Déposer sa marque en Chine, une urgence même pour les petits cybermarchands

L'expansion de l'e-commerce en Chine permet à des marques étrangères de s'y lancer, alors qu'elles n'y auraient peut-être pas pensé avant. Sur place, elles risquent des déconvenues en matière de droit à la propriété intellectuelle.
Marina Torre
En Chine, le droit de la propriété intellectuelle peut poser quelques déconvenues aux marques qui n'avaient pas pensé à y déposer un brevet.

La Chine déroule le tapis rouge aux marques étrangères. Outre les programmes des places de marché comme Tmall (Alibaba) et JD pour attirer les marques européennes, les autorités locales multiplient les initiatives. Le 12 mars ils ont ainsi approuvé la création d'une zone pilote pour l'e-commerce transfrontalier à Hangzhou, l'une des "capitales" de la distribution en ligne dans le pays. Au total, la zone doit être étendue à sept villes.

Dans ces conditions, il peut être tentant de vouloir en profiter pour vendre vin, lingerie, chocolat ou même valves anti-ronflements conçus en France, de l'autre côté de la Grande Muraille. Sauf qu'une fois l'opération lancée, il se peut qu'une autre entreprise conteste la commercialisation d'un produit ou service sous cette même marque... parce qu'elle existe déjà. A une toute autre échelle, le constructeur automobile Tesla en a fait l'expérience (Voir les enrichissements en bas de page).

Le "cauchemar"

En cause, notamment : la législation de la propriété intellectuelle en Chine qui invalide tout dépôt de marque ou de design portant sur un produit déjà commercialisé ou dont les plans ont été portés à la connaissance du public, même à l'étranger. Sauf si le produit a été montré dans un cadre académique ou si ce sont des tiers qui en ont publié les plans à des fins frauduleuses ou par erreur. Elle confère en outre une prime au premier arrivant. Autrement dit, si un concurrent dépose le premier une marque voire un brevet pour un produit similaire ou identique à celui d'un autre, il pourra continuer à le vendre et même se retourner contre son rival.

"Ce qui concerne le dépôt de marque peut relever du cauchemar en Chine", confirme Vanessa Bouchara, avocate à Paris spécialiste de la propriété intellectuelle, dont des clients ont déjà eu maille à partir avec des situations citées plus haut. Elle précise:

"Par exemple, vous lancez une nouvelle marque, un ou deux articles de presse en parlent, vous avez un peu de succès... Vous risquez alors d'être repéré par quelqu'un en Chine qui déposera la marque avant vous. Si, plus tard, vous souhaitez y ouvrir un magasin, il se peut qu'une plainte soit déposée et que vous soyez contraint de fermer votre commerce. "

Paolo Beconcini, juriste spécialisé dans la propriété intellectuelle et consultant pour Interpol en Chine, interrogé par la Tribune dans le cadre d'un article sur Alibaba allait plus loin:

"Dans le cas où le produit est fabriqué en Chine, il faut protéger ses sous-traitants. Une usine peut être fermée ou les livraisons bloquées par les autorités si les produits qu'ils fabriquent sont considérés comme des copies."

 "Racheter" une marque?

Certaines marques n'hésiteraient pas à répondre en "rachetant" leurs marques avec des pots-de-vin pouvant aller "jusqu'à 20.000 ou 30.000 dollars", confie un spécialiste du secteur.

Malgré les efforts de Pékin pour limiter la corruption, le sujet reste sensible. Le gouvernement britannique a mis en garde les entreprises d'une certaine "imprévisibilité du système" économique local dans un document disponible en ligne et datant du 1er août 2014 :

 "Le système légal et la régulation peuvent être opaques, incertains et apparaître arbitraires. L'application de la loi est incertaine."

"Si vous êtes une entreprise britannique qui vend en Chine, source en Chine ou même participe aux mêmes foires commerciales que des entreprises chinoises, votre propriété intellectuelle est déjà exposée", prévient d'ailleurs l'exécutif britannique dans son entrée concernant plus spécifiquement la propriété intellectuelle.

Somme modique?

"Aux PME avec lesquelles je travaille, je conseille de déposer leur marque très tôt en Chine, même si elles ne pensent pas s'y développer tout de suite. Cela coûte moins de 200 euros honoraires compris (via l'enregistrement international) Le prix est bien moins élevé que le risque encouru", explique Vanessa Bouchara.

Dans le détail, cette somme équivaut à un dépôt de marque basique. Pour ajouter des classes ou bien renouveler -  tous les 10 ans - sa marque, il faudra ajouter quelques centaines de yuans à chaque opération. Pour breveter une invention, le coût dépôt peut être plus élevé, et atteindre 2500 euros en moyenne, honoraires compris, d'après ce document du China patent & trademark office (bureau des brevets et marques chinois). Au total, "pour une petite entreprise, qui ne dépose que cinq ou six brevets à la fois, cela représente quelques milliers d'euros. C'est moins cher qu'en Europe" estime de son côté Paolo Beconcini. Le jeu en vaut peut-être la chandelle.

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 23/03/2015 à 12:37
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Ce n'est pas la législation chinoise qui est en cause, les règles de propriété intellectuelle sont à peu près les memes dans tous les pays. En France aussi, le droit appartient au premier déposant. En outre, l'affirmation que la Chine invalide tout d...

à écrit le 22/03/2015 à 12:21
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Comme vous bien dites à la Tribune, la Chine est un marché en décadence, leur bulle immo est à point d'exploser, bref, vaut plus la peine d'investir dans un géant aux pieds d'argile. L'avenir c'est l'économie US, voilà le chemin pour la France et pou...

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