C'est une Lapalissade" leur répond Michel-Edouard Leclerc, interrogé par latribune.fr. Le patron des centres E leclerc regrette certes cette condamnation et annonce qu'il compte faire appel. Non sans espoir de victoire.

Après sa condamnation en mai 2008, Leclerc avait fini par obtenir gain de cause en deuxième puis en troisième instance. En octobre 2009, la cour de Cassation avait rejeté le pourvoi en cassation des pharmaciens, considérant que le fait de parler de la hausse du prix des médicaments ne constituait pas un dénigrement des pharmaciens titulaires d'officine. Quant au visuel incriminé - une parure faite de pilules et de gélules - elle l'avait jugé « sans doute d'une ironie un peu agressive» mais ne dépassant « pas les limites de ce qui est permis en matière d'expression humoristique".

Pour les pharmaciens, ce combat juridique est loin d'être terminé. Au-delà de la manche qu'ils viennent de gagner dans leur combat contre la deuxième campagne de Leclerc, ils attendent, pour la première affaire, d'obtenir gain de cause dans un jugement sur le fond. Mais leur éventuelle victoire finale risque d'avoir un goût amer. D'abord, le temps de la justice et celui de la communication sont très différents. L'interdiction faite à Leclerc de poursuivre sa campagne n'aura aucun impact puisque cette dernière était programmée pour être diffusée en décembre et pas au-delà. La publicité médiatique autour de cette condamnation lui offre donc une deuxième vie.

Quant à l'opinion publique elle-même, elle semble désormais majoritairement convaincue du bien-fondé du combat mené par Michel-Edouard Leclerc pour permettre aux grandes surfaces de vendre des médicaments non remboursés afin de faire jouer davantage la concurrence. S'appuyant sur les résultats de plusieurs sondages, Vincent Leclabart, le président de l'agence Australie qui conçoit les campagnes de l'enseigne, l'assure : « Si tout le monde n'est pas d'accord avec Leclerc, une majorité de Français trouve qu'il s'agit d'une demande de bon sens. ». Et Michel-Edouard Leclerc d'ajouter : "Avec ces procédures juridiques, les pharmaciens alimentent malgré eux l'opinion : les consommateurs sont favorables au déremboursement et souhaitent payer moins cher leurs médicaments. Cette défense de corps est contre-productive. J'en suis désolé pour eux, car je ne suis pas anti-pharmacien. Je suis juste favorable à la liberté des prix. "