Services clients : les Français pris entre désir de personnalisation et peur de Big Brother

Par R.R.  |   |  774  mots
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Les Français sont particulièrement excédés par les services de relation client des entreprises de services. Ce qui en fait des clients très volatiles. Mais ils l'assurent, si les services clients étaient de qualité, ils seraient plus fidèles. Le rétablissement du lien de confiance entre le client et la marque constitue donc un enjeu majeur pour les entreprises de services si elles veulent se différencier de la concurrence... et bien que le fatalisme l'ait emporté de ce côté là, fidéliser.

La fidélité des consommateurs de services à leur fournisseur est une notion du passé. On sait cela depuis plusieurs années. « La nouvelle norme, c'est que la fidélité n'est plus la norme », note Fabrice Marque, responsable de l'activité conseil en vente et service client pour Accenture France Benelux. Faut-il pour autant que les entreprises de services en fassent une fatalité ? Pas sûr. D'après une étude d'Accenture auprès de 12.000 personnes dans le monde que La Tribune s'est procuré en avant-première, le consommateur sur cinq qui a changé de fournisseur en 2012 l'affirme dans 85% des cas : « on aurait pu me retenir ».

Les Français sont mécontents

Point remarquable de l'étude, les Français se montrent plus mécontents de leurs services de relation client que les consommateurs des autres pays. Ainsi les hexagonaux qui ont quitté leur fournisseur en raison de la mauvaise qualité du service ont été particulièrement irrités par la nécessité de rappeler les services clients à de multiples reprises (85% contre 65% en moyenne dans le monde), par le manque d'amabilité des interlocuteurs (85% contre 65% en moyenne dans le monde) et par les délais d'attente (86% contre 61%).

Les Français feraient-ils ainsi honneur à leur réputation de râleurs ? Pas selon Fabrice Marque. « C'est la première année que l'on observe un tel gap par rapport aux autres pays, donc on ne peut pas dire que cela vienne du niveau d'attente des Français, » explique le spécialiste. Il faut donc voir du côté de la qualité du service. Et pour cela, s'interroger sur ce que veulent ces consommateurs frustrés au point de s'envoler.

Oubliez les promotions, il faut rétablir la confiance

Croire que ces clients fuyards se satisferont d'un nouveau téléphone, de deux mois d'électricité gratuite, ou d'une chaîne supplémentaire dans leur bouquet serait une erreur. « Le système des promos est en perte de vitesse » note Fabrice Marque. Ce qu'ils veulent, c'est avoir un service de relation client fiable et efficace. « Le service est devenu une composante plus importante pour choisir ou quitter, » explique le spécialiste pour qui « les gens veulent faire confiance, établir une relation de long terme ».

Comment établir ce lien de confiance ? Favoriser le contact direct ? Multiplier les services en ligne personnalisés ? Mettre fin aux serveurs vocaux qui ont fait s'arracher les cheveux à plus d'un ? Tout à la fois. Car il existe autant de solutions que de services et de consommateurs. « Il y a une polarisation entre ceux qui se passent du contact humain et ceux qui y restent très attachés » observe Fabrice Marque. Et « la recherche du bas-coût de service n'est pas la réponse car on résout le problème à un instant T, mais pas sur le long terme » constate-t-il. Le mot d'ordre est « personnaliser », quelque soit le canal utilisé : digital, de visu, vocal... Le client veut être reconnu. En cela « l'automatisation est une mauvaise solution » selon l'expert.

Personnaliser sans utiliser les données privées, le paradoxe Français

Selon l'étude, le niveau d'exigence d'un service personnalisé des Français se situe à un niveau équivalent à celui des émergents, et bien au dessus des économies matures. Le problème, c'est qu'ils sont aussi largement opposés à l'utilisation de leurs données personnelles par leurs fournisseurs de service. « Il y a en France comme dans la plupart des économies matures une crainte du 'Big Brother' qu'il n'y a pas dans les pays émergents. Les émergents sont beaucoup plus désinhibés par rapport à leur données personnelles » explique Fabrice Marque. Or pour personnaliser les services clients, l'utilisation de ces données est nécessaire aux entreprises.

Le jeu en vaut la chandelle

Tout cela peut paraitre bien compliqué pour les entreprises de services, souvent enfermée dans une logique de maîtrise des coûts et de course au low-cost. « Les entreprises sont trop centrées sur elles-mêmes. Quand quelqu'un veut partir, on lui offre deux mois gratuits, mais ne lui dit pas qu'on va améliorer le service, » déplore Fabrice Marque.
Pourtant, l'enjeu est de taille. Selon une autre étude d'Accenture parue en janvier, les entreprises de services du S&P 1500 comptent sur des perspectives de croissance supérieures au potentiel de croissance dans chacun des 20 secteurs étudiés. Autrement dit, tout le monde n'aura pas sa part du gâteau. Et la conquête de nouveaux marchés ne suffira pas. Il faudra aussi aller chercher et garder le client. En cela, s'adapter à ce désir de personnalisation des services pour se différencier des autres enseignes est primordial selon Fabrice Marque.