Privatisation des aéroports de Nice et Lyon  : le cahier des charges respecte-t-il l'esprit de la loi ?

Contrairement au cahier des charges de la cession de la quasi-totalité des parts du capital de l'Etat dans l'aéroport de Toulouse, celui de la privatisation des aéroports de Lyon et Nice exige des candidats au rachat des critères d'expérience aéroportuaire. Pout autant, ceux-ci ne semblent pas suffisamment durs pour garantir le choix d'un investisseur spécialiste de l'aéroportuaire.
Fabrice Gliszczynski

Publié ce jeudi, le cahier des charges de la privatisation des aéroports de Nice et de Lyon respecte-t-il l'esprit de la loi Macron, dans laquelle figurait la cession des 60% que détient l'Etat dans le capital de ces deux aéroports? Demande-t-il vraiment une expérience aéroportuaire digne de ce nom aux candidats afin d'éviter la présence dans l'appel d'offres d'investisseurs uniquement financiers comme ce fut le cas en 2014, lors de la cession des parts de l'Etat dans l'aéroport de Toulouse?

N'imposant pas aux acheteurs de se prévaloir d'un tel critère, le cahier des charges de l'opération toulousaine avait permis à un consortium chinois, dénué d'expérience aéroportuaire, de rafler l'affaire au nez et à la barbe de deux poids lourds français du secteur, Aéroports de Paris et Vinci, en mettant sur la table une offre plus attractive d'une cinquantaine de millions (308 millions d'euros). Qualifié l'an dernier "d'un peu light" par le Pdg de Vinci, Xavier Huillard, ce cahier des charges avait suscité une grosse polémique.

Avoir au moins 10% d'un aéroport d'au moins 15 millions de passagers annuels

Si celui de Nice et Lyon comporte cette fois des critères d'expérience aéroportuaire, ceux-ci sont-ils pour autant suffisants pour garantir une expérience des candidats dans la gestion aéroportuaire? Pas sûr. En effet, l'un des critères pour postuler stipule que les candidats doivent avoir été actionnaires pendant 24 mois au cours des 42 derniers mois directement ou indirectement d'au moins 10% du capital et des droits de vote d'un exploitant aéroportuaire traitant au moins 15 millions de passagers annuels (3 millions de plus que le trafic de l'aéroport de Nice), en ayant eu le pouvoir de nommer et de révoquer au moins un représentant des organes d'administration, de direction ou de surveillance.

Dans le même esprit, un autre critère similaire demande d'avoir détenu pendant au moins 24 mois au moins 20% du capital et des droits de vote si le trafic annuel de l'aéroport concerné est compris entre 12 et 15 millions de passagers.

Pour certains observateurs, ces critères s'avèrent insuffisants pour garantir une expérience aéroportuaire au sens de "gérer l'actif".

"Si vous détenez 20% du capital d'un aéroport de 12 millions de passagers à côté d'un actionnaire qui en détient au moins 50%, vos 20% n'apportent rien et votre expérience aéroportuaire reste extrêmement limitée, voire nulle", explique un spécialiste des questions aéroportuaires.

Et d'ajouter :

"La possibilité de nommer un administrateur et un membre du conseil de surveillance n'apporte pas par ailleurs une expérience aéroportuaire".

Cela aurait pu être le cas éventuellement si le texte exigeait des candidats d'avoir eu la possibilité, en tant qu'actionnaire, de nommer ou de révoquer au moins un représentant des organes de direction. Mais le cahier des charges ne l'exige pas. Il indique seulement que les candidats doivent avoir eu la possibilité de nommer ou de révoquer au moins un représentant des organes d'administration, de direction OU (et non "ET") de surveillance.

"Même si vous êtes le premier actionnaire d'une exploitant d'aéroport avec 20% du capital, ce n'est pas en ayant le pouvoir de nommer un administrateur et un membre du conseil de surveillance qui vous apporte une expérience aéroportuaire", fait valoir le même spécialiste.

Plusieurs observateurs estiment que ces critères vont permettre d'attirer un grand nombre de candidats comme le souhaitait l'APE, (l'agence de participation de l'Etat) dans l'espoir de recevoir le plus gros chèque. Certains, sous couvert de l'anonymat, n'hésitent pas à parler de "détournement de la loi".

Gros chèque en perspective

Ces critères ont été tranchés par Matignon en raison de l'incapacité de Bercy et du secrétariat aux transports à s'attendre sur le sujet.

Sans pour autant atteindre les multiples constatées à London City Airport (le vainqueur l'a emporté avec une offre représentant 28 fois l'Ebidta) les enchères risquent de monter très haut pour Nice et Lyon. L'Etat pourrait facilement récolter 2 milliards de ces deux opérations.

En appliquant les multiples constatés à Toulouse où le consortium chinois l'a emporté avec une offre représentant 18 fois l'Ebidta, la valeur d'entreprise (capitalisation + dette) de l'aéroport niçois s'élève à 1,8 milliard d'euros et celle de Lyon à 1,4 milliard.

En attendant, un grand nombre de poids de lourds de l'aéroportuaire lorgne le dossier. Le couple Meridiam-Ferrovial (gestionnaire de l'aéroport londonien de Heathrow) a confirmé la semaine dernière son intérêt, tandis qu'Ardian, allié à Changi Airport (l'aéroport de Singapour) est lui aussi sur les rangs.

Vinci, gestionnaire de nombreux aéroports français et étrangers, est également sur le pied de guerre avec La Caisse des Dépôts et Predica. Allié avec EDF Invest, l'Italien Atlantia (gestionnaire de l'aéroport de Rome) devrait, lui aussi, probablement postuler. Le fonds australien Macquarie également.

Aéroports de Paris réfléchit encore à postuler pour Nice uniquement, mais la tiédeur que reçoit son intérêt pour la plate-forme niçoise dans la région constitue un obstacle de taille, selon une source ministérielle. L'aéroport de Genève est quant à lui intéressé par le seul aéroport lyonnais, son concurrent.

Les candidats ont jusqu'au 24 mars pour déposer leur dossier.  Ceux qui auront été retenus pourront déposer une offre indicative au plus tard le 28 avril pour Nice et le 12 mai pour Lyon. Après une nouvelle sélection, les candidats restants auront jusqu'au 20 juin pour Nice pour déposer une offre ferme et jusqu'au 4 juillet pour Lyon. Le choix interviendra pendant l'été.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 4
à écrit le 10/05/2016 à 21:30
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Est-ce que les petits aéroport comme St tropez vont continuer à exister.? MERCI

à écrit le 14/03/2016 à 19:56
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"Pout autant, ceux-ci ne semblent pas" pour autant

à écrit le 14/03/2016 à 9:57
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Toujours des critères exclusivement financiers et non industriels. Lassant ! On voit ce qu'il y a à changer en France, le retour aux postes de responsabilité des gens qui ont la formation et l'expérience industrielle, et non ces incapables d'énarques...

à écrit le 14/03/2016 à 9:37
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@BONJOUR : pourriez actualiser vos articles cela commence à devenir lassant d'avoir toujours les mêmes titres : les avions russes les sous marins russes etc.. et tout le reste ..... parlez nous plutôt de la situation catastrophique ou se trouve la ...

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