SNCF : la grève continue, les syndicats le gouvernement s'affrontent

Par Bertille Ossey-Woisard, AFP  |   |  861  mots
(Crédits : Reuters)
Le troisième jour de grève à la SNCF se fait sous le feu des critiques du gouvernement qui dénonce une action illégitime et veut des suites judiciaires. De leur côté, les syndicats accusent le gouvernement de jouer "le pourrissement".

Le mouvement social à la SNCF perturbait à nouveau la circulation des trains dimanche pour son troisième jour avec un risque d'enlisement, les syndicats continuant de défendre le "droit de retrait" à la suite d'un accident, face à la direction et au gouvernement qui dénoncent une "grève sauvage".

"La reprise est progressive, nette en Ile-de-France, sur les trains grandes distances et dans certaines régions", mais "très difficile" dans certaines régions, comme l'Occitanie ou la Champagne Ardenne, a indiqué à l'AFP la direction de la SNCF, qui soulignait notamment une amélioration "sur la ligne D où il y avait un train par heure hier et aujourd'hui nous avons un trafic normal". Sur les trains Ouigo, "la SNCF prévoit de faire circuler au moins 18 trains, voire 22, contre quatre samedi et 50 un dimanche habituel".

La totalité des Intercités vers Bordeaux supprimés

A la gare Saint-Charles à Marseille dimanche matin, tous les regards étaient tournés vers les écrans d'affichage. Et pour les voyageurs à destination de Madrid, à 08h01, c'était la déception. Train supprimé, comme la totalité des Intercités vers Bordeaux, la majeure partie des TER et la quasi-totalité des Ouigo.

Au total, seuls 17 trains étaient encore proposés, principalement des TGV. "Mais en fait rien n'est garanti jusqu'au départ du train", explique à un voyageur une salariée de l'entreprise publique, en gilet rouge: "Le conducteur du train doit rejoindre sa machine environ 20 minutes avant le départ, et ce n'est qu'à ce moment que nous pouvons savoir si le train pourra effectivement partir".

Elisabeth, 63 ans, avait prévu de regagner Paris samedi, pour une soirée à l'Opéra Bastille. Elle a finalement dû reporter son départ à dimanche mais n'en veut pas aux conducteurs ayant décidé de "poser leur sac" pour obtenir la présence d'un contrôleur dans tous les trains: "Je ne savais pas qu'ils étaient la plupart du temps seuls ans leurs trains, et je me dis qu'ils ont raison".

L'incident de Charleville-Mézières, à l'origine de la grève

"On est dans une situation de blocage", résume Didier Mathis, de l'Unsa ferroviaire, pour qui "s'il n'y a pas d'avancée de la part de la direction, on peut supposer que le mouvement va se poursuivre, car le problème de danger n'est pas réglé".

Quant à son collègue de SUD-Rail Julien Troccaz, il juge "difficile de faire des prévisions" pour la suite du mouvement, mais estime que le patron de la SNCF et l'exécutif "jouent le pourrissement total" du conflit.

A l'origine du mouvement, un accident survenu mercredi soir, lorsqu'un TER reliant Charleville-Mézières à Reims a percuté un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau dans les Ardennes, faisant 11 blessés dont plusieurs hospitalisés. Le conducteur, qui a porté secours aux passagers alors qu'il était lui-même blessé, était le seul agent SNCF à bord du train.

Les syndicats SUD-Rail, CGT-Cheminots, FO-Cheminots et la Fgaac-CFDT, contestent ce mode de fonctionnement, qui permet de faire circuler des trains sans contrôleur, évoquant des risques de sécurité pour les voyageurs. La direction fait valoir qu'il "existe depuis des dizaines d'années". Le ton est peu à peu monté entre l'exécutif et la direction, d'une part, et les syndicats de l'autre.

Le gouvernement veut poursuivre les grévistes

Le Premier ministre Edouard Philippe a dénoncé samedi un "détournement du droit de retrait qui s'est transformé en grève sauvage" et a "demandé à la SNCF d'examiner toutes les suites qui pouvaient être données, et notamment judiciaires". Le secrétaire d'Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, lui a emboîté le pas en estimant dans une interview au Parisien que la SNCF pourrait prononcer des sanctions individuelles contre les cheminots ayant pris part à ce mouvement, que le patron de la SNCF Guillaume Pepy a qualifié de "grève surprise" et jugé "pas admissible".

"Le niveau de violence des déclarations donne le ton de la suite, car c'est difficile de dire +on se met autour de la table+ quand on parle de judiciaire et qu'on nous prend presque pour des criminels", s'insurge Julien Troccaz, de SUD-Rail.

La direction et le gouvernement "n'ont pas compris qu'il y a une colère des agents à propos de la sécurité. Ca n'a rien à voir avec le 5 décembre et les retraites", insiste-t-il en référence à la prochaine journée d'action.

Même son de cloche à l'Unsa ferroviaire. Ce n'est pas un mouvement pour faire pression sur le dossier des retraites ou de la réforme de la SNCF, "on n'est pas dans la convergence des luttes. On ne mélange pas tout", insiste Didier Mathis.

"Le droit de retrait aurait dû être réglé en quelques heures si le gouvernement ne s'en était pas mêlé, mais Edouard Philippe veut le pourrissement et use de provocations pour cela", a réagi la CGT cheminots qui, elle, n'entend pas séparer les revendications. Elle appelle à participer "massivement" à la journée d'action du 5 décembre et en y joignant "les sujets d'entreprise, notamment la sécurité". "Vous évacuez la sécurité, vous aurez un conflit généralisé", avertit le syndicat.