Essai auto Honda Civic : la compacte qui ressemble à un OVNI

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1282  mots
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Avec sa silhouette de vaisseau spatial, elle surprend. Cette berline compacte japonaise produite en Grande-Bretagne a une forte personnalité. Elle peut séduire pour son bon diesel et son comportement dynamique. Mais le parti pris d'une esthétique non conformiste entraîne quelques aberrations !

Dans le monde feutré et assez conformiste des berlines compactes (VW Golf, Renault Mégane, Peugeot 308...), elle fait figure d'Ovni. Ses allures de vaisseau du futur lui donnent une sacrée personnalité. On aime ou on déteste ces lignes outrées, caricaturales, de coupé sportif aux portes arrière bien dissimulées. Mais, pour une fois qu'une berline japonaise sort de la banalité, on ne va pas se plaindre, non ?

Accessibilité exécrable

A l'intérieur, c'est du même tonneau. Avec ses écrans, l' implantation originale de ses compteurs, elle cultive son « futurisme ». Les amateurs de jeux vidéo adoreront. Seulement, voilà, ce parti pris de ne rien faire comme les autres amène à des choix bizarres en matière d'ergonomie. Le compteur de vitesses se lit ainsi par-dessus la jante du volant. Ce dont Peugeot vient de s'inspirer pour sa 208. Résultat : la colonne de direction est implantée très bas ! Dès lors, il faut conduire au ras du plancher en réglant la hauteur de l'assise au minimum... Sinon, c'est la catastrophe ! Le bas du volant, l'assise des sièges rebondie vers l'avant qui relève fortement les genoux et des dossiers enveloppants entraînent une accessibilité à bord déplorable. Même en se contorsionnant, on s'érafle les cuisses entre... le volant et l'assise et on se cogne les flancs contre ledit volant et les retours du dossier quand on entre ou on sort! Dans un parking qui ne permet pas d'ouvrir grand la portière, c'est exaspérant. Et, l'hiver, avec un manteau, on ne passe pas ! Cette implantation digne d'un coupé ultra-sportif est un peu excessive sur une berline compacte diesel ! Durant les quelques jours de notre essai, nous avons pesté à chaque fois. Et, pourtant, nous sommes plutôt mince !

Position de conduite bizarre

Une fois à bord, la position de conduite ne nous a pas convenu non plus, avec ce satané volant entre les jambes. Disons que, pour les plus de 1,80 mètres à longues jambes, ça va parce qu'ils peuvent reculer le siège au maximum. Mais, les autres... Du coup, on se sent confiné à bord - comme sur un coupé -, d'autant plus qu'on est enveloppé par l'énorme masse de plastique noire de la planche de bord, un tantinet envahissante. Par ailleurs, les arches de pavillon étant très arrondies, on a la tête qui frôle le toit ! Bref, c'est paradoxal. Sinon, une fois installé, on fait corps avec la voiture, ça c'est sûr. Et, pour cause, on a un peu de mal à bouger. La lisibilité des divers cadrans est bonne. Mais un seul écran pour l'autoradio et le GPS est une mauvaise idée. Pour changer de station de radio, il faut plonger dans des menus et sous-menus et quitter allègrement la route des yeux. Pas terrible. Signalons enfin des plastiques bien assemblés, à la japonaise, mais durs et rayables, peu valorisants. Et, comme il y en a plein partout !... Curieusement, si on se sent à l'étroit devant, on a plus de place à l'arrière ! Et le coffre se révèle très profond, mais avec des formes irrégulières. En revanche, la visibilité arrière est entravée par un énorme becquet qui... barre la lunette horizontalement en plein milieu. Pas la peine de tant nous parler de sécurité, pour réaliser des aberrations pareilles ! L'habitacle est, on l'a vu, très particulier... L'anti-confirmisme à tout crin? Mmmmouais...

Moteur diesel réussi

Au niveau mécanique, ça va beaucoup, beaucoup mieux. La renommée du diesel Honda de 150 chevaux n'est plus à faire. Le constructeur nippon est un motoriste hors pair. Doux, souple, vivace, le moteur ne reçoit que des éloges, même si la concurrence a progressé ces derniers temps. Ouf, sur ce plan on n'est pas déçu. Cette mécanique est en outre bien secondée par une boîte précise et un embrayage progressif. Mais, si on monte vite les vitesses en pleine accélération, on évite quand même difficilement de petits à-coups. En revanche, au rétrogradage, tout se passe parfaitement. Le bilan mécanique est donc fort satisfaisant. Avec une consommation intéressante, inférieure à 6 litres aux cents, malgré beaucoup de ville sur notre parcours d'essai.

Tenue de route efficace

Le comportement routier se révèle aussi efficace, plutôt agile, suffisamment incisif. Tout cela a été très correctement étudié et réglé. Le plaisir de conduite est réel. On peut profiter pleinement du dynamisme de la Civic... sauf, à la limite, en virage pris à vive allure sur des pavés disjoints ou une chaussée très détériorée. Là, les trains roulants finissent par rebondir en désordre à cause d'un amortissement qui avoue ses limites. Une Citroën DS4 passe plus souverainement dans de telles circonstances. Le confort, au fait, ce n'est pas son truc: les suspensions trépident trop sur les inégalités de la chaussée, avec des percussions bruyantes. Notons aussi des bruits de roulement et des résonances diverses. Les constructeurs japonais (et coréens) isolent en général correctement le moteur, mais se préoccupent beaucoup moins d'insonoriser les suspensions et passages de roues. Du coup, le filtrage est médiocre. Les rivales européennes font mieux.

Prix intéressants en finition de base

Ceux qui veulent un coupé sportif original, mais sont obligés de rouler en berline, seront comblés. Ils peuvent foncer d'autant plus vers leur concessionnaire que la marque jouit d'une exceptionnelle renommée en matière de fiabilité. Le réseau après-vente n'est certes pas très dense en France mais a bonne réputation. Les prix sont également intéressants... dans les versions les moins chères. Honda offre 150 chevaux pour des tarifs auxquels les concurrents proposent 110 chevaux. Comptez 23.500 euros en finition de base et jantes de 16 pouces (les plus confortables). A conseiller pour son rapport prestations-prix. A ce tarif, on a l'essentiel, dont la climatisation automatique. A partir de l'Executive plus chère de 1.000 euros, on se retrouve avec ces satanées grandes roues « sport » de 17 avec les pneus à flancs minces « tape-cul », fragiles et onéreux à remplacer. Inutile. Quelle mode idiote, décidément ! Notre version Exclusive Navi, elle, perd son avantage prix. Elle est à 30.650, comprenant il est vrai démarrage sans clé, toit vitré panoramique, sièges en cuir chauffants, phares au xénon, radars de stationnement (déconnectables) et GPS. L'équipement est très fourni.

Un pari osé

Constatons tout de même un phénomène : si les marques nippones conservent un avantage en matière de fiabilité et disposent de bons moteurs, aujourd'hui les constructeurs européens font souvent mieux en trains roulants, confort, filtration et... qualité des plastiques. Pour exister sur un créneau fourni en Europe, Honda a fait le pari d'un engin « made in UK » qui se démarque complètement de la concurrence, avec en corollaire des défauts très agaçants dans la vie de tous les jours. Il s'adresse de toutes façons à une minorité de clients potentiels. Un pari osé, mais courageux.
Alain-Gabriel Verdevoye

Modèle d'essai : Honda Civic 2,2i DTEC Exclusive Navi: 30.650 euros

Puissance du moteur : 150 chevaux (diesel)

Dimensions : 4,30 mètres (long) x 1,77 (large) x 1,44 (haut)

Qualités : bon diesel, sobriété, boîte de vitesses précise, comportement dynamique, originalité, réputation de la marque en fiabilité

Défauts : mauvaise accessibilité, position de conduite bizarre, plastiques noirs peu valorisants, médiocre visibilité arrière, suspensions trépidantes et bruyantes

Concurrentes : Peugeot 308 HDi 150 Féline : 28.850 euros ; Renault Mégane dCi GT : 29.300 euros ; VW Golf TDi 140 Carat : 29.320 euros

Note : 12,5 sur 20