Le nouveau paysage concurrentiel enlise les routiers français

Par Marine Relinger  |   |  514  mots
Dès le 1er mai, les transporteurs d'Europe de l'Est pourront librement effectuer des trajets intérieurs sur le territoire français. Les routiers français tremblent, alors que leur volume d'activité est déjà au plus bas.

Les routiers français affichent le coup de conduite le plus élevé d?Europe. "Le conducteur allemand ou hollandais gagne plus, mais coûte moins cher à l?entreprise que le conducteur français, répète à l?envie Jean-Paul Deneuville, délégué général de la Fédération nationale du transport routier (FNTR). C?est tout le problème des charges sociales françaises." Depuis 2000, à l?international, "la France a perdu 35 % de parts de marché".

Baisse des prix
Dès le 1er mai, les transporteurs des pays ayant adhéré à l'Union européenne en 2004 pourront faire du cabotage en France (c'est-à-dire assurer des services au sein de l'Hexagone sans y être établis). Une libéralisation qui devrait pousser à l?extrême la concurrence entre les routiers français et les entreprises polonaises, tchèques, slovènes ou encore lettones, "qui travaillaient déjà, pour certaines, de manière illégale en France", note Jean-Paul Deneuville. "Un tiers de la circulation du transport routier en France serait déjà étranger", note la FNTR.

Mais la nouvelle donne devrait "pousser la clientèle à exiger des transporteurs français un alignement de leurs prix", déplore ce dernier. Les espagnols, en tant que ressortissants d?un état membre avant 2004, sont déjà autorisés à caboter en France. "Leurs tarifs sont inférieurs de 10 % à ceux des entreprises françaises. Mais les tchèques sont, eux, 20 % moins chers", rapporte le délégué général. Selon une enquête interne de la fédération professionnelle, 41,65% des entreprises estiment que "la perspective de la libéralisation du cabotage alimente la baisse des prix".

Harmonisation
La fédération professionnelle, qui représente un secteur composé essentiellement d?entreprises familiales à très faible marge, demande à l?Etat français "d?aligner les conditions de travail en vigueur dans les entreprises françaises sur le droit européen". En clair, les patrons du secteur ne compteraient plus le temps de disponibilité des conducteurs dans le temps de travail.

La FNTR demande en outre la mise en ?uvre en urgence de la "clause de sauvegarde". Cette dernière permettrait à la France de saisir la Commission pour risque de "perturbation grave" de son marché dans le cadre de la libéralisation du cabotage, "qui pourrait faire l?objet de mesures de régulation", note le délégué général.

Crise économique
Les discussions doivent reprendre avec le gouvernement, sur ce thème, en juillet. Le secrétariat d?Etat aux transports a d?ores et déjà annoncé la mise en place d?un observatoire pour mesurer l?impact de cette nouvelle libéralisation sur les routiers, par ailleurs fortement impactés par les effets de la crise financière. "La baisse d?activité, de 5 à 40 % selon les marchandises transportées, semble atteindre son point bas", rapporte Jean-Paul Deneuville. Selon lui, "40.000 emplois seraient encore vraisemblablement menacés en 2009, alors que le secteur a enregistré plus de 2.000 faillites en 2008, soit un quasi-doublement par rapport à 2007". La reprise n?est pas attendue avant le second semestre 2010, pour nombre d?observateurs.