2020, année de consécration de l'économie circulaire ?

Adoptée le 30 janvier par le Parlement, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire vise à inscrire l'économie de ressources dans le quotidien des citoyens. Le marché a déjà anticipé quelques mesures.
Giulietta Gamberini
Selon les ONG environnementales, un volet fondamental de l'économie circulaire n'est toutefois pas suffisamment prévu par le texte, qui pourtant scelle la promesse de campagne du président de la République d'atteindre 100 % de plastique recyclé en 2025 : la réduction du plastique à usage unique.
Selon les ONG environnementales, un volet fondamental de l'économie circulaire n'est toutefois pas suffisamment prévu par le texte, qui pourtant scelle la promesse de campagne du président de la République d'atteindre 100 % de plastique recyclé en 2025 : la réduction du plastique à usage unique. (Crédits : Charles Platiau)

2020 s'annonce comme l'année de la consécration pour l'économie circulaire. Jeudi 30 janvier, le parlement a définitivement adopté la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Un texte qui doit incarner, pour le gouvernement, l'intérêt de l'acte II du quinquennat pour l'urgence écologique.

Le concept, fondé sur la nécessité de limiter la consommation des ressources naturelles, a été défini dès 2015 par la loi de transition énergétique, qui avait déjà reconnu l'économie circulaire comme un objectif national. Depuis, ce pilier du développement durable peine toutefois à se frayer une place dans l'opinion publique, à côté de la prise de conscience de la crise climatique et bien au-delà de l'urgence du tri et du recyclage à laquelle il est souvent réduit.

Un débat parasité par la consigne

Le débat parlementaire et sociétal autour du projet de loi a, tout au long de son examen, été parasité par une mesure proposée par le ministère de la Transition écologique: la mise en place d'un système de consigne des emballages des boissons, visant à en encourager le réemploi et/ou le recyclage. Controversée, elle a finalement été repoussée à 2023, afin de laisser aux collectivités le temps d'avancer sur l'extension de la collecte séparée à tous les plastiques, puis d'évaluer les effets de cette dernière sur les taux de recyclage.

Mais le texte présenté par le gouvernement et enrichi par les parlementaires va en réalité plus loin. Il prévoit nombre d'autres dispositions censées non seulement contribuer à la réduction des déchets produits en France au rythme de cinq tonnes annuelles par habitant, mais aussi susceptibles d'inscrire la lutte contre le gaspillage des ressources dans le quotidien des citoyens, voire du modèle économique des entreprises. Le marché en anticipe déjà quelques-unes.

Amazon sous pression

Parmi celles-ci, l'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires - déjà en vigueur pour les aliments -, promise dès janvier par la secrétaire d'État Brune Poirson, « choquée » par un épisode de l'émission Capital qui montrait le caractère courant de cette pratique chez Amazon. Les distributeurs devront désormais donner ces invendus à des associations, ou du moins les recycler.

Même avant que la loi ne soit adoptée, la menace d'une telle contrainte, qui entrera en vigueur dès 2022, couplée à la pression des consommateurs, a déjà suffi à bousculer les géants du e-commerce. Cdiscount communique autour de ses politiques de valorisation des invendus et des retours via les associations Emmaüs et Envie, et a souscrit en 2019 un partenariat avec la plateforme de dons entre particuliers Geev afin d'inciter ses clients à donner les produits qu'ils n'utilisent plus. Amazon lui-même a annoncé qu'il compte automatiser le don des invendus stockés en France dès 2020.

Freiner l'obsolescence programmée

Le texte législatif s'empare également de la lutte contre l'obsolescence programmée, jusqu'à présent laissée à l'initiative d'associations telles que Hop. La loi créée notamment un "indice de réparabilité" des produits électriques et électroniques, construit sur le modèle de l'étiquette énergie. Grâce à cette mesure, ainsi qu'à un ensemble de dispositions allongeant la durée de la garantie et facilitant l'accès aux pièces détachées, le gouvernement espère faire passer le taux de réparation des produits électriques et électroniques de 40% à 60% en cinq ans.

Le projet de loi prévoit même, à compter de 2024, un indice encore plus global de "durabilité", incluant des critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit. Dans ce domaine aussi, le marché semble accompagner la transition, confortant le pari du texte. Preuve en est, par exemple, le développement de la startup de réparation du gros électroménager Murfy, qui, depuis sa création en août 2018, ne cesse de s'étendre géographiquement, avec pour objectif de couvrir 75% du territoire français avant la fin 2020. Fin 2019 elle a levé 2 millions d'euros auprès d'investisseurs privés, et a lancé une campagne de crowdfunding pour récolter 600 .000 euros supplémentaires.

Encore, la loi prévoit diverses dispositions visant à décourager l'achat de produits neufs et à encourager celui de biens d'occasion, qui reflètent et pourraient amplifier une tendance sociale croissante. C'est le cas de la vente en pharmacie de médicaments à l'unité dès 2022 - déjà évoquée par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. C'est aussi le cas de la création, suggérée par un collectif d'associations, d'un fonds pour le réemploi et la prévention des déchets, destiné à permettre l'ouverture de quelques milliers de ressourceries et recycleries.

Du retard sur la réduction du plastique

Selon les ONG environnementales, un volet fondamental de l'économie circulaire n'est toutefois pas suffisamment prévu par le texte, qui pourtant scelle la promesse de campagne du président de la République d'atteindre 100 % de plastique recyclé en 2025: la réduction du plastique à usage unique. Certes, la loi interdit le plastique dans les fast-foods dès 2022 et 2023, et fixe en France un objectif "d'atteindre la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040". Mais l'avenir de la "stratégie nationale pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique", qui doit être "définie par voie réglementaire avant le 1 janvier 2022", est menacée par la ferme opposition des fabricants.

Dans ce domaine, les consommateurs prendront probablement le relais en 2020. Les pétitions et les actions contre le plastique à usage unique se multiplient en France comme partout, et remportent un succès croissant. Préoccupées pour leur réputation, les grandes marques intensifient donc leurs annonces à propos de la recyclabilité ou du caractère recyclé de leurs emballages. En France, elles travaillent même à l'intégration de ces informations dans les codes-barres de leurs produits. Ces données pourraient ainsi ensuite être utilisées par des applications de notation telles que Yuka, aujourd'hui téléchargée par 14 millions de personnes dans six pays différents. Et cela profiterait sans doute à l'économie circulaire.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 30/01/2020 à 19:26
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"La loi créée notamment un "indice" crée Il faut acheter et vendre d'occasion, ça permet de valoriser le produit sans le démonter et tenter de récupérer les métaux, constituants, pièces [laborieux], mais il faut quelqu'un pour acheter neuf, à moins...

à écrit le 30/01/2020 à 17:20
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"l'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires - déjà en vigueur pour les aliments -, promise dès janvier par la secrétaire d'État Brune Poirson, « choquée » par un épisode de l'émission Capital qui montrait le caractère courant de c...

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