Les marques font leur cinéma

Qu'elles soient planétaires, nationales ou régionales, les marques s'affichent dans les productions audiovisuelles, parfois à moindre frais. Les auteurs y voient une source de financement et les annonceurs une forme de communication moins intrusive. Montée des marches avec ces figurantes alors que le 62e Festival de Cannes s'ouvre mercredi.

Des « films-sandwichs ». C'est avec un certain dédain que certains critiques du 7e art qualifient ces longs métrages peuplés de marques qui viennent régulièrement rappeler les liens entre l'industrie culturelle et le marketing. Cet opprobre n'en laisse pas moins de marbre les spécialistes de cette technique de communication, qui permet aux entreprises d'insérer accessoirement les produits et les marques au sein d'une oeuvre de création. Et qui l'air de rien contribue à nourrir la notoriété des marques. D'autant que certaines ne se contentent plus de jouer les figurantes, elles s'insinuent dans les scénarios. « Normal, les marques sont le signe d'appartenance à une communauté, elles font partie de notre environnement quotidien. Lorsque, dans "LOL", la jeune comédienne dit qu'elle est sur MSN, ce n'est pas parce que Microsoft a payé pour être dans le film, mais parce que les adolescents sont comme ça et qu'aucun d'entre eux ne dit "je suis sur ma messagerie instantanée" », avance Olivier Bouthillier, patron de Marques & Films, une des rares agences hexagonales spécialisées dans le placement de produits.

Avant d'être un moyen de financement, ce placement serait donc un échange de bons procédés destiné à crédibiliser la création de l'artiste, à apporter à la production les accessoires dont il a besoin ou encore à répondre aux exigences du réalisateur. Reste que si les Microsoft, Apple et quelques autres marques statutaires peuvent se payer le luxe de figurer à l'écran, voire au générique, sans bourse délier, pour la grande majorité d'entre elles, la figuration a un coût. « La tarification dépend de nombreux éléments : la notoriété du réalisateur, des acteurs, la construction de la scène, etc. Plus le film a de chances d'être vu, plus le tarif est élevé », analyse Olivier Bouthillier.

Un public bienveillant

Avec 5.000 euros, une marque peut s'inviter sur une table du petit déjeuner, mais pour s'intégrer réellement dans la création, il lui faudra être plus généreuse. La chaîne de restaurant Buffalo Grill aurait déboursé 90.000 euros pour s'associer au film « Disco ». Une somme qui demeure modeste au regard de l'achat d'espace traditionnel. D'autant que la salle de cinéma est un endroit captif. « On ne zappe pas dans les salles obscures. Le public entre dans un contexte qui n'est pas connecté au marketing. Il est plus attentif et plus bienveillant envers les marques », estime Jean- Marc Lehu, consultant et auteur de « la Publicité est dans le film » (Éditions d'Organisation). Des arguments qui font mouche d'autant que le retour sur investissement est souvent au rendez-vous.

La région Nord-Pas-de-Calais ne regrette certainement pas d'avoir investi dans « Bienvenue chez les Ch'tis », qui a cumulé, dans les mois qui ont suivi sa sortie en salles, plus de 20 millions d'entrées... Une véritable aubaine pour les marques locales associées au film de Dany Boon. « En 2008, nos ventes ont progressé de 25 % et nous avons gagné une notoriété nationale », reconnaît Annick Castelain, directrice générale de la Brasserie Castelain dont la bière Ch'ti est omniprésente. La production, soucieuse d'ancrer le film dans la réalité locale, n'a pas exigé d'argent. L'entreprise s'est contentée d'apporter différents éléments de décor.

DVD, chaîne de télévision

Pour équiper en lunettes les « Men in Black », Ray Ban n'aura pas profité de la même aubaine. Mais peu importe. Ses ventes ont explosé de 200 % après la sortie du film en salles. Une sortie qui n'est d'ailleurs qu'une étape dans la vie d'une création cinématographique, puisqu'elle est ensuite éditée en DVD et programmée par une chaîne de télévision. En diffusant le mois dernier « Bienvenue chez les Ch'tis », Canal Plus a, par exemple, battu tous ses records d'audience pour un film, avec plus de 5,5 millions de téléspectateurs. « Chaque diffusion inscrit un peu plus le souvenir de la marque. C'est l'un des avantages du placement de produits », souligne Jean-Marc Lehu. Mais, attention, rappelle Olivier Bouthillier, le placement de produits n'est pas une martingale : « Le succès n'est jamais garanti. Il suffit de voir le nombre de films qui se ramassent chaque mercredi... »

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