Si la fusion entre American Airlines et US Airways échoue, voilà ce qui se passera

Si la justice va dans le sens de Washington et refuse la fusion entre American Airlines et US Airways, ces deux compagnies seront désavantagées par rapport à United et Delta. Par ricochet, l'alliance British Airways et Iberia-American sera pénalisée sur l'axe transatlantique face à celles de Delta-Air France-KLM et de United-Lufthansa. Quant à US Airways, elle resterait isolée tant sur le marché américain qu'international.
Fabrice Gliszczynski
Si la justice américaine s'oppose à la fusion entre American Airlines et US Airways, les cartes pourraient être redistribuées entre les compagnies aériennes transatlantiques...

Après la plainte déposée mardi par le Department of Justice (DoJ) et six Etats américains contre le projet de fusion entre American Airlines et US Airways, la décision de Washington est toujours aussi peu compréhensible. « Cela m'est difficile de comprendre pourquoi il font cela », explique Gordon Bethune, l'ancien PDG de Continental Airlines, véritable figure du transport aérien américain.Cette décision marque une rupture très nette dans sa vision du marché aérien américain que le DoJ avait dessiné ces cinq dernières en validant trois fusions -(dont deux sous l'administration Obama) : celle entre Delta et Northwest en 2008 (la nouvelle entité s'est appelée Delta), puis celle entre United et Continental en 2010 (regroupée sous la bannière United) et enfin celle en 2011 entre les deux low-cost Southwest et Air Tran.  De fait, si la fusion devait être effectivement retoquée, American et US Airways seraient désavantagées par rapport à ses concurrents qui ont pu fusionner récemment. Face à United et Delta, Jeff Straebler analyste chez John Hancock Financial Services estime en effet que « American et US Airways auront un désavantage compétitif ». Si les membres du DoJ estiment que ces deux compagnies peuvent survivre sans fusionner, la partie s'annonce néanmoins compliquée.

Arrangement à l'amiable

Reste à attendre le verdict de la justice. Certains observateurs américains estiment que les compagnies aériennes devraient tenter un arrangement à l'amiable en faisant des concessions. Pas sûr néanmoins que Washington soit sur cette longueur d'ondes. Si tel était son objectif, le gouvernement américain n'aurait pas déposé plainte mais aurait tout simplement assorti son feu vert des conditions comme cela se pratique habituellement. C'est-à-dire, lâcher des lignes, des créneaux horaires ou des portes d'embarquement (un problème encore plus important aux Etats-Unis) sur les aéroports où les positions de l'entité fusionnée est appelée à avoir une position dominante, comme à Washington par exemple où le couple American-US Airways totalisent 63% de l'activité.

 Le leadership de United et Delta serait conforté

Si la fusion est refusée, United et Delta resteraient les deux plus grosses compagnies américaines avec grosso modo près de 15,5% de parts de marché aux Etats-Unis (en sièges kilomètres offerts sur les vols intérieurs+internationaux) pour la première et près de 15% pour la seconde, avec une longueur d'avance sur American Airlines (11,7%) et Southwest (près de 10,3%) selon des chiffres fournis à La Tribune en novembre 2012 par l'association internationale du transport aérien (IATA). Avec 6% du marché, US Airways resterait toujours aussi isolée. Cette situation donnerait à United et Delta une position avantageuse sur American (en termes d'économies d'échelle et de présence commerciale) et encore plus sur US Airways qui, sur la durée, aurait bien du mal à résister.

Au contraire, en cas de fusion d'American Airlines et de US Airways, ces derniers détiendraient une part de marché de 17,7%, qui pourrait être diminuée si les compagnies font des concessions afin de constituer trois blocs plus ou moins de même poids autour de 15-16% du marché américain. On est loin des 80% de parts de marché évoqués par le DoJ. En revanche, sur les seuls vols intérieurs (hors vols internationaux), American Airlines, même seule, serait moins distancée. Avec 13% du marché, elle se situe derrière Delta (plus de 16%), United (plus de 15,5%) et Southwest (15%). La situation ne varie pas pour US Airways (7,6%). Comme les compagnies aériennes signent avec les entreprises des contrats globaux incluant le réseau intérieur et les vols internationaux, American et US Airways seraient pénalisées par rapport à United et Delta, si la fusion était refusée.

 Conséquences sur les alliances

D'autant plus que les conséquences à l'international sont, là aussi, très importantes. Les alliances dans lesquelles figurent Delta et United, à savoir Skyteam et Star Alliance seront avantagés. En particulier ces coentreprises créées par certains membres de ces alliances sur l'axe transatlantique et transpacifique. Concrètement, il s'agit de la coentreprise entre Delta-Air France-KLM et Alitalia (et demain probablement Virgin Atlanctic depuis son alliance avec Delta), et celle de United-Lufthansa. Ces deux coentreprises disposeront d'une force de frappe supérieure à celle d'American-British-Airways-Iberia. Quant à US Airways, aujourd'hui complètement isolée dans Star Alliance, sa situation resterait précaire. En résumé, Skyteam et Star Alliance seraient avantagés par un refus de la fusion American-US Airways, tandis que Oneword serait le grand perdant. 

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 10
à écrit le 15/08/2013 à 11:04
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"Cela m'est difficile de comprendre pourquoi il font cela », explique Gordon Bethune, l'ancien PDG de Continental Airlines... Allez Gordon faites un effort, osez le reconnaitre : cette fusion est absolument nefaste pour les interets des voyageurs; c'...

le 15/08/2013 à 13:34
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Tout est dit ! Il voudraient nous arracher un larme en prime...

le 15/08/2013 à 14:02
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Bien sûr que le DoJ a dit qu'elles pourraient vivre seules. Tu les imagines dire : bon j'annule la fusion, elles vont crever, y aura des milliers de mecs qui vont perdre leurs jobs mais c'est bon pour le pays. Je m'en fiche qu'ils fusionnent ou pas. ...

le 15/08/2013 à 23:38
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merci Jo, votre éclairage est précieux. Vous m'avez fait changer d'avis.

à écrit le 14/08/2013 à 17:13
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Vive le libéralisme...

le 17/08/2013 à 9:11
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Ah non, ici c'est du socialisme pur et dur. Prétendre défendre les intérêts du consommateur pour au final mettre des milliers de personnes au chômage. On croirait entendre un gouvernement français ...

à écrit le 14/08/2013 à 14:37
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Le DoJ a surement une carte supplementaire a negocier pour faire cette action, American a du refuser une negociation a l'amiable histoire de faire un passage en force, mais suite au prochain numero...

à écrit le 14/08/2013 à 14:21
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L'Union européenne avait semble t-il donné son feu vert pour cette fusion, à quel titre ? Et quel impact sur de futures fusions dans le transport aérien en Europe, si l'administration (justice) américaine s'oppose à cette fusion ?

le 14/08/2013 à 14:47
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tout a déjà été fait en Europe (du moins ce concernant les gros)

le 14/08/2013 à 14:48
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L'UE a un droite de regard sur la concurrence sur les lignes transatlantiques USA / Europe.

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