Climat : le financement des pays du Sud, la question à 100 milliards de la COP26

Les 100 milliards de financement annuel promis à partir de 2020 par les pays du Nord aux pays du Sud pour les aider à lutter contre le changement climatique, non seulement n'ont toujours pas été récoltés, mais surtout, ce montant est très inférieur aux besoins réels.
Giulietta Gamberini
L'adaptation dans les seuls pays en développement devrait coûter 140 à 300 milliards de dollars US en 2030 et 280 à 500 milliards en 2050, selon le rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement de 2020, qui évalue ces coûts à 70 milliards aujourd'hui.
L'adaptation dans les seuls pays en développement devrait coûter "140 à 300 milliards de dollars US en 2030 et 280 à 500 milliards en 2050", selon le rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement de 2020, qui évalue ces coûts à 70 milliards aujourd'hui. (Crédits : Reuters)

C'est une question brûlante qui pourrait empoisonner la COP26. Les pays du Nord finiront-ils par trouver les 100 milliards de dollars américains qu'ils ont promis de verser chaque année aux pays du Sud pour les soutenir dans la lutte contre le changement climatique? Cet engagement, formulé en 2009 à la conférence sur le climat de Copenhague, et censé être tenu à partir de 2020, prolongé jusqu'en 2025 par l'Accord de Paris, n'a toujours pas été atteint jusqu'ici.

Selon le dernier bilan publié par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en septembre, en 2019 l'ensemble des aides versées par les pays riches aux pays moins développés n'a atteint que 79,6 milliards de dollars. Par rapport à 2018, ce montant n'a augmenté que de 2% puisque, si les financements publics fournis par les institutions multilatérales ont augmenté, les financements publics bilatéraux et les financements privés ont, eux, baissé. Et malgré l'absence encore de données suffisantes, il semble très improbable que les 20 milliards manquants aient été trouvés en 2020.

"L'objectif a presque certainement été manqué", a donc admis cette semaine le président de la COP26, Alok Sharma.

La promesse ne pourra être tenue qu'à partir de 2023

La promesse ne sera d'ailleurs pas tenue avant 2023, relève un recensement mené ces derniers mois par l'Allemagne et le Canada et publié le 25 octobre, prenant en compte les tout derniers engagements des États et des banques multilatérales de développement. C'est seulement à partir de cette date que, selon les auteurs de ce "Plan de mise en œuvre collectif", mandatés par la présidence britannique de la COP26 et aidés par l'OCDE, "le financement fourni et mobilisé par les pays développés au titre de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement devrait atteindre 100 milliards" américains.

Selon un premier scénario où "les financements publics augmentent conformément aux informations fournies", on parviendrait à mobiliser, entre 2021 et 2025, 521 milliards. Une autre projection prenant en compte les conséquences de la pandémie de Covid-19 prévoit un total de 497 milliards sur ces cinq ans.

Les pays du Sud voient surtout le verre à moitié vide

Les organisateurs de la COP26 espèrent que cela suffira à rassurer les pays du Sud.

"Le travail continue, mais nous avons atteint une étape importante qui permettra, je l'espère, de rétablir la confiance et de créer un élan dans cette dernière ligne droite avant la COP26", a affirmé Alok Sharma.

Mais les défenseurs de la solidarité dans la lutte contre le changement climatique voient surtout la moitié vide du verre. "Ce Plan de mise en œuvre collectif n'est pas apte à apaiser les besoins", estime Armelle Le Comte, responsable de plaidoyer sur les questions de climat et d'énergie à Oxfam France, en soulignant en particulier l'absence de toute solution pour combler le manque à gagner qui sera accumulé à cause du retard.

Pas assez de dons ni d'adaptation

Ces toutes dernières promesses perpétuent en outre deux défaillances majeures des financements actuels aux pays du Sud, souligne l a responsable d'Oxfam. Les prêts, qui selon l'OCDE en 2019 représentaient 71% des financements publics (qui à leur tour constituent près de 80% du total), continuent d'être plus importants que les dons: une situation qui oblige les pays pauvres voulant agir contre le réchauffement à s'endetter de plus en plus, alors même que nombre d'entre eux sont déjà proches d'une crise de la dette.

"C'est aberrant que les pays qui ont le moins contribué à la crise climatique doivent emprunter", note Armelle Le Comte, en plaidant pour 35% des financements sous forme de dons.

Aucun engagement n'est en outre prévu pour le moment sur la recherche d'un équilibre entre le financement de projets visant à atténuer les émissions de gaz à effet de serre et de solutions d'adaptation au changement climatique. L'Accord de Paris prône un équilibre entre ces deux volets. Or, en 2019, seulement 25% des financements climatiques aux pays du Sud sont allés à l'adaptation, alors que ces derniers sont particulièrement vulnérables face à des catastrophes naturelles essentiellement dues aux émissions des pays du Nord.

Des besoins immenses

Le frustration est par ailleurs aggravée par la conscience que les 100 milliards promis et qu'on n'arrive pas à récolter représentent une partie infime des manques réels. "Les besoins se chiffrent en milliers de milliards de dollars", a estimé lors d'une conférence de presse le 25 octobre Christiana Figueres, qui était responsable du climat à l'ONU lors de la COP21.

Le gestionnaire d'actifs Blackrock a pour sa part évalué à 1.000 milliards de dollars par an les besoins en financements des seuls pays émergents, responsables de 34% des émissions mondiales,  pour passer à une économie à faible émission de carbone. Selon Blackrock, afin d'attirer suffisamment de financements publics et privés, il faudrait pouvoir s'appuyer sur au moins 100 milliards de dollars de subventions publiques annuelles. Quant à l'adaptation dans les seuls pays en développement, elle devrait coûter "140 à 300 milliards de dollars US en 2030 et 280 à 500 milliards en 2050", selon le rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement de 2020, qui évalue ces coûts à 70 milliards aujourd'hui.

La question de l'après 2025 sur la table

Les ONG et les pays du Sud attendent donc encore beaucoup des pays du Nord lors de la COP26, voire du G20 qui se tient ce week-end à Rome. Tout d'abord, l'annonce d'efforts plus importants par la plupart des Etats: y compris de la France, qui s'est engagée à verser 6 milliards par an jusqu'en 2025.

"C'est insuffisant. Le montant que nous préconisons, c'est 8 milliards", déclare Armelle Le Comte.

"À la COP26, il faudra également définir un équilibre entre financements destinés à l'atténuation et à l'adaptation: 50% nous semble être le bon ratio", ajoute la responsable d'Oxfam. Elle espère aussi qu'une solution sera trouvée pour compenser le manque à gagner cumulé entre 2025 et 2025.

Mais la COP26 doit également être le moment pour commencer à parler de l'objectif financier d'après 2025, en définissant au moins le cadre des discussions. Les pays les plus vulnérables plaident pour qu'il intègre un nouvel objet à financer, s'ajoutant à l'atténuation et à l'adaptation: la compensation des pertes et des dommages irréversibles causés par le réchauffement climatique, que les pays plus pauvres n'ont pas les moyens de réparer et d'indemniser. Évoqué par l'Accord de Paris, il est pour le moment exclu des 100 milliards, malgré la multiplication récente des catastrophes naturelles dues au changement du climat.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 6
à écrit le 31/10/2021 à 4:04
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Pour moi, les 2 phénomènes étant liés, il faut coupler aide à la lutte contre le changement climatique et politique de dénatalité ... Si une politique stricte d'arrêt de la natalité galopante n'est pas mise en place, y compris par des mesures drasti...

à écrit le 30/10/2021 à 14:00
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A votre avis! A quoi devons nous cet excès d"immigration" que nous rapportent les médias? Où avons nous semé des zones de conflit? Et, qui profite du crime?

à écrit le 29/10/2021 à 15:23
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"les pays riches aux pays moins développés n'a atteint que 79,6 milliards de dollars". Et qu'est-ce qui a été fait avec ce fric depuis 2019 ?

à écrit le 29/10/2021 à 15:21
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Tout est absurde dans cet article : La lutte contre le réchauffement climatique est un leurre, personne ne peut lutter contre ce phénomène. Cette lutte n'est pas une question d'argent. Donner de l'argent aux pays du sud ne fera qu'augmenter leur nata...

à écrit le 29/10/2021 à 14:51
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Mais pourquoi, ne les accueille t'on pas tous en France. Nous pouvons leur proposer toutes les aides sociales CMU, chèque énergie, chèque de Noël, bon de transports, prime pour l'achat véhicule électrique etc.......;

le 29/10/2021 à 19:58
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C’est la solution.Un pont aérien en toute urgence……

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