Un tracteur d'avions "révolutionnaire" ... et "made in France", entre en piste

Par Jean-Jacques Talpin, à Orléans  |   |  849  mots
DR
Le groupe français TLD a mis au point un tracteur d'avions intelligent, baptisé TaxiBot, qui fonctionnera moteurs de l'appareil éteints et permettra aux compagnies d'économiser au moins 8% de carburant. Fait pour le moins inhabituel : pour sa fabrication, une nouvelle usine va voir le jour en France, en Touraine.

Dans quelques jours, le premier exemplaire du TaxiBot quittera l'usine de Montlouis, près de Tours, pour l'aéroport de Francfort et les hangars de Lufthansa. Avec ce nouveau tracteur d'avions considéré comme « révolutionnaire », TLD « joue gros », comme l'explique Valentin Schmitt, directeur général de la division Europe de ce groupe : « Nous avons investi près de 8,5 millions d'euros en R&D et allons injecter 10 millions dans une unité de production au sud de Tours pour construire ce tracteur. »Avec déjà 50 commandes enregistrées pour 97 millions d'euros, TLD ache donc un « optimisme serein ». Le groupe Alvest-TLD est relativement atypique : « Nous sommes français de souche, mais mondiaux par ambition », insiste Jean-Marie Fulconis, PDG de l'équipementier qui compte six usines en Amérique du Nord, en Chine et en France avec plus de 1300 salariés pour 400 millions de dollars de chiffre d'affaires.

Une économie annoncée d'au moins 8% de carburant
Spécialisé dans les équipements d'assistance aéroportuaires, TLD est d'abord le leader mondial des tracteurs d'avions. Avec le TaxiBot, l'entreprise va franchir une étape supplémentaire en s'insérant dans un partenariat noué entre IAI (Israel Aerospace Industries) et Airbus. « Nous allons révolutionner le marché et prendre une longueur d'avance sur nos concurrents avec ce semi-robot », insiste Valentin Schmitt. Aujourd'hui le « taxiing » - déplacement des avions entre la piste d'envol et la porte d'embarquement - est assuré par des trac-teurs conventionnels. Mais ce tractage suppose que les moteurs des avions restent allumés, avec une forte consommation de carburant. Le TaxiBot change cette logique : le tracteur sera désormais dirigé depuis le cockpit par le pilote de l'avion, dont les moteurs seront éteints. « Les gains seront considérables, prédit Valentin Schmitt, avec économies de fioul, de bruit, d'émissions de CO2. » Avec une économie annoncée d'au moins 8% de carburant, le retour sur investissement de ce tracteur vendu près d'un million d'euros est estimé à seulement un an.

Un hybride doté de l'intelligence des drones

Ce tracteur « intelligent » repose en partie sur l'électronique d'IAI, le leader mondial des drones. « Il fallait intégrer cette intelligence dans nos grosses machines, souligne Valentin Schmitt, c'était le point le plus sensible car cela nécessitait de modifier nos tracteurs. » Un groupe de R&D de 100 personnes a été constitué entre TLD, Airbus, IAI et l'anglais Ricardo pour élaborer l'engin. Dans ce partenariat, IAI apporte donc son intelligence, Airbus son crédit d'image et TLD - qui a obtenu une exclusivité de production de dix ans - sa capacité à élaborer des machines de grande puissance.
Pour une sécurité totale - celle applicable aux avions et non plus aux tracteurs -, le TaxiBot devait aussi embarquer des doubles systèmes de traction ou de commandes capables de faire face à deux pannes simultanées.

Premier client : la Lufthansa
Mais le tracteur doit aussi répondre aux injonctions du pilote en 120 ou 150 millisecondes, ce que les tracteurs diesels conventionnels sont incapables de faire. Une chaîne hybride diesel-électrique a donc été mise au point et équipera la machine.
Pendant plusieurs mois, des tests ont été menés à l'aéroport de Châteauroux avec une certification attendue cette année. Mais, par anticipation, Lufthansa pourra utiliser ses deux nouveaux tracteurs dès le printemps. « C'est bien, même si nous aurions aimé qu'Air France s'engage sur ce projet français à vocation mondiale, porteur de développement et d'export », tempère Valentin Schmitt.
Premier client, Lufthansa souhaitait que l'unité de production consacrée au TaxiBot s'installe en Allemagne. « C'était tentant avec des coûts de production inférieurs à ceux de la France, explique le directeur général, mais nous avons résisté pour que cette unité voie le jour en Touraine. »L'usine, basée à Sorigny (Indre-et-Loire), ouvrira donc en 2014 avec la création d'une centaine d'emplois. Grâce à la mutualisation des moyens des deux unités de TLD en Touraine et à une organisation proche de celle de l'industrie automobile avec des achats dans le monde entier de pièces qui sont assemblées à Sorigny, la production reste compétitive en France. Cette organisation permet de ramener les coûts de main-d'?uvre à moins de 7% du prix de revient total des tracteurs. « Mais ne nous voilons pas la face, insiste Valentin Schmitt, les charges de structure et de personnel pèsent encore trop lourd. »

Deux cents commandes attendues chaque année

Pour l'heure, des loueurs ont passé une cinquantaine de commandes, et la plupart des grandes compagnies aériennes sont venues assister aux essais de Châteauroux. La nouvelle usine de Touraine mise sur 200 commandes par an. Pour accompagner cette montée en charge, TLD peut compter sur un nouveau tour de table financier. Propriété d'Axa Private Equity et d'Equistone (le management possède 25% du capital), TLD vient de passer dans le giron du fonds LBO France. « C'est pour nous une nouvelle source de financement de notre développement, se réjouit Valentin Schmitt. Et c'est surtout la preuve que les investisseurs croient en notre entreprise et dans notre produit révolutionnaire. »