La déferlante des nouveaux navires "écolo"

La filière maritime française multiplie les innovations afin d'aider les armateurs à s'adapter aux nouvelles réglementations environnementales et à faire face à la hausse du coût des carburants. De quoi préserver la compétitivité du secteur.
Poétique et efficace : le navigateur Yves Parlier veut tracter les navires à l'aide de cerfs-volants géants. / DR

Dans quelques jours, quelques semaines vous serez peut-être sur les plages et verrez passer bateaux et ferries. Certains très modernes, d'autres plus anciens. Comment seront les navires dans les années à venir ? Moins gourmand en énergie et plus sûr, le navire du futur sera aussi plus propre et plus facile à entretenir. Des évolutions qui concernent aussi bien les bateaux de plaisance et de pêche que ceux affectés au transport de marchandises ou de voyageurs. Une pléthore de PME s'affaire sur ce chantier avec d'importants projets de R&D. C'est le cas notamment d'A2V, de Beyond the Sea, de CMR, de Fortil, d'Optis, de Sofresud, et de STR-Europe qui bénéficient du soutien des pôles de compétitivité Mer Méditerranée et Bretagne Atlantique. Bon nombre de leurs études concernent de nouveaux modes de propulsion des navires.

Un sujet stratégique pour les armateurs visés par les nouvelles réglementations de l'Organisation maritime internationale (OMI). À commencer par cette obligation de limiter les émissions de soufre en mer dans certaines « zones d'émissions contrôlées de soufre » (SECA, Sulfur Emission Control Area).

Premières touchées, la Manche, la Mer du Nord et la Baltique. Dans ces secteurs, les armateurs devront, dès le 1er janvier prochain, utiliser un carburant dont la teneur en soufre ne sera que de 0,1 %, contre 1 % aujourd'hui. Une obligation qui va ensuite se généraliser en passant, au 1er janvier 2020, à 0,5 % au plan mondial.

Cette réglementation sonnera peut-être la fin du fioul lourd auquel se substitueront d'autres types de carburants, comme le GNL (Gaz naturel liquéfié) qui contribue à diminuer les rejets d'oxyde d'azote, de CO2 et de particules fines au-delà de la réglementation actuelle. Certains armateurs français sont particulièrement avancés sur le sujet. C'est le cas de Brittany Ferries. La compagnie a confié au constructeur naval STX Europe la réalisation d'un ferry au gaz qui innovera en intégrant des cuves de GNL dans ses soutes. Livrable à l'automne 2016, ce navire mesurera 210 mètres de long et transportera 2474 passagers, 600 véhicules et 40 camions pour un coût de 270 millions d'euros.

« Ce projet a bénéficié d'un soutien d'une trentaine de millions d'euros dans le cadre des investissements d'avenir », indique-t-on au ministère des Transports et de la Mer.

Aussi séduisant soit-il au plan environnemental, le développement de bateaux à gaz implique de surmonter de grandes difficultés d'ordre technique.

« Leur ravitaillement nécessite de trouver des autorités portuaires et des fournisseurs de gaz qui acceptent de développer des infrastructures à terre pour alimenter les navires », soulève Christophe Avellan, directeur adjoint du pôle Mer Méditerranée.

Des navires tractés par cerf-volant !

Dans le cadre du programme Navire du Futur, 34 projets collaboratifs sont soutenus, pour un montant de 129 millions d'euros. Parmi ceux-ci, le projet Beyond the Sea, piloté par le navigateur Yves Parlier. Colabellisé par les pôles Mer Méditerranée et Mer Bretagne, ce projet regroupe d'autres entreprises comme CMA-CGM et Porcher Industries ainsi que l'école d'ingénieurs ENSTA Bretagne.

« Notre idée consiste à tracter les bateaux à l'aide d'un cerf-volant. Ce qui fait gagner 20% d'énergie sur la facture dès lors que le vent atteint 18 km/h. Dans cette configuration, un porte-conteneurs pourrait économiser 30.000 litres de carburant par jour ! Le système se composera d'un cerf-volant gonflable équipé de capteurs de position et de mouvements. Il sera aussi piloté par ordinateur grâce à un jeu de treuils et de poulies, explique l'ingénieur-navigateur. D'autres systèmes existent, notamment celui de Skysails. Mais ce dernier est compliqué à mettre en oeuvre. »

Yves Parlier prépare une campagne d'essais sur un navire de pêche d'environ 13 mètres, avec une voile de 50 m2 fabriquée à Arcachon (Gironde) et dont le vol statique sera contrôlé automatiquement. Pour financer sa recherche, Yves Parlier a prévu de commercialiser, à partir de la fin de l'année, des cerf-volants destinés, dans un premier temps, à des bateaux de taille plus modeste (5 à 10 mètres).

« Progressivement, nous proposerons des systèmes pour de plus grands bateaux avec des cerfs-volants de plus en plus automatisés », anticipe le vainqueur, entre autres, de la première édition de la Transat Jacques-Vabre, en 1994.

Deux fois plus vite avec moins de carburant

Autre vision de navire de l'avenir, celle apportée par A2V (Advanced Aerodynamic Vessels), une jeune entreprise qui veut révolutionner la filière avec un navire rapide et très économe en énergie. Semblable à un catamaran, il se distingue par sa nacelle en forme d'aile afin de voguer à la fois sur l'eau et dans l'air.

« Par rapport à un bateau de conception traditionnelle et de taille comparable, notre bateau ira deux fois plus vite tout en consommant moins de carburant pour l'ensemble du trajet », assure Matthieu Kerhuel, le directeur général de l'entreprise.

Créée en juin 2013 à Carquefou (Loire-Atlantique), A2V veut développer une activité d'architecture navale spécialisée dans la création de navettes rapides dédiées, entre autres, au transport de passagers ou du personnel vers les plates-formes pétrolières.

« Nous avons prévu de construire fin 2014 un premier prototype d'une dizaine de mètres avant de passer à une unité de 25 mètres allant à une vitesse de 60 noeuds, annonce le directeur général de l'entreprise qui vient de clôturer une levée de fonds de 550.000 euros auprès de particuliers. Ces fonds vont contribuer à renforcer l'équipe qui comptera une dizaine de personnes fin 2014, dont des ingénieurs et docteurs issus de l'École centrale de Nantes. »

Le marché des navettes rapides pour le transport des passagers attire également STR Europe (Sustainable Technology and Research), un groupe d'ingénierie navale spécialisé dans la propulsion électrique et hybride. Créé il y a trente ans, cet acteur européen réunissant 15 personnes réalise environ 1 million d'euros de chiffre d'affaires en 2013, dont 50% sont consacrés à la R&D.

Dans le cadre du projet Déesse, STR Europe a développé une première navette fonctionnant, comme les voitures hybrides, au diesel et à l'électricité, grâce à des batteries au lithium. Fort de ces développements qui ont associé Éca Électronaval, Moteurs Baudouin et SupMéca, le groupe a sauté le pas avec une première navette, cette fois-ci tout électrique à destination de la Guadeloupe. D'une capacité de 50 passagers, celle-ci possède une autonomie d'une quinzaine d'heures grâce à ses batteries Lightionics rechargeables.

« Nous avons conçu cette navette en association avec un chantier turc faute d'avoir trouvé un partenaire en France », indique Carmine Biancardi, directeur de STR Europe.

Moteurs tout électriques et capteurs électroniques

Les bateaux électriques séduisent aussi bien les professionnels du nautisme que les particuliers. En témoigne la société Fortil. Initialement spécialisée en ingénierie, celle-ci s'est lancée dans la conception et la vente d'un moteur tout électrique pour les petits bateaux et les annexes en mer. Le projet a réclamé deux ans d'études et 500 000 euros financés par l'entreprise qui réalise 8 millions d'euros de chiffre d'affaires pour une centaine de salariés. Pour la première année de commercialisation du SL-One, Fortil affiche 900 exemplaires vendus, tous produits en France.

La clé de son succès ? Sa batterie intégrée dans le moteur se recharge en deux heures grâce à un panneau solaire délivré par Fortil.

« L'alimentation est automatique et elle est même optimisée grâce à la carte électronique, qui pilote l'absorption du rayonnement sur le panneau », argumente Frédéric Brinon, en charge de la commercialisation du produit, qui se veut une rupture technologique et commerciale, puisque le moteur est vendu moins de 1.400 euros (contre plus de 2.000 euros pour des modèles concurrents). Résultat, sur un marché potentiel de 7.000 unités, Fortil compte en vendre 3.000 en France et à l'export.

Aussi performants soient-ils, les moteurs électriques ne sont pas encore adaptés aux trajets longue distance. Le fioul lourd et le diesel ont donc encore de beaux jours. D'où l'intérêt du projet Airclair, aujourd'hui en phase terminale. Il s'agit d'élaborer de nouveaux capteurs capables d'analyser en continu la qualité du carburant entrant dans le moteur. L'objectif : optimiser en permanence le réglage du moteur à injection électronique.

Au final, ce procédé devrait permettre d'économiser 5% sur la consommation du carburant. Le projet, qui avait pour chef de file l'entreprise CMR (Contrôle mesure régulation), un groupe international spécialisé dans l'instrumentation maritime, a nécessité 3,3 millions d'euros dont 1,5 million d'euros est financé par le FUI (Fonds unifié interministériel) et les collectivités de la région Paca.

Pour réaliser ces fameux capteurs, le groupe de 700 personnes (70 millions de chiffre d'affaires) a fait alliance avec l'École centrale de Marseille, l'Université d'Aix, la CMN (Compagnie méridionale de navigation) et la société SP3H qui détient le savoir-faire.

« Les capteurs seront produits à Marseille et équiperont les moteurs de bateaux mais aussi ceux des centrales électriques, qui sont confrontées aux mêmes problématiques de rentabilité », prévoit Patrice Flot, directeur général adjoint de CMR.

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Commentaires 4
à écrit le 08/12/2015 à 10:51
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Bonjour, Dès 2007, j'ai apporté une amélioration aux Skysails consistant à doter celles-ci d'un système de sustentation. Cette aménagement permet aux voiles de ne pas tomber à l'eau en cas de baisse ou de changement de direction brusque de ven...

à écrit le 20/06/2014 à 7:47
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Comme navire de pointe, voir l'E/S Orcelle

à écrit le 18/06/2014 à 18:34
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Il vaudra toujours mieux des bateaux plus écologiques pour transporter les hydrocarbures que des gros rafiots gourmands en carburant. A force de toujours vouloir protester on ne fait plus rien. Parfois il faut juste être satisfait des avancées et att...

à écrit le 18/06/2014 à 15:01
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Et le pétrole, les substances chimiques qu'ils vont transporter c'est aussi de l'écolo ?

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