SNCF : "Sans modèle économique du TGV, l'ouverture à la concurrence ne fonctionnera pas" (Pepy)

Pour le président du directoire de la SNCF, peu de nouveaux opérateurs se lanceront sur les lignes TGV si les problèmes structurels qui plombent sa rentabilité ne sont pas réglés.
Fabrice Gliszczynski
Sur les lignes à grande vitesse, non conventionnées, de nouveaux opérateurs pourront commercialiser leurs liaisons à partir de décembre 2020 pour une mise en service en 2021.

L'ouverture à la concurrence du marché intérieur français du transport ferroviaire de passagers approche. « 2019 c'est demain et 2021 c'est après-demain », a rappelé, Anne Yvrande-Billon, vice-présidente de l'ARAFER, (l'autorité de régulation des activités ferroviaires routières), lors d'un colloque sur la concurrence ferroviaire organisé ce jeudi par le gendarme du rail, en référence au calendrier fixé par le quatrième paquet de libéralisation du secteur ferroviaire de la Commission européenne. En décembre 2019 le monopole de la SNCF prendra fin. Pour les contrats de service public (TER, Intercités), les autorités organisatrices de transport (Régions ou l'Etat dans le cadre des Intercités) pourront lancer des appels d'offres dès décembre 2019 si elles le souhaitent, et l'ouverture à la concurrence de ces marchés sera obligatoire à partir de 2023. Sur les lignes à grande vitesse, non conventionnées, de nouveaux opérateurs pourront quant à eux commercialiser leurs liaisons à partir de décembre 2020 pour une mise en service en 2021.

Modèle économique du TGV

Si les différents intervenants à ce colloque ont dressé le bilan de l'ouverture à la concurrence dans les pays européens qui l'ont mises en place en Europe (Suède, Royaume-Uni, Allemagne notamment) et rappelé les conditions nécessaires pour une bonne mise en œuvre (accès aux sillons, aux gares, étanchéité des relations entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur historique...), Guillaume Pepy, le président du directoire du groupe SNCF a insisté sur la nécessité de résoudre au préalable en France la question du «modèle économique du TGV». C'est un chantier immense puisqu'elle implique des sujets structurels aussi brûlants que le financement de l'infrastructure et de la dette, énorme et galopante, du gestionnaire de l'infrastructure, SNCF Réseau.

« C'est une question centrale (..) Quand il y aura un modèle économique il y aura de la concurrence », a-t-il dit. « Pourquoi le jour où le TGV sera ouvert, il n'y aura peut-être pas grand monde ? Ce n'est pas parce que l'ARAFER n'aura pas fait son boulot, ou que la SNCF, fourbe et cruelle aura organisé des barrières à l'entrée, c'est tout simplement parce qu'il n'y aura personne, dans les conditions actuelles, pour mettre 1 milliard d'euros en capital dans l'activité TGV. Car la rentabilité du TGV en France est inférieure au coût moyen du capital », a-t-il déclaré en rappelant que « deux TGV sur trois perdent de l'argent ».

Financement des infrastructures

Les raisons sont connues et maintes fois dénoncées par la SNCF: la cherté et la hausse continue des péages payés au gestionnaire de l'infrastructure pour l'utilisation et l'entretien du réseau ferroviaire, qui érodent année après année les marges du TGV. Au point que la rentabilité du TGV ne permet plus de financer les investissements.

Cette inflation des péages s'explique par le choix politique de financer la rénovation du réseau par le TGV, a rappelé Guillaume Pepy, et pose la question du modèle de financement de l'infrastructure.

« Tant que l'on n'aura pas trouvé en France un modèle de financement de l'infrastructure, on se sera trompé de combat. Le financement de l'infrastructure n'est pas assuré aujourd'hui car la dette (du gestionnaire d'infrastructure, ndlr) augmente de 3 milliards d'euros chaque année. Cela conduit à avoir un système de péage trop élevé, qui amène les opérateurs à exploiter de moins en moins de trains », a fait valoir Guillaume Pepy.

Pour lui, « il faut résoudre le sujet du financement en prenant en compte un effort industriel économique et industriel de SNCF réseau », mais en sachant cet effort « ne suffira pas à résoudre un problème de 44 milliards d'euros de dette ».

Le gouvernement s'attaque au problème

Visiblement, le gouvernement a conscience de la situation. Guillaume Pepy s'est félicité du fait que la nouvelle ministre en charge des transports, Elisabeth Borne, a décidé de s'attaquer à la question du modèle économique du TGV. Ceci en allant jusqu'à étudier la possibilité de l'Etat de reprendre la dette de la SNCF, comme l'avait indiqué Emmanuel Macron durant la campagne.

« C'est la première fois depuis des décennies que le gouvernement s'autorise à cette décision », a fait remarquer Guillaume Pepy.

Terrain de jeu équitable

Pour affronter la concurrence, ce dernier a par ailleurs demandé la mise en place d'un système équitable qui puisse permette à la SNCF de se battre avec les mêmes armes que les nouveaux entrants.

« Lorsque l'on parle de fair level playing field avec la Commission, il vient tout de suite à l'idée qu'il faut sortir les nouveaux entrants des griffes de l'opérateur historique, mais qui se soucie de la réciproque, que l'opérateur historique ait des conditions d'exercice qui soient équitables ? », s'est-il interrogé, avant de dresser la liste des points qui désavantagent la SNCF par rapport à des opérateurs privés.

« La réalité est que l'opérateur historique paye en France des cotisations de retraite 14% supérieures à celles d'un opérateur privé, soit l'équivalent de 700 millions d'euros. La réalité est que la SNCF a l'interdiction de licencier tout salarié pour des raisons d'insuffisance professionnelle ou économiques. Nous avons une fiscalité plus lourde que les opérateurs privés, et nous avons des vraies fausses obligations de service public, c'est à dire des obligations qui ne font l'objet d'aucune compensation comme les arrêts de TGV décidés pour l'intérêt dit général, ou pour maintenir des emplois dans telle ou telle zone. Si on veut de l'équité concurrentielle, il faut faire une adaptation résolue des conditions d'exploitation de l'opérateur historique en même temps qu'on ouvre à la concurrence. Il faut faire les deux choses en parallèle. »

L'exemple italien

Pour illustrer son propos, Guillaume Pepy a cité l'exemple italien. « La seule chose que la concurrence a fait en Italie, c'est que cela a fait changer Trenitalia. Mais pas parce que Trenitalia est devenue intelligente alors qu'elle était bête auparavant, mais parce que les contraintes politiques qui pesaient sur Trenitalia se sont effacées avec la concurrence. Mon collègue de Trenitalia est allé dire qu'il était plombé dans la concurrence et peu à peu l'entreprise s'est dépolitisée pour devenir une entreprise comme les autres. La concurrence a amené la baisse des péages grande vitesse de 36%. Le gouvernement italien a été obligé de les baisser de 36% pour créer de la concurrence. »

Préférence pour l'open-access

Enfin, entre l'ouverture de la grande vitesse en open-access (tout le monde peut opérer) ou en franchise avec des lots de lignes attribuées après appel d'offres, Guillaume Pepy a demandé des études sur le sujet et estime, « intuitivement, que l'open access est meilleur ».

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 16
à écrit le 02/07/2017 à 12:47
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Pas ravie par cette évolution. L'ouverture à la concurrence dans le monde de la Commission et de l'UE se traduit dans les faits par : + d'argent pour les actionnaires - d'argent pour les salariés, pressurisés pour satisfaire les exigences des actio...

à écrit le 01/07/2017 à 23:35
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Le chemin de fer est une activité à forte demande en capital et qui est très peu rentable. C'est pourquoi dans tous les pays avant l' ouverture à la concurrence exigée par l'Europe les chemins de fer étaient des entreprises publiques soutenues par le...

à écrit le 01/07/2017 à 12:37
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Il faudrait peut être un jour s'interroger sur le dogme de la concurrence libre et non faussée de l'UE et de son intérêt réel pour le consommateur lambda. Souvent le premier résulatat est de favoriser les gros clients au détriment des petits. Donc ga...

à écrit le 01/07/2017 à 11:56
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Au moins il reconnaît que la Sncf n'avait aucun modèle économique.. ...on est en 2017, il serait temps.....heureusement qu' à la tête de cette entreprise les plus brillants énarques se sont succédés depuis des décennies....

à écrit le 01/07/2017 à 9:22
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la gestion par le Privé ?? pose bien des questions(le consortium LISEA la société VINCI en fait déja parti pour le troncon TOURS /BORDEAUX . comme sur les autoroutes le péages. le dindon sera l usager indirectement

à écrit le 30/06/2017 à 19:27
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Il est clair que la SNCF doit être libérée de son carcan actuel. Cela fait des décennies et n'en déplaise à certains qui se défoulent dans les commentaires de la presse que la SNCF est écartelée par les politiques qui se succèdent. La mise en servi...

le 30/06/2017 à 22:37
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Allez savoir, peu être un jour, un ou une doctorant brillant en science je ne sais pas quoi, se plongera dans les grèves 1995. Mais si souvenez vous ! celles qui ont porté au pouvoir à la centrale de Montreuil l'homme à la coupe de cheveux improbabl...

à écrit le 30/06/2017 à 17:46
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Pepy (et avant lui Gallois) achète la paix sociale de la SNCF avec les syndicats en demandant tous les efforts à l' état et aux collectivités locales donc en final aux contribuables; Comme les mêmes contribuables payent déjà les largesses de la SNCF...

le 02/07/2017 à 10:19
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"on connait la chanson" , j'ai un problème : je suis cheminot depuis 1980 et encore en activité alors que j'ai 54 ans ! Combien de fois me suis-je levais à 3h30 ou 4h00 du matin alors que vous dormiez ... encore ? Combien de fois ai-je dû passer de...

à écrit le 30/06/2017 à 12:50
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On commence enfin a admettre que transporter une personne d'un point a à un point b est un acte marchand concurrentiel et concurrencé, y compris en train, et que la seule raison qu'ont les syndicats à s'accrocher à un soi-disant service publique qui ...

à écrit le 30/06/2017 à 12:04
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La croissance du nombre de voyageurs à 10€ ne peut que plomber les comptes de la SNCF tout en incitant les clients à aller voir ailleurs quand ils n'ont pas ces billets.

à écrit le 30/06/2017 à 11:15
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Comme je serais heureux de voir la fin programmée de cette SNCF bolchevique, qui, manifestement ne pourra se réformer d'ici 2O19 à 2022 pour l'ouverture à la concurrence du trafic voyageur sur ses lignes TGV, CGT oblige. Tous les vieux crocodiles na...

le 30/06/2017 à 14:25
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J'ai travaillé pour les concurrents de EDF que sont Direct Energie, Lampiris etc ... Et bien si c'est ça qui vous fait rêver tant mieux pour vous. Mais les modèls Bolcheviks sont devant nous et pas derrière contrairement à ce que vous semblez croire....

le 30/06/2017 à 16:10
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commentaire déplacé. voir(débile). la SNCF de par son image vue par un étranger est le fleuron de la France

le 02/07/2017 à 6:36
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Messieurs qui admirez la SNCF si chère aux contribuables continuez à payer mais ne râler plus sur les prix les grèves le manque de ponctualité et les avantages indus des cheminots et de leur famille voyageant à vos frais

à écrit le 30/06/2017 à 10:55
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En resume pour ceux qui n'auraient pas saisi les nuances de langage du Pt pepy, plus d'implication de l'etat. En clair, les francais devront raquer. Simple, concis.

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