La Poste américaine menacée de fermeture

Par Jérôme Marin, à New-York  |   |  467  mots
Copyright Reuters
Sans l'aide du Congrès, l'US Postal Service, qui a cumulé 30 milliards de dollars de pertes depuis cinq ans, pourrait se retrouver en faillite dès cet hiver.

Payés à ne rien faire. Au cours des six premiers mois de l'année, l'US Postal Service (la Poste américaine) a versé l'équivalent de 171.000 heures de salaires pour rien. Car faute de courrier à traiter, ses employés ont été contraints au repos forcé. Ce chiffre est certes dérisoire - il ne représente en moyenne pas plus de 20 minutes par employé -, mais il choque profondément les Américains. Il est surtout symptomatique des difficultés de l'entreprise à se restructurer pour s'adapter à la mutation de son environnement. Entre 2007 et 2010, les volumes traités ont chuté de 20 %, rognés par le développement des courriers et des factures électroniques, que la récession économique n'a fait que renforcer. L'effet a été immédiat : plus de 20 milliards de dollars de pertes se sont accumulés sur la période. Et la situation financière n'a fait qu'empirer. Lors de l'exercice en cours, le déficit devrait ainsi atteindre 10 milliards de dollars.

Scénario catastrophe

« Notre situation est extrêmement critique, expliquait ce week-end au ?New York Times? Patrick Donahoe, le patron de l'agence. Si le Congrès n'agit pas, nous nous retrouverons en cessation de paiements. » Un constat alarmiste qu'il a de nouveau porté mardi après-midi devant une commission du Sénat, avec une menace implicite : la fermeture forcée de tous les bureaux de Poste cet hiver. Un scénario catastrophe, presque impensable, pour une institution bicentenaire, fondée en 1775 par Benjamin Franklin. Mais aussi un moyen de pression pour obtenir gain de cause devant le Congrès.

L'US Postal Service réclame tout d'abord la suspension du versement annuel de 5,5 milliards de dollars pour financer la caisse des retraites de ses salariés. « C'est un boulet financier », reconnaît le syndicat National Association of Letter Carriers dans son dernier bulletin mensuel.

Les autres demandes sont en revanche bien moins consensuelles. « Pour faire face à la dégradation attendue des volumes, nous devons supprimer environ 220.000 postes d'ici à 2015 », plaide notamment l'US Postal Service dans sa requête au Congrès. Soit un tiers environ des effectifs actuels alors que les coûts salariaux représentent 80 % des coûts de l'agence. « Un pourcentage constant ces dernières années malgré des avancées majeures en matière technologique et d'automatisation », indique le bureau d'audit de l'US Postal Service.

Les départs en retraite devraient permettre d'atteindre près de la moitié de cet objectif. Problème : les accords collectifs signés avec les syndicats incluent une clause de non-licenciement. Une clause que la direction aimerait voir supprimée par les parlementaires américains. Elle préconise également la fermeture de 3.700 bureaux de poste et la suppression de la distribution du courrier le samedi. C'est désormais le prix à payer pour avoir trop tardé à réagir, estime-t-elle.