En cas de litige avec un commerçant, la médiation est-elle vraiment une solution ?

Depuis le 1er janvier, tous les commerçants sont censés indiquer à leurs clients un moyen de faire appel à la médiation en cas de litige. Une manière en principe de la rendre plus accessible. En pratique, le processus en cas de recours à cette forme de résolution des conflits révèle quelques surprises.
Marina Torre
Les soldes peuvent être propices à des litiges de la consommation.

Début d'année, les "bonnes résolutions" pas encore remisées au fond d'un tiroir, les inscriptions dans des salles de sport vont bon train. Sauf qu'en cours d'année, une raison médicale vous empêche de vous y rendre mais le responsable de la salle refuse de rembourser votre abonnement. Ou bien, en pleine période de soldes, croyant profiter d'une "bonne affaire", vous faites un achat. Mais vous vous apercevez plus tard que le produit est défectueux. Après avoir essuyé plusieurs refus d'échange, vous ne savez vers qui vous tourner. Afin de résoudre de telles situations, l'une des solutions consiste à faire appel à un médiateur.

Depuis le 1er janvier 2016, tout commerçant doit même "garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation", d'après une disposition de l'ordonnance d'août 2015 transposant en droit français une directive européenne qui vise à généraliser le recours à la médiation pour régler des litiges. Un décret d'application paru en octobre au Journal officiel en précise notamment que cette médiation doit être gratuite pour le consommateur et qu'elle doit être "aisément accessible par voie électronique ou par courrier simple à toutes les parties, consommateur ou professionnel." Mais, concrètement, comment cela fonctionne-t-il? Un passage en revue des étapes nécessaires pour parvenir à une médiation met en lumière les problèmes que ce système de règlement des différends peut poser.

Comment procéder

Une première condition s'impose: avoir épuisé tous les autres recours au préalable. En d'autres termes, il faut, en toute logique, commencer par négocier avec le commerçant ou responsable de magasin lorsque c'est possible, ou bien avec le service clients du site internet sur lequel l'achat a été effectué. Une preuve de ces requêtes pourra ensuite exigée lors de l'examen d'une demande de dossier de médiation: sous forme de copie de courriels, mais aussi d'envois de lettre en recommandés .

Tous les litiges portant sur l'exécution d'un contrat de vente ou de fourniture de services sont potentiellement concernés. Mais attention, des dossiers peuvent-être considérés irrecevables si la requête porte sur des prix. Autrement dit, un client qui considère que tel objet (soldé ou non), telle coupe de cheveux ou tel remplacement d'une serrure étaient vraiment "trop chers" pour la qualité ou le service rendu, il lui faudra trouver un autre moyen d'exprimer son mécontentement.

En revanche, pour une demande de remboursement en raison de la non-exécution d'un devis ou de la réception d'un objet ne correspondant pas à une commande réalisée en ligne, là une médiation pourra être tentée. L'objectif étant d'éviter de faire appel à un juge, ce qui serait potentiellement plus coûteux pour chaque partie et plus long que par un tel règlement à l'amiable.

Quels délais et qui sont les médiateurs ?

En principe, les médiateurs doivent apporter une réponse dans un délai maximum de 90 jours. Toutefois, si l'on prend en compte avant cela le délai qu'il faudra accorder au service de réclamation de l'entreprise visée, il faudra rajouter au moins un mois supplémentaire.

"En pratique, pour traiter des cas qui peuvent être complexe, cela prenait 3 ou 4 mois", précise Christophe Grison, juriste au sein de la Fédération française de la franchise à propos de cas précédents.

Si le professionnel se doit désormais de signaler le nom et les coordonnées d'un ou plusieurs médiateurs, le consommateur est libre de s'adresser à celui de son choix. Cela peut avoir une incidence. Car les médiateurs peuvent être désignés soit par les entreprises elles-mêmes, soit pour un secteur ou une catégories de commerce, par des organisations interprofessionnelles.

L'indépendance réelle des médiateurs est mise en doute du côté des associations de défense des consommateurs. En décembre, la CLCV mettait ainsi en garde:

"En théorie, le médiateur doit apporter une solution en équité. Il connaît le droit et est conscient que la partie faible au contrat, c'est le consommateur. Le consommateur, qui sollicite un médiateur, lui, doit, à l'issue de la médiation, avoir le sentiment que le droit a été respecté avec un petit plus, le geste commercial. Mais il doit savoir aussi que la plupart des médiateurs ne sont pas indépendants vis-à-vis des professionnels et sont souvent directement financés par les entreprises."

Toutefois, ils sont censés rendre leur avis "en toute indépendance et impartialité" d'après l'ordonnance du 20 août 2015.  La commission d'évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation dont les membres ont été nommés en décembre et qui remplace l'ancienne commission de médiation de la consommation est chargée de surveiller ces médiateurs.

Juriste à la Fédération e-commerce et vente à distance, Laure Baëté précise que

"le médiateur est nommé pour trois ans par notre conseil d'administration. Il bénéficie d'un contrat de collaboration, ce qui signifie qu'il n'a aucun compte à rendre si ce n'est de résoudre les litiges et il rédige ses rapports de façon indépendante".

La Fédération des enseignes du commerce coopératif et associé (FCA), qui vient tout juste de créer son service de médiation, a nommé Etienne Petit, un avocat spécialiste du droit privé, pour prendre en charge les dossiers adressés à ce nouveau service (la Médiation du commerce coopératif et associé ou MCCA).

Seuls les commerçants adhérents à cette fédération sont pour l'instant concernés "Nous ne souhaitions pas que les problèmes éventuels soient réglés par des personnes complètement extérieures et éviter un traitement industrialisé des dossiers", explique Alexandra Bouthelier, la déléguée générale de la FCA, "le consommateur est une perle, il faut la soigner. Aussi, même si un dossier n'est pas recevable pour une médiation, nous voulions également pouvoir y répondre et limiter son potentiel de nuisance".

Du côté de la Fédération française de la franchise, c'est une commission collégiale paritaire comprenant des représentants des consommateurs qui rend ses avis. Au sein des entreprises, certains médiateurs sont par ailleurs nommés par de telles commissions paritaires.

Beaucoup d'appelés, peu de reçus

L'an dernier, le médiateur de la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad) a reçu plus de 3.000 dossiers, portant principalement sur des problèmes de délais de livraison, de remboursement ou des marchandises non conforme. Seule une trentaine a été traitée. Une très faible proportion qui s'explique par "le recours à notre système d'intermédiation", explique Laure Baëté, juriste au sein de la Fédération de l'e-commerce et de la vente à distance (Fevad).

Le service de médiation de la Fédération française de la franchise, qui existe depuis 2012, n'a quand à lui traité qu'une dizaine de dossiers au total depuis son lancement. Christophe Grison, responsable des questions de droits pour cette organisation, indique que

"Des professionnels refusent parfois de participer à la médiation. Dans d'autres cas, le dossier n'est pas recevable. Il ne faut pas oublier que parfois, le consommateur a tort. Les demandes peuvent être abusives. La médiation sert aussi à cela: rappeler ou faire comprendre leurs droits et devoirs aux commerçants, mais aussi expliquer aux consommateurs qu'ils n'ont pas toujours raison. Que s'ils ont signé un devis et que le professionnel a rempli ses obligations, ils ne peuvent plus se rétracter."

Quel coût ? Quel intérêt ?

Légalement, l'accès à la médiation doit être gratuit pour le consommateur. Mais une fois le processus lancé certains font payer des frais de dossier. Ainsi, à la FCA, "une fois que la médiation est acceptée, le coût se situe entre 150 et 500 euros en fonction de la complexité du dossier" à la charge du commerçant. Toute demande d'expertise reste quant à elle à la charge des parties les ayant exigées.

Face à de telles contraintes, les phobiques administratifs auront-ils déjà depuis longtemps tiré un trait sur leurs réclamations. Mais pour des litiges portant sur des montants de plusieurs centaines ou milliers d'euros, le jeu en vaut peut-être la chandelle. Surtout que parmi les autres finalités du système, le but est aussi, en principe, d'améliorer la prestation de service, et de rappeler obligations et devoirs à chaque partie.

Pour finir, même si cette voie a été tentée et que l'une des deux parties refuse la solution proposée, la voie judiciaire reste toujours possible. Et un commerçant n'a pas le droit d'imposer dans ses conditions de vente qu'un recours à la médiation est nécessaire avant la saisine éventuelle d'un juge. Autrement dit, en cas de problème, se contenter de remplir le formulaire du médiateur proposé par le commerçant ne suffira sans doute pas.

Et si le problème viens d'un autre pays européen

En même temps que les ventes en ligne, les litiges transfrontaliers ont eu tendance à exploser. Pour tenter d'y remédier, les membres de l'UE se sont accordés sur le principe d'un "guichet unique" visant à régler ce type de situation. En France, la Fevad lancera mi-février une plateforme en ligne afin de recueillir les éventuelles réclamations.

En France, la Commission d'évaluation et de contrôle de la médiation sera aussi chargée de notifier à la Commission européenne la liste des médiateurs agréés pour régler le cas des litiges transfrontaliers.

Marina Torre

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Commentaires 3
à écrit le 15/01/2016 à 12:31
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Le souci des litiges, ne pose-t-il pas le souci de l’interventionnisme dans les relations commerciales ? Par exemple, on publie que le système de formation professionnelle est qualifié de bidon et qu’il existerait des détournements et des caisses ill...

à écrit le 15/01/2016 à 10:23
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Comment peut-on à la fois exiger une gratuité totale pour le consommateur... et reprocher ensuite au commerçant le financement du médiateur !!! On voit clairement la schizophrénie des organisations de consommateurs : vouloir tout et son contraire !

à écrit le 15/01/2016 à 7:40
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Comment peut-on laisser passer autant de fautes d'orthographe?

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