Que sont devenus les 1.700 anciens salariés de Marks & Spencer en France ?

Il y a dix ans, Marks & Spencer fermait ses dix-huit magasins en France. L'enseigne ouvre ce jeudi matin son nouveau magasin des Champs-Elysées.
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"Marks & Spencer is back". L'enseigne britannique ouvre jeudi matin un magasin sur les Champs-Elysées à Paris. Cette inauguration signe son retour en France, dix ans pile après avoir fermé 18 magasins et licencié 1.700 salariés.

Son come-back ne laisse aucun de glace. Certains anciens s'offusquent. "Je n'irai pas ! Ce serait trahir les anciens salariés. J'espère que les Français ne se souviennent pas que de leurs sandwichs !", s'étrangle Martine Dufaux, ancienne secrétaire du comité d'entreprise. D'autres philosophent. "C'est bien la preuve que leur départ était une bêtise", avance son ancien PDG, Alain Juillet. "Ils vont recréer des emplois", positive Alexandre Rubin, ancien directeur adjoint du magasin Hausmann.

La gourmandise l'emporte sur les mauvais souvenirs. "Formidable ! Je vais pouvoir m'acheter du poulet Massala et du Triffle", réagit Frédéric Guallar, ancien directeur-adjoint du magasin de La Défense. "Ma curiosité fera que je serai attiré comme un aimant !", prédit Thierry Techer, ancien magasinier. Rares sont les anciens de Marks & Spencer à éprouver une vraie ranc?ur. Et pourtant : tous se souviennent précisément de la "déflagration", du "coup de massue" de la "douche froide", de ce 29 mars 2001 où, depuis Londres, par e-mail, Luc Vandevelde, PDG de Marks & Spencer, annonce la fermeture de 38 magasins en France, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Portugal et Espagne. Mal en point, l'enseigne plie bagage pour se concentrer sur le Royaume-Uni. "C'était un jeudi. Il était 7h15. J'étais seul devant mon ordinateur pour recevoir cet e-mail. Le temps de me ressaisir, de l'apprendre à mes cadres, j'ai ensuite réuni les salariés dans la cantine. Mais, à 8.30, il n'y avait que 200 des 400 salariés", raconte, comme si c'était hier, Guy Bodescot, alors directeur du magasin du boulevard Haussmann. "J'ai utilisé le brief, avant de l'abandonner. Des femmes pleuraient", se souvient Frédéric Guallar, alors à La Défense. "Beaucoup ont tout appris à la radio", déplore Alexandre Rubin.

Vint ensuite la crise. Les clients pleurent une enseigne présente depuis 25 ans en France et ses 1.700 salariés. Le scandale devient politique. La veille, Danone a annoncé la fermeture de son usine Lu à Ris-Orangis. Lionel Jospin saisit l'occasion pour faire oublier son maladroit "L'Etat ne peut pas tout" de 1999. En vain. L'affaire dite des licenciements boursiers fait la Une de tous les JT. "Je devais gérer quarante journalistes sur le trottoir du boulevard Haussmann. Et pas une personne ne me répondait au siège !", jure Guy Bodescot. La déferlante atteint la directrice de la communication. "Il fallait être neutre. Mais je n'ai jamais caché combien j'étais affectée", avoue Isabelle Foulfoin.

C'est alors qu'Alain Juillet est appelé à la rescousse par Londres. "Les relations de Marks & Spencer avec Lionel Jospin et Martine Aubry, ministre du travail, étaient exécrables. Il leur fallait un manager de crise", se souvient celui qui mit "là-dedans trente ans d'expérience". Les syndicats durcissent le ton. "Par deux fois, on m'a enfermé 24 heures dans mon bureau", rapporte Alain Juillet. Un plan de cession remplace le plan de cessation d'activité. Le repreneur sera les Galeries Lafayette. Partout, les magasins sont dévalisés. "A Noël, en un mois, le chiffre d'affaires de Haussmann s'est envolé pour atteindre 65 millions d'euros", se souvient Guy Bodescot.

Les licenciements seront grassement indemnisés, sans plafond, si le salarié refuse l'emploi proposé en reclassement aux Galeries Lafayette. "Les cadres qui avaient de l'ancienneté ont touché un pactole", note un ancien élu. "En tant qu'employé, avec treize ans d'ancienneté, j'ai eu droit à 30.000 euros", se souvient un ancien vendeur. "Plus de 80% des salariés ont été reclassés", assure aujourd'hui Alain Juillet.

Les magasins tirent leur rideau le 22 décembre. Dix ans après, que sont devenus ces salariés ? "La plupart ont rebondi", avance Olivia Pollard, ancienne directrice de MSL, filiale de lingerie de l'enseigne, aujourd'hui chez Altarea. "Beaucoup des employés ont eu du mal", nuance Alain Juillet. Les cadres d'hier sont souvent aujourd'hui les dirigeants de distributeurs réputés. Valérie Delpech, ancienne directrice de la lingerie, dirige les achats de Go-Sport, après dix ans passés aux Galeries Lafayette. Patrick Anglaret, directeur financier, est devenu DAF chez OGF Pompes Funèbres. Alexandre Rubin est le patron du réseau Sephora (LVMH). Frédéric Guallar dirige le réseau Hugo Boss. Guy Bodescot dirige Duty Free Paris, spécialiste du commerce en aérogares.

Alain Juillet a lui quitté le monde de l'entreprise. "Après Marks, je n'avais plus envie", dit celui qui devint directeur du renseignement à la DGSE avant d'entrer dans le cabinet d'avocats Orrick Rambaud Martel. Par goût, Isabelle Foulfoin, directrice de communication, s'est spécialisée dans la comm' de crise chez Bailiwik. Beaucoup des employés ont changé leur fusil d'épaule. Martine Dufaux n'avait jamais étudié. "En sortant de là, j'ai fait un DUT à Villetaneuse, pour travailler dans le juridique", indique-t-elle. "Moi, je suis redevenu plombier ; je gagne maintenant mieux ma vie dans la climatisation !, rigole Nicolas Guégan, ancien magasinier.

Marks & Spencer pourra-t-il puiser dans ce vivier ? Pas si sûr. Rares sont ceux prêts à rempiler. "Mais je veux bien leur donner quelques conseils", glisse Guy Bodescot. Car il y a du pain sur la planche. En 2007, Stuart Rose, PDG visionnaire qui a relancé la machine Marks & Spencer, a admis "la grande erreur stratégique" de Luc Vandevelde. Son successeur, Marc Bolland, relance l'internationalisation du groupe présent dans quarante-deux pays (11,3 milliards 'euros de ventes sur l'exercice 2010-2011).

La France est, avec l'Inde et la Chine, le marché prioritaire. Marc Bolland doit tout reconstruire. "Il ne parviendra jamais à regagner les emplacements de premier ordre que Marks & Spencer avait mis vingt-cinq ans à installer", juge un ancien PDG. Soit. Mais le britannique s'appuie sur le "e-commerce" pour obtenir immédiatement l'envergure nationale que dix-huit magasins ne lui avaient pas accordée à l'époque. Marks & Spencer compte aussi sur les centres commerciaux pour lui louer des surfaces. Ce sera notamment le cas à Beaugrenelle et au Carrousel du Louvre. Sa notoriété est, il est vrai, intacte. Reste à savoir si sa mode british retrouvera son public. "Le marché ne l'attend pas", tranche un ancien dirigeant.

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Commentaires 5
à écrit le 14/11/2012 à 8:31
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je suis une ancienne de marks en spencer que de tres bon souvenir la rencontre avec une personne avec personne formidable mr hulyette

le 21/10/2014 à 18:29
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madame, vous êtes priez de me contacter,

à écrit le 16/12/2011 à 7:23
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Il faut leur donn? une chance si les embauche sont fait comme il se doit .

à écrit le 24/11/2011 à 19:20
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moi je suis une ancienne de marks et spencer rosny et je suis trop contente qu'ils reviennent!!!!!!!!

à écrit le 23/11/2011 à 14:44
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"la France, est avec l'Inde et la Chine, le marché prioritaire" eh ben, c'est dire !

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