L'expérimentation de l'ouverture à la concurrence, plusieurs opérateurs comme Transdev la réclamaient, le rapport Duron pour « définir les trains d'équilibre du territoire (TET) de demain » la préconisait, et même Guillaume Pepy, le président de la SNCF, la recommandait, estimant que c'était l'option la « plus sage ». Et pourtant le gouvernement n'a pas voulu tenter une expérience qui pourrait s'avérer fort utile le jour où le marché intérieur s'ouvrira. "Le Règlement européen OSP 1370/2007 impose aux Etats membres l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires conventionnés en 2019. Pendant cette période de transition (2009-2019), la France s'obstine à ne pas s'y préparer", déplore l'AFRA, l'association ferroviaire du rail.
Une telle expérimentation ne figure pas dans la feuille de route du gouvernement présentée ce mardi par le secrétaire des Transports Alain Vidalies, afin « de prendre d'ici à mi-2016 des décisions complètes et cohérentes » pour redresser l'activité des trains Intercités. Celle-ci essuie des pertes chroniques (220 millions d'euros en 2014, 450 millions en 2016 si rien n'est fait) et une désaffection de la clientèle (le trafic a chuté de 20% depuis 2011).
Une expérimentation de la concurrence d'abord dans les trains de nuit
Remis fin mai à Alain Vidalies, le rapport Duron proposait « que de premières expérimentations soient menées sur les TET, afin de préparer progressivement SNCF Mobilités à l'entrée en vigueur du cadre concurrentiel et de lui donner les moyens de résister à l'entrée sur le marché français de concurrents européens ». Dans ce but, il suggérait « que le monopole dont bénéficie SNCF Mobilités soit levé à titre expérimental sur un périmètre défini par le législateur, en application de l'article 37-1 de la Constitution".
"Cette première expérimentation pourrait porter sur les lignes de nuit, puis dans un second temps sur certaines lignes de jour, selon des modalités à définir. L'Etat attribuerait des contrats de service public après mise en concurrence, conformément aux règles définies dans le règlement OSP", précisait le rapport.
Le Niet de Vidalies
Le gouvernement n'a rien voulu entendre. Pour lui, expérimenter la concurrence ne constitue pas la meilleure façon de la préparer.
"La question de l'ouverture à la concurrence passionne un certain nombre d'acteurs très compétents. L'ouverture à la concurrence n'est pas un choix, c'est un horizon que la France a accepté et auquel elle veut se préparer dans de bonnes conditions. Le 30 juin, le pilier technique du paquet ferroviaire européen a été adopté définitivement. Nous allons entrer dans la phase de discussion du pilier politique dans lequel figurent les conditions d'ouverture, notamment son calendrier qui n'est pas aujourd'hui précis avec la Commission qui a proposé 2019 et le Parlement européen 2022. Il y a des questions sur la gouvernance, sur l'open-access ou pas... qui sont lourdes de conséquences. Je souhaite que ces sujets soient éclaircis rapidement (...)« la précipitation serait un risque d'échec", a expliqué Alain Vidalies.
Ce dernier a également pointé le calendrier social en France avec la négociation de la convention collective pour les entreprises ferroviaires. Une échéance d'ailleurs cruciale pour rendre la SNCF compétitive et préparer l'ouverture à la concurrence. Ce point est fondamental. Le gouvernement n'allait pas prendre le risque de froisser les syndicats de la SNCF en lançant l'expérimentation de la concurrence, un an après avoir voté la loi sur la réforme ferroviaire.
Transdev réagit
Une position qu'a déplorée Transdev dans un communiqué rageur.
«Un mois après la publication du rapport Duron sur l'avenir des Trains d'Equilibre du Territoire, le gouvernement n'a finalement pas retenu les préconisations formulées par la commission permettant de faire évoluer favorablement les trains Intercités. Le rapport avait pourtant souligné, en s'appuyant sur des exemples européens, les bénéfices qu'une ouverture régulée à la concurrence pourrait apporter au développement de ce type de liaisons ferroviaires, et suggérait de faire appel à des manifestations d'intérêt et à des expérimentations pour permettre de trouver de nouveaux schémas d'exploitation et de commercialisation. Le Ministre n'a finalement retenu aucune de ces propositions, préférant faire perdurer, pendant 5 ans encore, un système qui a pourtant montré ses limites et son inefficacité. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Transdev regrette que les mesures annoncées n'assurent pas à terme le maintien des lignes ferroviaires TET. Le seul renouvellement du matériel roulant ne permettra pas en effet d'éviter le déclin du rail face à la forte concurrence des autres modes. Les grands perdants de ces décisions seront sans aucun doute les voyageurs, qui verront l'offre de service se réduire, et les contribuables, condamnés à supporter les coûts croissants de ces exploitations ferroviaires », a déclaré la filiale de la Caisse des Dépôts et de Veolia Transdev.
L'Afra, déçue également
"Cette nouvelle feuille de route constitue une vraie déception pour les opérateurs alternatifs. Ils regrettent unanimement que les mesures annoncées ne garantissent pas le maintien des TET, et par conséquent, la continuité du service public ferroviaire sur l'ensemble du territoire. Les décisions prises concernant le renouvellement du matériel roulant ne permettront pas de remédier avec efficacité à la dégradation de l'offre ferroviaire sur le territoire national. Elles n'éviteront pas le déclin du rail alors que se développe une forte concurrence intermodale par le biais de la libéralisation de la circulation des autocars et le développement du covoiturage encouragés par la loi Macron. A force de fuir l'expérimentation, le gouvernement fait le choix de privilégier la route », a déclaré dans un communiqué l'AFRA, l'association ferroviaire du rail.
Pour cette dernière, "l'offre de service se réduira et remettra en cause la politique d'aménagement du territoire. La fracture économique ne peut que s'en trouver aggravée".
Nouvelle convention TET
A défaut d'expérimenter la concurrence, le gouvernement entend, dans la prochaine convention sur l'exploitation des TET entre 2016 et 2020 qui sera signée entre la SNCF et l'Etat, renforcer le rôle de ce dernier en souhaitant en faire « une autorité organisatrice de transport de plein exercice comme le sont les Régions pour intervenir plus efficacement auprès des acteurs locaux ».
Quels services?
Deuxième volet de la feuille de route du gouvernement, "l'adaptation du service TET aux nouvelles habitudes de mobilité en tenant compte de l'offre de transports environnante". Le Préfet Francois Philizot a é été nommé pour examiner avec les élus régionaux les modalités d'évolution des trains Intercités en recherchant de meilleures articulations avec les autres modes de transport. Dans ce contexte, la libéralisation du marché des autocars risque de faire mal aux Intercités. Dans cette réflexion, l'avenir des trains de nuit est posé.
«La fréquentation de cette offre de nuit qui ne répond plus de manière satisfaisante aux besoins des voyageurs, est en baisse de 25% depuis 2011 », a fait remarquer Alain Vidalies.
Si le maintien des lignes de nuit Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour de Carol est sanctuarisé en raison de l'absence d'offres de mobilité alternatives, les autres lignes attendront les résultats de la mission du Préfet Francois Philizot.
Enfin le gouvernement s'est engagé à investir 1,5 milliard d'euros dans le renouvellement du parc de trains Intercités d'ici à 2025.
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